Un «paquet migratoire» qui contient d’abord une bonne dose de calculs politiciens, dans les compromis finalement trouvés après quasi huit ans de négociations, comme dans les consignes de vote données, car les «grands» groupes, majoritaires, du Parlement, de la droite PPE aux Socialistes (S&D), en passant par les centristes de Renew, ne pouvaient pas terminer le mandat sur un échec. D’où la dramatisation des derniers jours, le choix de l’ordre des textes présentés, et la pression mise sur les députés, texte par texte (dix rapports soumis au vote), au motif qu’un effet «domino» fragilisait l’ensemble en cas de rejet de l’un d’eux. De grandes manœuvres répétées à l’échelle des pays, et des délégations nationales de chaque groupe –élections en juin prochain oblige (élections européennes doublées d’élections locales dans un certain nombre d’États membres). Et c’est le PD italien qui rejette un texte que soutient la Première ministre Meloni, comme ce sont Droite et Gauche françaises qu’on retrouve alliées inattendues contre une réforme portée par le groupe du président Macron.
Un «pacte» entre les États membres, qui les lie comme jamais sur la question migratoire, puisque, au-delà des mesures renforçant les contrôles aux frontières, avec une procédure accélérée (5 jours) pour examiner des demandes d’asile, via un système de « filtrage » obligatoire et préalable à l’entrée d’un migrant dans l’UE, des contrôles de santé et de sécurité, ou encore le relevé des empreintes digitales alimentant la base de données Eurodac, au-delà d’une mesure spécifique dite «procédure à la frontière», pour les migrants dont la procédure d’asile est jugée recevable après le filtrage, mais qui ont statistiquement le moins de chance d’obtenir une protection internationale, eu égard à la vocation historique du droit d’asile (Marocains et Tunisiens), le bouleversement –pour les Européens– tient dans une solidarité imposée aux 27 États membres, qui prime sur la souveraineté de chacun d’eux et qui accélère la perte de maîtrise de leurs frontières. Certes, jusqu’alors, la politique migratoire européenne était fondée sur le «principe de Dublin» selon lequel la charge de la procédure d’asile pesait sur le premier pays atteint par les réfugiés, donc essentiellement et injustement la Grèce et l’Italie. Désormais, les autres États membres devront soulager les pays d’entrée: soit en acceptant eux-mêmes cette charge, via des relocalisations de migrants, soit en s’y soustrayant moyennant une sorte d’amende qui ne dit pas son nom, fixée forfaitairement à 20.000 euros par demandeur d’asile.
Une réforme des politiques migratoires nécessaire, mais sans doute trop complexe pour être réellement efficace, et de toute façon insuffisante. C’est alors tout l’enjeu d’un autre pacte, celui que l’Europe tente d’établir avec les pays tiers pour freiner les flux migratoires. «Parallèlement, nous poursuivrons également nos partenariats de travail avec les pays d’origine et de transit afin que nous puissions nous attaquer ensemble aux causes profondes de la migration», a déclaré von der Leyen après l’adoption du pacte. Quel que soit le président de la Commission à l’issue des élections de juin, ces partenariats initiés avec la Tunisie, l’Égypte et la Mauritanie ont vocation à être étendus à l’ensemble du voisinage Sud, Maroc en tête. Et certainement très rapidement. La Hongrie prendra la présidence de l’UE au 1er juillet, nul doute que la question migratoire figurera en première ligne de son agenda politique.
D’ici là, le Pacte Asile et Migration va être transmis aux États membres, qui devront à leur tour voter sur le texte fin avril. Il restera alors six semaines de campagne. À peine le temps d’espérer entendre les Européens décliner un projet de politique de voisinage qui ne se résume pas à la question migratoire.