Analyse. Comment Alger et Pretoria, rares soutiens du Polisario, perdent définitivement la partie sur le Sahara

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, avec le chef du Polisario, Brahim Ghali. DR

Ouvertures par de nombreux pays, notamment africains, de consulats à Laâyoune et Dakhla, appui de grandes puissances (États-Unis, Espagne, France) à la souveraineté marocaine sur le Sahara, victoires diplomatiques du Maroc à l’ONU et à l’UA… La chimère d’une République arabe sahraouie démocratique (Rasd) s’évapore à vue d’œil, indique le think tank sud-africain Institute For Security Studies (ISS) dans une analyse dédiée. En face, l’Algérie et l’Afrique du Sud, les plus fervents sponsors du projet fantasmagorique, perdent la face. Même si Pretoria est encline à plus de pragmatisme.

Le 16/08/2024 à 17h57

Le verdict est sans appel et son auteur est un prestigieux think tank sud-africain: Institute For Security Studies (ISS). La chimère d’une «République arabe sahraouie démocratique» (Rasd) se dissipe à vue d’œil et le Maroc l’emporte sur tous les niveaux contre les principaux soutiens du front Polisario, nommons l’Algérie et l’Afrique du Sud. Dans une analyse dédiée, publiée ce vendredi 16 août et signée par Peter Fabricius, consultant à l’ISS, l’institut énumère les succès du Royaume dans le parachèvement de son intégrité territoriale.

Alors que les soutiens au Polisario rétrécissent comme peau de chagrin en Afrique et que plusieurs pays du continent ont retiré cette reconnaissance ces dernières années ou l’ont gelée, le Maroc, lui, compte 22 pays africains qui ont ouvert des consulats dans ses provinces du Sud, «ce qui implique la reconnaissance de ses revendications», lit-on.

Le projet de la Rasd perd du terrain mondialement. «Le coup le plus dur a été la reconnaissance du plan d’autonomie de Rabat par trois grands acteurs», écrit Peter Fabricius: les États-Unis, l’Espagne et la France.

L’analyse rappelle que la première grande puissance à s’engager dans cette direction a été les États-Unis en 2020. Donald Trump, alors président, a officiellement reconnu la souveraineté du Maroc sur son Sahara. L’Espagne a apporté son appui au Maroc en 2022. «Mais ce qui pourrait changer la donne, et que d’autres pays pourraient suivre, a été la récente lettre du président français Emmanuel Macron au roi du Maroc Mohammed VI». Dans ce document, Macron soutient le plan d’autonomie de Rabat comme «la seule base» pour résoudre le conflit. L’auteur de l’analyse omet cependant de préciser que pour la France, «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté du Maroc», comme l’avait précisé Macron dans sa lettre au Roi, datée du 30 juillet 2024. Une position confirmée dans un communiqué de l’Élysée publié jeudi 15 août.

Dans sa lancée, la diplomatie marocaine n’a cessé d’accumuler les percées, tant au niveau continental qu’international. «Rabat a fait preuve de stratégie en gardant la question à l’ONU, dont la Rasd n’est pas membre –et loin de l’UA, où des pays comme l’Afrique du Sud et l’Algérie ont de l’influence et dont la Rasd est membre», résume le document.

Citée dans cette analyse, la conseillère principale de l’UA auprès de l’International Crisis Group, Liesl Louw-Vaudran, note qu’«il est remarquable de constater que le Maroc a maintenu la question du Sahara occidental complètement hors de l’ordre du jour de l’UA». Cette question n’est jamais discutée au sein de l’Assemblée de l’UA pour la paix et la sécurité. Conseil, dont le Maroc est membre, au département des affaires politiques de l’UA. «C’est comme si cela n’existait pas», souligne le rapport. Il faut préciser que la question est du ressort exclusif de l’ONU. Depuis son 33ème sommet tenu en juillet 2018 à Nouakchott, l’Union africaine a adopté à la quasi-unanimité la décision 693, en vertu de laquelle l’Organisation des Nations unies est désormais le cadre exclusif pour la recherche d’une solution au conflit créé autour du Sahara marocain. L’Union africaine se limite depuis à contribuer par des avis consultatifs, à la demande de l’ONU, par le biais du mécanisme dit de la Troïka (ancien, actuel et prochain présidents en exercices de l’UA). D’ailleurs, en prenant cette décision très sage, l’UA a clairement signifié que le dossier du Sahara ne sera plus un motif de divisions au sein de cette organisation.

