Ils sont en apparence des monsieur et madame Tout-le-Monde: ingénieur, comptable à la retraite, infirmière et même diplomate. Treize hommes et trois femmes se définissant comme patriotes et partageant un attrait pour l’armée.
Tous ont rejoint entre 2017 et 2018 le groupe «Action des forces opérationnelles» (AFO), une organisation «hiérarchisée et structurée» planifiant des «actions violentes concrètes dans des lieux symboliques» de l’islam, selon l’ordonnance dont l’AFP a eu connaissance.
Pour beaucoup, les attentats de 2015 et 2016 ont été l’étincelle, le signe «que la guerre a commencé». «Le premier choc a été janvier 2015 où ils basculent vers l’extrême droite. Ensuite la radicalisation violente s’est faite après le 13 novembre», explique Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême droite.
L’enquête a révélé que l’objectif revendiqué de l’AFO était de «faire prendre conscience (…) du risque de pénétration islamiste», dans le but de «rétablir pour nos enfants et nos petits-enfants l’héritage bâti par nos ancêtres».
«L’assimilation à la Résistance, à une vision fantasmée en tout cas, est fondamentale» pour eux, ajoute Nicolas Lebourg, qui a étudié leurs profils.
Pendant leur garde à vue, plusieurs des prévenus ont ainsi fait référence à la Seconde Guerre mondiale, comme cette femme qui expliquait aux enquêteurs avoir à un moment donné «vraiment cru faire partie de la Résistance, comme dans les films».
Nom de code: «Richelieu»
Le groupe avait imaginé une «opération halal» prévoyant de dissimuler les femmes d’AFO sous des niqabs pour empoisonner de la nourriture dans les rayons halal de supermarchés avec du cyanure ou de la mort-aux-rats. L’objectif final n’était pas de tuer mais d’intoxiquer les acheteurs «pour discréditer la nourriture halal».
Pour marquer les esprits et terroriser les musulmans, l’AFO projetait aussi de tuer «200 imams radicalisés» et de faire exploser la porte d’une mosquée de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine).
Les seize personnes jugées sont considérées comme les plus radicales et les plus impliquées. Elles sont soupçonnées d’association de malfaiteurs terroriste et de recherches d’armes, avec des implications diverses.
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Guy S., nom de code «Richelieu», retraité de la police nationale, a été identifié par les enquêteurs comme étant à l’origine de la formation de l’AFO. Sa compagne, Marie-Véronique R., était, elle, chargée d’animer le blog «Réveil patriote», organe prosélyte du groupe.
«Notre client conteste fermement avoir nourri un quelconque projet d’action violente ainsi que, plus généralement, les faits de terrorisme qui lui sont reprochés», indiquent à l’AFP ses avocates, Me Lucile Collot et Me Olivia Ronen.
Autre prévenu dans cette affaire: Philippe C., 61 ans aujourd’hui, téléopérateur de nuit auprès d’une société de taxis, fan de tir et de survivalisme. Un «patriote», selon ses propres mots aux enquêteurs, «prêt à prendre les armes pour son pays menacé», «convaincu qu’une guerre civile allait arriver».
Des armes à feu et des milliers de munitions avaient été trouvées lors de perquisitions, y compris des éléments entrant dans la fabrication d’explosifs de type TATP.
Suivant les réquisitions du Parquet national antiterroriste (Pnat) de mai 2023, la juge d’instruction a correctionnalisé les faits, initialement considérés comme criminels, ce qui fait encourir une peine moins longue aux 16 prévenus.
«En dépit de la gravité des projets proposés», le Pnat avait expliqué à l’AFP appliquer sa «politique pénale habituelle (…) lorsque les projets d’action violente ne sont pas pleinement finalisés».
La juge endosse dans son ordonnance l’analyse du Pnat rapprochant l’AFO d’une «idéologie alimentée par l’assimilation du terrorisme jihadiste à l’islam en général, la crainte du grand remplacement, et une vision décliniste de la société française à laquelle répondait le survivalisme déviant vers l’accélérationnisme».
Les 16 prévenus comparaîtront libres, sous contrôle judiciaire.
Le procès doit durer jusqu’au 27 juin.