Hilarant. La télévision nationale algérienne fait l’apologie des séparatistes bretons français

La chaine Canal Algérie a consacré un sujet de son journal télévisé du 11 mai 2025 au soutien à la cause indépendantiste bretonne.

La chaine Canal Algérie a consacré un sujet de son journal télévisé du 11 mai 2025 au soutien à la cause indépendantiste bretonne.

Insolite mais vrai, Canal Algérie 2, la chaîne publique francophone algérienne, a diffusé dans le cadre du journal télévisé du 11 mai, un sujet consacré à l’indépendance de la Bretagne, en tendant le micro au président du parti national breton, groupuscule néonazi dont le fondateur fait l’objet d’un mandat de recherche lancé par Interpol.

Le 12/05/2025 à 15h02

Alors qu’on pensait avoir tout lu et tout entendu au sujet de l’Algérie, nous sommes en réalité encore très loin du compte. Tandis que les relations franco-algériennes traversent leur pire crise depuis l’indépendance du pays, le régime d’Alger et son président Abdelmadjid Tebboune, compromis dans une série de barbouzeries commises en France et en Espagne, sont loin de jouer la carte de la diplomatie et de l’apaisement.

Dans une enquête explosive publiée le 10 mai, le JDD dévoilait les accès de colère d’un Tebboune présenté comme incontrôlable depuis qu’il a été contraint de renoncer à ses doses habituelles de whisky et à ses deux paquets de cigarettes quotidiens. L’occupant de la Mouradia, qui gère la politique de son pays en fonction de son humeur, semble bien décidé à rendre coup pour coup à la France. Ulcéré par les révélations du JDD, Tebboune a réactivé les vieilles rengaines du Système.

Ainsi, au lendemain de la publication de cette enquête, qui dévoile l’implication directe du président algérien dans la chasse aux opposants algériens en France et en Espagne, la chaine étatique Canal 2 Algérie a riposté par un sujet hors-sol consacré aux lubies indépendantistes du parti national breton.

L’indépendantisme breton, la nouvelle cause du régime d’Alger

«Le parti national breton appelle à une autonomie immédiate comme préalable à la reconquête de leur destin. Ils dénoncent l’insécurité galopante, l’immigration contrôlée et le sabotage de la culture par l’État français qu’ils jugent défaillant. Les militants indépendantistes dénoncent une volonté politique de neutraliser toute forme d’identité bretonne», a déclaré la présentatrice du journal télévisé.

«Alors que la Bretagne est souvent présentée comme une simple région française, certains rappellent une toute autre réalité», ajoute une pseudo journaliste en voix off, avant de passer la parole au président du PNB, Erwan Pradier, lequel «dénonce une histoire d’annexion, de répression et d’effacement culturel». Pour lui, «la Bretagne est une nation colonisée par la France depuis plusieurs siècles».

Trop heureux de pouvoir s’exprimer sur sa cause, Erwan Pradier, qui a ouvert un nouveau compte sur X pour y partager la seule interview qui lui a jamais été accordée, a saisi l’occasion offerte par un média algérien– un comble– pour déverser ses griefs contre la France qui a envahi sa «nation» en 1488 avant de l’annexer «de manière unilatérale en 1532 et 1789». Et le militant indépendantiste de dénoncer par la même occasion la marginalisation de la langue bretonne et l’invisibilisation de sa culture.

«L’État jacobin est fourbe et menteur», «l’État français est extrêmement hypocrite»: le leader nationaliste déverse son fiel contre «l’occupant», partageant la même rhétorique que le régime algérien dont le média jubile, enfonçant le clou en dénonçant «une politique qui vise à empêcher toute prise de conscience identitaire» et en critiquant cette «France (qui) se présente comme une terre de liberté mais quand il s’agit des peuples qu’elle maintient sous sa coupe, le discours change du tout au tout».

