Rabouni: les Sahraouis des camps crient leur ras-le-bol contre la corruption du Polisario

Brahim Ghali, chef de la milice du Polisario.

Brahim Ghali, chef de la milice du Polisario.. AFP or licensors

En ébullition constante depuis plusieurs mois et théâtre de violentes manifestations contre les dirigeants du Polisario, les camps de Tindouf ne sont pas près de connaître le moindre répit. Cette fois-ci, les protestants en colère saisissent l’occasion des réunions de dirigeants du Polisario pour venir taper du poing sur la table et leur crier au visage qu’ils ne sont rien d’autre que des corrompus.

Le 16/07/2023 à 09h44

La situation tourne de plus en plus au vinaigre dans les camps sahraouis de Tindouf, où le divorce semble clairement consommé entre les populations de Lahmada et les dirigeants du Polisario.

Une récente réunion, qui se voulait de «sensibilisation» et de présentation des résultats du dernier conclave du «secrétariat national du Polisario», tenue dans le camp dit «Laâyoune» et animée par des membres de la direction du Polisario, a finalement montré à quel point les populations des camps sont remontées contre ces derniers.

De vive colère, une habitante dudit camp est courageusement montée au créneau en allant directement taper du poing sur la table qui servait de tribune à des dirigeants du Polisario et leur crier à la face qu’il est temps qu’ils fassent «trêve de mensonges et duperies», et que leur vrai visage est bien connu. «Vous n’êtes que des corrompus. Vous avez tout pris et tout donné à vos fils, alors que les nôtres n’ont rien que l’injustice, la répression et la prison», leur a-t-elle lancé de vive voix.

En référence à la ministre de l’Intérieur du Polisario, l’Algérienne Mariem Salek Hmada, cette femme-courage a également dénoncé la mainmise des «fils de l’étranger» sur les maigres aides humanitaires dédiées aux Sahraouis des camps.

Filmée en cachette par un membre de l’assistance, cette vidéo permet de lever un pan sur l’omerta implacable que les services algériens et ceux des milices du Polisario tentent d’instaurer dans les camps sahraouis de Tindouf.

Il faut dire dire que depuis le mois de janvier dernier, et suite au très contesté deuxième mandat accordé à Brahim Ghali, en vue de rester à la tête du Polisario et de sa pseudo république, la colère n’a plus faibli dans les camps.

De nombreux sit-in de protestation

Ainsi, durant les sept derniers mois, de nombreux sit-in de Sahraouis mécontents ont été organisés devant les bureaux du chef du Polisario à Rabouni, parallèlement à des manifestations devant le siège de l’antenne locale du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU pour exiger la protection des civils des camps contre la répression. Ces vives protestations ont été également émaillées par de nombreux actes de violence ayant surtout visé les postes des milices du Polisario, ainsi que par l’incendie de stations-service, de voitures de luxe et autres commerces appartenant aux dirigeants séparatistes.

La colère dans les camps de Lahmada a essentiellement pour cause principale la perte totale de confiance envers le Polisario qui ne cesse d’essuyer des revers diplomatiques et militaires depuis 2020, dans le sillage de son parrain algérien que les Sahraouis considèrent comme inepte et totalement dépassé par les évènements. L’expulsion définitive, en novembre 2020, du Polisario d’El Guerguarate et de l’ancienne zone tampon sise à la frontière maroco-mauritanienne, en plus de la cascade de reconnaissances de la marocanité du Sahara, ont sonné le glas du Polisario dans les camps.

Ce revers a été amplifié par la proclamation unilatérale de la rupture du cessez-le-feu par le Polisario, qui ne cesse, depuis le 21 novembre 2020, de diffuser des communiqués militaires quotidiens relatant une guerre fictive que seuls les médias algériens officiels voient. Ces mensonges guerriers ont eu un effet dévastateur sur le peu de confiance que les populations des camps exprimaient encore à l’égard de la direction du Polisario.

Mais le moral de ces populations est encore tombé très bas quand ils ont découvert que leur chef était allé se faire soigner du Covid en cachette dans un hôpital espagnol, sous le faux nom de Mohamed Benbatouche, avant de prendre la fuite dare-dare quand la justice espagnole a tenté de l’alpaguer suite à de nombreuses plaintes pour crimes de guerre et autres viols et tortures.

C’est ce qui explique que la reconduction de Brahim Ghali en tant que chef du Polisario a été très mal digérée, et a conduit à un état de rébellion quasi permanente dans les camps.

Pour ne rien arranger, le Polisario a lui-même jeté de l’huile sur le feu en avril dernier, quand un jeune Sahraoui de la diaspora, de retour dans les camps, a diffusé sur les réseaux sociaux les images d’une cargaison de carburant qu’un dirigeant du Polisario a détourné et qu’il état en train d’acheminer vers le frontière mauritanienne en vue de la revendre. Ce jeune a été finalement kidnappé, emprisonné et torturé, poussant son clan tribal, les Rguibat Souaâda, à multiplier les manifestations, sit-in et actes de violences pour exiger sa libération.

La situation reste tellement tendue dans les camps de Lahmada qu’une omerta totale y est imposée. Le régime algérien est lui-même si inquiet de ce divorce consommé entre Polisario et populations des camps, que le porte-voix de l’armée algérienne, le mensuel El Djeich, qui a toujours consacré dans ses pages un dossier au Polisario, l’a totalement zappé, pour la première fois, dans son dernier numéro de juillet 2023.

Par Mohammed Ould Boah
Le 16/07/2023 à 09h44