Là où l’analyse se trompe, et lourdement, c’est lorsque son auteur s’aventure à affirmer qu’à l’ONU, le statut du Sahara occidental devrait être déterminé… par référendum et que «ce sera la conclusion à laquelle aboutira le Conseil de sécurité de l’ONU quand il discutera du dossier en octobre prochain». C’est oublier que les gesticulations ayant prévalu auparavant, et défendant un impossible référendum, sont devenues nulles et non avenues. Le mot «référendum» a disparu des résolutions du Conseil de sécurité depuis plus de deux décennies. Mieux: la solution politique sur la base d’un réalisme et d’un pragmatisme indissociables de la proposition marocaine d’autonomie prévaut dans l’esprit des dernières résolutions onusiennes. En 2023, pour la troisième année consécutive, et s’inscrivant d’ailleurs dans l’esprit et le texte des résolutions 2602 (2021) et 2654 (2022), la résolution 2703 de 2023 de l’ONU, la dernière en date, préconisait une solution réaliste et basée sur le compromis au conflit du Sahara. Comme ses précédentes, aucune mention au référendum n’y est faite.

Citant cette fois Jacob Mundy, professeur agrégé et président du département «Paix et études sur les conflits» à l’Université Colgate (États-Unis), le document s’évertue également à spéculer sur un éventuel veto de la Russie ou de la Chine si la France et les États-Unis cherchent à amener le Conseil de sécurité de l’ONU à adopter la proposition d’autonomie du Maroc comme seule voie à suivre. C’est plus compliqué que cela et c’est peu dire que, jusqu’ici, seule la Russie s’est abstenue de voter les dernières résolutions. Sans parler de la boussole du régime d’Alger qui a perdu le nord au point de s’attirer l’ire de ses alliés traditionnels. Aujourd’hui, Alger est en conflit avec tout son voisinage à l’exception de la Tunisie que Kaïs Saïed a vassalisée à Alger. Au Mali, les membres de l’Africa Corps (ancien nom des éléments de Wagner) combattent les séparatistes touaregs, soutenus par l’Algérie. Il est peu probable que Moscou se mouille pour le Polisario au Conseil de sécurité alors que des Russes sont tués aux frontières de l’Algérie avec la complicité du régime d’Alger.

Quant au poids de l’Algérie, qui occupe actuellement un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, qui d’après encore ce rapport de l’ISS «rend encore plus probable que le Conseil ne soutiendra pas le plan du Maroc», force est de constater qu’il est tout bonnement insignifiant dans le concert des nations.

Au sommet de sa furie, suite au dernier geste de la France, le régime d’Alger a rappelé son ambassadeur à Paris en signe de protestation et a également commencé à refuser d’accepter ses citoyens expulsés de France, note l’auteur de l’analyse. Tout porte à croire que ce sera à peu près tout.

À Pretoria, la raison semble de plus en plus l’emporter, l’Afrique du Sud ayant «pris une décision pragmatique après la réadmission du Maroc au sein de l’UA en 2017 pour totalement rétablir ses relations diplomatiques» avec le Maroc. «Certains responsables du gouvernement sud-africain perçoivent une érosion du soutien à la Rasd et une croissance constante du soutien à la revendication de souveraineté du Maroc. Un responsable a déclaré à ISS Today que le front Polisario n’avait pas mobilisé un soutien international comparable à celui du Congrès national africain (ANC) contre le gouvernement de l’apartheid», lit-on. Il en faut beaucoup pour y parvenir en effet. On retiendra qu’à la place de la propagande, Pretoria se dirige un peu plus vers un autre langage, celui de la vérité. C’est déjà ça.

Par Tarik Qattab
Le 16/08/2024 à 17h57