Se faisant le porte-voix des Bretons et des «autres peuples sans État», la journaliste proclame que «le combat continue face au silence de Paris», rappelant que «la revendication bretonne est claire, il ne s’agit plus seulement de langue ou de culture mais de liberté». On marche littéralement sur la tête…

L’instrumentalisation du séparatisme, une vieille ritournelle algérienne

Ce sujet, illustré par une carte de France amputée de la Bretagne, floquée quant à elle du drapeau nationaliste breton, témoigne de l’appétit sans fin du régime d’Alger pour l’instrumentalisation des causes séparatistes afin de régler ses comptes avec ses ennemis.

Au Maroc, habitué à ces stratagèmes, cet activisme s’est illustré de longue date par le financement et l’armement du Polisario par l’Algérie afin de défendre la prétendue cause de l’indépendance du Sahara, ou encore l’ouverture à Alger du siège d’un pseudo mouvement indépendantiste pour la libération du Rif. Le même procédé est employé au Mali, qui a dénoncé en janvier «la persistance des actes d’ingérence» de l’Algérie et son soutien à des «groupes terroristes» qui tentent de déstabiliser le Mali, auxquels elle a offert le gîte et le couvert.

Cette fois-ci, c’est à la France d’être visée par ces méthodes, l’Algérie soutenant les aspirations séparatistes bretonnes, ignorant sciemment les liens néonazis notoires de ce mouvement, pourtant de notoriété publique. Cette initiative fait suite aux accusations d’ingérence portées contre l’Algérie en début d’année, suite à des appels à la haine et à la violence relayés par des influenceurs proches du pouvoir sur les réseaux sociaux, et ce reportage en est une nouvelle illustration.

Soutenir des néonazis mais accuser Boualem Sansal d’atteinte à l’intégrité du territoire algérien

Quid de Boualem Sansal, l’écrivain et essayiste franco-algérien, emprisonné arbitrairement depuis novembre 2024 et condamné à cinq ans de prison ferme par la justice algérienne pour atteinte à l’intégrité du territoire algérien et à la stabilité des institutions? Ce qu’on lui reproche: avoir répété dans l’émission Frontières, un média français d’extrême-droite, une vérité pourtant documentée et connue de tous: la France a amputé de larges territoires du Maroc pour les donner à l’Algérie française. Le régime d’Alger se rend-il seulement compte de cette contradiction criante dans ses positions?

Pour ce qui est de gagner en crédibilité sur la question de l’autonomie de la Kabylie, il faudra repasser. Car quand le régime d’Alger tend le micro à des néonazis indépendantistes en France, il réprime le MAK, mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, qualifiée d’organisation terroriste en mai 2021.

Après des communiqués déconnectés de la réalité au plus fort de la crise franco-algérienne dénonçant «une extrême-droite revancharde et haineuse» et après que Tebboune a accusé la France de «cabale de l’extrême droite» contre l’Algérie, le régime retourne sa veste, encore une fois, pour tendre le micro à un groupuscule ouvertement néonazi, antisémite, homophobe et raciste dont le nom du parti, le Parti national breton, est une référence à l’ancien parti collaborationniste des années 1930-1940.

Quant à son fondateur, Boris Lelay, il est en fuite au Japon et fait l’objet d’une fiche S pour son appartenance à la mouvance d’extrême droite radicale, d’une notice rouge d’Interpol tout en cumulant onze années de condamnations à de la prison ferme ainsi que treize mandats de recherche.

Pour asseoir sa propagande, le régime d’Alger ne voit aucun inconvénient à fermer les yeux sur certains «détails», quitte à laver plus blanc que blanc votre réputation et à vous absoudre de vos péchés.

Au moment où les médias algériens se pâment de la référence du nouveau Pape à Saint-Augustin, né en effet en 354 à Thagaste, aujourd’hui Souk Ahras en Algérie, le régime d’Alger devrait promouvoir le latin, langue dans laquelle excellait l’auteur des Confessions, en répétant jusqu’à l’expiration du deuxième mandat de Tebboune: «Ridiculus sum».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 12/05/2025 à 15h02