La Première ministre italienne Meloni réunit son gouvernement près du site où 72 migrants ont péri dans un naufrage

La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, lors d'une conférence de presse au Palazzo Chigi à Rome, le 8 mars 2023.

La Première ministre italienne Giorgia Meloni réunit jeudi ses ministres à Cutro, où le naufrage d’une embarcation de migrants a fait au moins 72 morts fin février, un geste symbolique pour son gouvernement d’extrême droite accusé d’entraver les secours aux migrants.

Le 09/03/2023 à 07h33

Ce conseil des ministres en Calabre, la région très pauvre formant le talon de la Botte italienne, sera le premier organisé hors de Rome par ce gouvernement et permettra à Mme Meloni de rendre hommage aux victimes.

Selon les médias, l’exécutif devrait annoncer à la fois un renforcement des peines contre les passeurs et l’accroissement des possibilités légales d’entrer en Italie, notamment à travers des couloirs humanitaires.

Le gouvernement de Giorgia Meloni, qui avait fait de la lutte contre l’immigration illégale son cheval de bataille pendant la campagne électorale, est depuis ce naufrage tragique, survenu dans la nuit du 25 au 26 février, sous le feu des critiques croisées de l’opposition et de la société civile.

Dans une lettre ouverte, le maire de Crotone, la ville la plus proche du lieu du drame ayant accueilli la chapelle ardente pour les cercueils des victimes, a ainsi reproché au gouvernement son absence après la tragédie. «La communauté de Crotone, frappée par une douleur immense, a attendu de votre part un message, un appel, un signe, qui n’est pas arrivé», a déploré Vincenzo Voce.

Giorgia Meloni a elle rejeté toute responsabilité de son exécutif dans le lourd bilan du naufrage. «La situation est simple tout en étant tragique: nous n’avons reçu aucun signalement d’urgence de (l’Agence européenne de surveillance des frontières) Frontex», a-t-elle déclaré.

La justice a néanmoins ouvert une enquête sur l’arrivée trop tardive des secours. Selon Frontex, l’un de ses avions avait repéré le 25 au soir un bateau surchargé parti la semaine précédente de Turquie vers l’Italie et alerté les autorités italiennes.

L’opposition a demandé la démission du ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, tenant d’une ligne très dure envers les ONG qui aident les migrants en détresse en Méditerranée centrale et auteur de déclarations manquant pour le moins de compassion après le drame.

«Occasion perdue»

Le ministre, un proche du chef de la Ligue antimigrants Matteo Salvini, s’est défendu mardi devant les députés en reconstituant étape par étape les circonstances du drame. Lui aussi a réaffirmé que Frontex n’avait pas signalé de problème avec l’embarcation.

M. Piantedosi a accusé les quatre passeurs présumés, dont le dernier a été arrêté mercredi en Autriche, d’être à l’origine de ce drame car ils ont passé des heures près des côtes, de nuit et par mauvaise mer, pour échapper aux forces de l’ordre italiennes, et lors d’une manœuvre périlleuse ont heurté un rocher à fleur d’eau ayant provoqué le naufrage.

M. Piantedosi a même revendiqué un bilan positif en matière de sauvetage, affirmant qu’entre l’entrée en fonction du gouvernement fin octobre et le 27 février près de 36.500 personnes ont été secourues en mer.

«Une occasion perdue de répondre à des questions précises» sur la chaîne de commandement italienne, soupçonnée de défaillances lors de ce naufrage, a déploré la nouvelle cheffe du Parti démocrate (PD, gauche) Elly Schlein.

Le dossier des migrants est un sujet politique très sensible en Italie, pays de première entrée où sont arrivés des centaines de milliers de migrants ces dernières années. Rome reproche à ses partenaires de l’Union européenne un manque de solidarité.

La cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen a assuré, dans une lettre envoyée lundi à Mme Meloni, qu’«il est clair que les migrations sont un défi européen qui exige une réponse européenne», tout en soulignant «le devoir moral d’agir pour éviter des tragédies similaires».

Elle a aussi évoqué les lignes directrices de l’action de la Commission dans ce domaine, comme «aider qui a besoin d’une protection internationale, empêcher les départs illégaux, combattre les réseaux criminels de trafiquants, offrir des parcours pour une migration sûre et légale et rapatrier ceux qui n’ont pas le droit de rester» dans l’UE.

Le pape François, dont l’influence morale est grande en Italie et qui a appelé dimanche à ce que «les eaux claires de la Méditerranée ne soient plus ensanglantées par des incidents aussi dramatiques», s’est vu remettre mercredi par deux prêtres du diocèse de Crotone un morceau de bois issu de la coque du bateau accidenté.

Par Le360 (avec AFP)
Le 09/03/2023 à 07h33