Le message d’alerte a le mérite d’être clair et il donne raison, à plus d’un titre, au Maroc qui ne cesse d’avertir contre la prolifération des drones iraniens de par le monde et, notamment, chez les séparatistes du Polisario qui s’en approvisionnent par le truchement, et le chéquier, des généraux aux commandes en Algérie. L’alerte est signée Llewellyn King, le célèbre chroniqueur, producteur exécutif et animateur de White House Chronicle, une émission phare diffusée à travers tous les Etats-Unis sur la chaîne PBS. Une pointure à la longue et richissime carrière journalistique, qui en Grande-Bretagne comme aux USA, a notamment officié à Time Magazine, The Herald Tribune, The Washington Post et la BBC.
Dans une chronique relayée notamment par les quotidiens The Boston Herald et New England Diary, l’émérite journaliste affirme que «désormais, des drones iraniens sont déployés en Afrique du Nord et constituent une menace directe pour le Maroc». Il relève que le Royaume ne cesse d’attirer l’attention des gouvernements occidentaux quant à ce danger volant dont pourrait profiter le Polisario, engagé, sans succès aucun, dans des attaques de guérilla au Sahara.
«Le Maroc a raison d’être inquiet, mais le monde devrait l’être aussi. Les drones (iraniens, NDLR) sont une infection mortelle qui se propage rapidement», notamment auprès des mandataires de l’Iran à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, souligne l’auteur. Et pour cause, poursuit-il, «même s’ils ne permettent peut-être pas de gagner une guerre, les drones peuvent infliger de graves dommages à diverses cibles: des lieux touristiques aux installations militaires en passant par les infrastructures vitales et les centrales électriques».
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Le Polisario ne cache pas ses ambitions en la matière et en fait même un motif de fierté. Soi-disant ministre de l’Intérieur du Polisario, Omar Mansour a déclaré, en octobre dernier à Nouakchott, que «l’armée sahraouie va bientôt utiliser des drones armés dans la guerre d’usure au Sahara occidental». Depuis leur débâcle à El Guerguerat, en novembre 2020, les milices séparatistes cherchent par tous les moyens à laver le peu d’honneur qui leur reste, quitte à inventer des «attaques meurtrières» au Sahara et «des dégâts humains et matériels considérables dans les rangs de l’armée marocaine».
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N’empêche, la piste de l’acquisition de drones est confirmée, y compris par l’Iran. Le même mois d’octobre 2022, le général-major Yahya Rahim Safavi, conseiller militaire personnel de l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique d’Iran, a annoncé que 22 pays à travers le monde ont adressé à Téhéran des demandes officielles en vue d’acquérir des drones. L’Algérie et le Venezuela figurent en tête des gros clients ayant passé commande.
Les deux annonces, faites à quelques jours d’intervalle, se recoupent. Elles viennent clairement confirmer que les drones iraniens qui intéressent l’Algérie seront aussi destinés au Polisario. Au Maroc, elles sont prises très au sérieux. Peu après, et lors d’une conférence de presse commune avec son homologue yéménite à Rabat, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a mis en garde «contre l’acquisition de drones armés par des groupes terroristes et séparatistes», en pointant du doigt l’ingérence de la République iranienne dans plusieurs pays arabes. «Le régime iranien est le sponsor officiel du séparatisme et des groupes terroristes dans un certain nombre de pays arabes», a déclaré Bourita, ajoutant que l’appui de Téhéran «à des acteurs non étatiques armés représente une menace pour la paix régionale et internationale».
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Ce qui est sûr, c’est que l’Iran a acquis une expertise certaine dans le domaine, devenant un puissant fournisseur de drones militaires aux dictateurs et aux insurgés. «L’expérience de l’Iran avec les drones remonte à la guerre que l’Iran et l’Irak ont menée entre 1980 et 1988. À cette époque, les drones étaient en visibilité directe, simplistes et uniquement bons pour la surveillance. Depuis lors, l’Iran a construit des générations de drones, grands et petits, mais de plus en plus sophistiqués. Ils ont été aidés par des drones américains capturés qu’ils ont repensés en y incorporant les dernières technologies», écrit Llewellyn King.
Des moteurs et des pièces ont souvent été introduits en contrebande en Iran depuis l’Occident. Des moteurs capables d’alimenter des drones ont ainsi, par exemple, été introduits en Iran en contrebande et ont été déclarés comme servant à… des jet-skis ou des motoneiges. «C’était le cas avec le moteur Rotax de fabrication autrichienne jusqu’à ce que le subterfuge soit détecté», relate le chroniqueur. Aujourd’hui, l’armée iranienne prétend pouvoir fabriquer les moteurs et toutes les pièces de ses drones, légers, bon marché et facilement transportables et cachés.
À l’arrivée, une gamme «impressionnante» de drones avec un long temps de vol (24 heures), pouvant couvrir de longues distances et transporter un matériel lourd (de surveillance comme d’attaque).
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Cité dans cette analyse, Ilan Berman, vice-président senior de l’American Foreign Policy Council, affirme que l’Iran est arrivé à la conclusion que sa force n’est pas dans la confrontation dans le cadre d’une guerre conventionnelle, mais dans l’aide aux conflits asymétriques. «C’est la raison pour laquelle ils ont dépensé tant d’argent et de temps dans le financement du terrorisme et dans les missiles balistiques. Les drones sont une évolution de cette stratégie puisqu’ils participent au renforcement des capacités de leurs groupes mandataires», explique-t-il.
La solution pour le Maroc selon Ilan Berman, qu’il s’agisse d’assauts simples ou d’essaims conçus pour causer des dégâts importants, est dans l’Iron Dome israélien, «le seul système défensif efficace contre les drones». Le «Dôme de fer» est en effet capable de faire face à des projectiles volant à basse altitude tirés à une distance aussi proche que 2,5 kilomètres du lieu d’interception. «Il s’agit d’un dispositif de défense portable complexe, basé sur un radar, conçu pour détruire les roquettes et les drones en provenance de Gaza et de ses voisins, la Syrie et le Liban, qui hébergent tous deux des mandataires iraniens non étatiques», souligne le vice-président senior de l’American Foreign Policy Council.
Pour l’heure, Israël hésite à vendre son Iron Dome, mais Berman pense que puisque le Maroc est signataire des Accords d’Abraham, une telle transaction reste possible. Un tel deal prendrait néanmoins des années de négociation et nécessiterait un aval américain.