France: une plateforme pour mieux recenser les agressions antimusulmanes

Lors d'un rassemblement en hommage à Aboubakar Cissé, musulman tué dans une mosquée en France, et contre l'islamophobie, place de la République à Paris, le 27 avril 2025. AFP or licensors

L’État français et une association vont lancer une plateforme de signalement en ligne des agressions antimusulmanes, alors que la communauté musulmane en France déplore un «climat islamophobe ambiant».

Le 03/05/2025 à 07h32

Pour mieux appréhender les actes antimusulmans, sous-déclarés, l’État français et une association s’apprêtent à lancer une plateforme de signalement en ligne, au moment où la communauté musulmane en France s’émeut d’un «climat islamophobe ambiant».

En 2024, 173 faits antimusulmans ont été officiellement comptabilisés dans le pays, 52% relatifs à des atteintes aux biens et 48% portant sur des atteintes aux personnes, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

Hausse des actes antimusulmans : une plateforme de signalement lancée par une association et l’Etat

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— Le Nouvel Obs (@nouvelobs.com) 30 avril 2025 à 11:14

«Qui peut croire à ces chiffres, c’est complètement dénué de sens!», a réagi Bassirou Camara, président de l’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (Addam). Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait lui même reconnu en février que ces chiffres étaient «sans doute en deçà de la réalité», alors que l’islam, deuxième religion de France, compte dans le pays entre 5 et 6 millions de pratiquants et non-pratiquants, selon plusieurs études.

Une plateforme de signalement en ligne, gérée par l’Addam et attendue «avant fin mai», devrait permettre «d’apporter des données tangibles», avec des «chiffres plus proches de la réalité», et «permettre aux décideurs publics de trouver des solutions à un phénomène grandissant», espère Bassirou Camara.

Pour expliquer que les victimes sont aujourd’hui peu enclines à faire part de leurs agressions, Mathias Ott, le nouveau délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, avance plusieurs raisons: «Une forme d’auto-censure probablement, de crainte aussi, et puis un sentiment d’inutilité de la démarche.»

«On suffoque»

Une semaine après l’assassinat d’Aboubakar Cissé, un jeune musulman, dans une mosquée du sud de la France par un homme insultant à deux reprises la religion de sa victime, l’émotion est grande dans la communauté qui déplore un «deux poids deux mesures».

«On arrive encore à dire que ce n’était pas un musulman qui était visé (...). À un moment il faut poser les mots comme on le fait à juste titre contre l’antisémitisme, et appeler ça de l’islamophobie», s’agaçait Myriam, 30 ans, lors d’un rassemblement jeudi à Paris en hommage à la victime. «On suffoque, c’est banalisé d’être raciste, même à la mode».

Les représentants des institutions musulmanes reçues mardi par le président de la République ont aussi dénoncé le «climat islamophobe ambiant». «Sous couvert de débats sur la laïcité ou de lutte contre l’extrémisme, certaines voix tentent de faire passer le choix libre d’une femme musulmane de porter le voile pour une provocation, voire une menace», réagissait mercredi le Conseil français du culte musulman (CFCM) suite à l’agression d’une jeune femme par un homme qui lui a arraché son voile lundi en région parisienne.

Les trois premiers mois de l’année ont enregistré une augmentation spectaculaire des actes antimusulmans de 72% par rapport à la même période en 2024, avec 79 cas recensés, selon le décompte du ministère de l’Intérieur.

«Il y a un climat ambiant qui est vraiment délétère pour les musulmans, voire nauséabond», s’alarme le représentant de l’Addam, déplorant que ces derniers soient désignés «comme étant à l’origine de tous les maux de la société».

Par Le360 (avec AFP)
Le 03/05/2025 à 07h32