Après les interruptions à répétition, voici venu le temps de la panne sèche en approvisionnement en eau. Et des révoltes massives, notamment à Tiaret (une ville de 300.000 habitants), qui risquent de souffler le «règne» de Abdelmadjid Tebboune, dont l’attitude rappelle étrangement celle d’un… Boris Eltsine en fin de carrière à la tête de la Russie. Les dernières images du président de la République algérienne, lors d’une rencontre un peu trop tactile avec son homologue français, Emmanuel Macron, au sommet du G7, se passent de commentaire. Mais même sur son lit de mort, Tebboune n’en démordrait pas: au réel, il substituera toujours les fanfaronnades. Et la gestion catastrophique de l’eau en Algérie n’échappe pas à l’avalanche de mensonges dont il couvre une unique vérité: son incommensurable incompétence.
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Plus fantaisistes les unes que les autres, les déclarations présidentielles font passer l’Algérie pour un futur géant agricole mondial où l’eau coule littéralement à flots. En face, la réalité, dans laquelle de nombreuses régions du pays souffrent le martyre et un manque aussi criant qu’inadmissible en eau potable. Si les Algériens ont l’habitude des interruptions à répétition de l’approvisionnement en eau, là ce sont les coupures nettes, et pendant des jours, des semaines, voire des mois entiers. Nous ne parlons pas des régions désertiques qui composent 90% du territoire algérien, mais de la bande méditerranéenne et son arrière-pays, qui concentrent l’écrasante majorité des habitants chez le voisin. L’Ouest algérien, comptant une ville aussi tentaculaire qu’Oran et toute son agglomération (1,7 million d’habitants), en sait quelque chose. La région a dû faire face à six longs jours sans eau, la veille de Aïd Al-Adha, précédée et suivie par des interruptions régulières d’approvisionnement. La situation est encore plus dramatique à Tiaret, zone désormais à feu et à sang, dont la population manifeste depuis des semaines pour crier sa soif.
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Et ce ne sont là que les régions sur lesquelles les autorités ont bien voulu communiquer et où la révolte a atteint les réseaux sociaux, l’omerta étant la règle.
Sécheresse… et miracle céréalier
Pour seule réponse, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a choisi le bluff. Il est en cela suivi par toute «son» administration qui, à la compétence, préfère le «nif», cet orgueil algérien souvent mal placé par les dirigeants du pays voisin. Même quand il a fallu admettre la situation à Tiaret, c’est à coups de mensonges que les autorités algériennes ont tenté d’éteindre le feu, promettant une solution «sous 48 heures», un véritable défilé de camions-citernes et un nombre incalculable de puits. Mais rien n’y a fait.
Au lieu d’anticiper un tel drame, le président algérien a préféré marquer une longueur d’avance en bobards. Il faut dire qu’il est imbattable en la matière. Quoi de mieux donc que de simuler un miracle céréalier pour détendre l’atmosphère? Alors que la colère des habitants s’intensifie au fil des jours, le régime d’Alger vient d’inventer, intelligence artificielle à l’appui, des productions records en céréales… en plein désert. On nous annonce ainsi 8,5 millions de tonnes lors de la campagne 2024-25, contre 7,5 millions de tonnes prévues au Maroc. Chiche!
Onze fois la production mondiale en eau dessalée!
Rassasiés? Toujours pas? Il y a eu plus fort, et c’est encore dans toutes les mémoires. Le mardi 19 septembre 2023, dans son discours devant la 78ème Assemblée générale de l’ONU à New York, Tebboune a annoncé sans ciller, et en marquant une pause pour bien peser ses mots, que son pays allait produire d’ici la fin 2024 pas moins de 1,3 milliard de m³ d’eau potable par jour grâce au dessalement de l’eau de mer. Vous avez bien lu: 1,3 milliard de m³ d’eau potable par jour, soit 474,5 milliards de m³ par an. Et pour cette année. Calculette en main, c’est 11 fois la production mondiale actuelle d’eau dessalée.
Mieux, le président mytho a affirmé, les yeux dans les yeux, que l’Algérie est appelée à occuper la première place en Afrique, et la deuxième dans le monde arabe (après l’Arabie saoudite, excusez du peu) en termes de capacités de production de l’eau dessalée. Une déclaration corroborée par Toufik Hakkar, ancien PDG de la Sonatrach, qui supervisait ce programme.
Autoroutes de l’eau: un seul rival, les États-Unis
On s’en souvient aussi, en juillet 2023, entre deux inaugurations de minuscules projets à Tipaza, et parlant de la nécessité d’une interconnexion entre les barrages locaux en vue de transférer l’eau d’une région du pays à l’autre, Tebboune a déclaré que «l’Algérie est le seul pays au monde, en dehors des États-Unis, à réaliser un grand transfert d’eau. Il s’agit de celui d’Aïn Salah-Tamanrasset sur 750 km». Ce projet, vérification faite, assure un modeste débit de 30.000 m³/jour. Non seulement il est irrégulier, mais l’eau en question est de mauvaise qualité, car transférée à l’aide de tuyaux en caoutchouc et non à travers des aqueducs comme cela se fait dans de nombreux pays à travers le monde. D’ailleurs, Tebboune tient mordicus à cette technique des tuyaux, car, selon lui, «tant que nous avons les moyens, nous fabriquons nous-mêmes la tuyauterie et nous disposons d’entreprises algériennes en mesure de le faire pour interconnecter les barrages».
C’est néanmoins oublier qu’il ne sert à rien d’interconnecter des barrages dont le taux moyen de remplissage ne dépasse pas les 28% et dont un tiers des 84 structures en place est inopérant faute d’entretien, comme l’explique le journaliste algérien en exil, Abdou Semmar, dans une vidéo dédiée. Si Tiaret en est là actuellement, c’est justement à cause de la mise à l’arrêt du seul barrage qui dessert la ville.
Nourrir l’Afrique? Fastoche
Il y a autre chose: devant le secrétaire d’État américain Antony Blinken, le mercredi 30 mars 2022 à Alger, Tebboune avait affirmé que l’Algérie va nourrir… l’ensemble du continent africain. Les Algériens, qui se réveillent aux aurores pour faire d’interminables queues dans le simple objectif d’acheter un sachet de lait ou un sac de semoule, vont certainement apprécier. Mais qu’à cela ne tienne. «Avec un pays très vaste, nous pouvons aider l’Afrique en matière de fourniture de céréales. On peut le faire. Il est techniquement faisable d’atteindre une production de 30 millions de tonnes. Nous avons besoin de 9 millions de tonnes et pouvons exporter 21 millions de tonnes vers le Maroc, la Tunisie et l’Égypte sans aucun problème», a-t-il prétendu. Ceci, alors que l’Algérie occupe l’une des premières places (pour une fois)… parmi les importateurs de céréales dans le monde.
Tebboune n’en a cure! Voulant à tout prix présenter un bilan doré avant d’officialiser sa candidature pour un deuxième mandat, il pousse les ministres et les commis d’État à une course à la surenchère. Mais à qui dira le plus. Les titres de l’agence officielle (APS) ces derniers jours participent d’un monde parallèle: «La production abondante de blé dur a permis d’assurer 1,2 milliard de dollars au profit du Trésor.»
Ou encore «Conseils d’affaires et diplomatie économique, le ministre du Commerce: ‘‘le pays connaît un boom économique sans précédent’'»… Avec Tebboune, le nif algérien a éclipsé celui de Pinocchio.