La politique espagnole a connu un séisme lundi avec l’incarcération de l’ex-n°3 du Parti socialiste espagnol (PSOE), Santos Cerdán, dans le cadre d’une enquête pour corruption, un dossier qui implique également l’ancien ministre socialiste des Transports José Luis Ábalos.
Les deux hommes ont été des figures clés dans l’ascension de Pedro Sánchez à la tête du PSOE, dont il est toujours le secrétaire général, jusqu’à son arrivée au pouvoir en Espagne. Santos Cerdán, par exemple, a négocié le soutien du leader indépendantiste catalan Carles Puigdemont à son investiture en 2023.
Déjà empoisonné par des enquêtes judiciaires visant son épouse, son frère et le procureur général du pays, Pedro Sánchez est aujourd’hui sommé par ses alliés de prendre des mesures à la hauteur du dernier scandale en date.
Le premier ministre traverse le moment le plus compliqué depuis son arrivée au pouvoir en 2018, au point que certains se demandent si sa légendaire capacité de résistance suffira cette fois-ci.
«J’ai vu un premier ministre ébranlé», a déclaré Gabriel Rufián, député indépendantiste catalan dont le parti ERC soutient le gouvernement, après l’avoir rencontré.
Des «hooligans» anti-Sánchez
Dans ce contexte, le congrès du Parti populaire, prévu depuis longtemps, prend une autre tournure, d’autant que se tient aussi samedi à Madrid un comité fédéral du PSOE pour choisir le successeur de Santos Cerdán.
De son côté, le PP confirmera à son poste de président Alberto Núñez Feijóo, seul candidat, actant le fait que l’opposition ne serait pas incarnée par la très médiatique présidente de la communauté de Madrid, Isabel Díaz Ayuso.
Le congrès du parti sera aussi le premier grand événement organisé sous la direction du nouveau secrétaire général Miguel Tellado. Réputé pour son style plus agressif que sa prédécesseure, il n’hésite pas à qualifier les socialistes de «mafia» et Pedro Sánchez de «capo».
Le PP «ressemblera davantage à un groupe de hooligans qu’à un parti conservateur modéré», a assuré en réaction le PSOE.
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Le mercredi suivant ce double rendez-vous politique du week-end, le premier ministre devra s’expliquer directement devant les députés sur l’affaire de corruption au sein de son parti.
Les faits sont difficiles à contester après la diffusion d’enregistrements de conversations évoquant des pots-de-vin liés à des travaux publics, mais aussi de discussions autour de prostituées, un autre coup dur pour un parti et un gouvernement se présentant comme féministes.
Au Congrès, Alberto Núñez Feijóo refuse pour le moment de présenter une motion de censure contre Sánchez, même si son parti compte plus de députés que les socialistes (137 contre 120, sur 350). La faute aux alliances parlementaires que Sánchez a su bâtir avec l’extrême gauche et les nationalistes catalans et basques.
Le PP ne peut compter que sur le soutien éventuel de l’extrême droite de Vox, dont les 33 députés non seulement ne suffisent pas à rassembler les sièges nécessaires, mais font en outre office d’épouvantails pour rallier à une motion d’autres partis.
Guerre d’usure
«Il me manque quatre voix pour que la motion de censure passe», a admis Alberto Núñez Feijóo, dont le parti redoute en outre de redonner de l’air au gouvernement Sánchez en cas d’échec d’une telle initiative.
Le PP semble donc contraint de réclamer encore et encore la démission du chef du gouvernement, comme commencent même à le faire certains socialistes.
«Il n’y a pas de sortie honorable» pour Pedro Sánchez, a estimé sur la radio Cope le chef du gouvernement de la région de Castille-La Manche, le socialiste Emiliano García-Page, suggérant également que d’autres scandales pourraient éclater, car ceux qui ont accompagné le premier ministre dans son ascension «enregistraient tout».
«Dans les mois à venir, avec la sortie de nouveaux éléments sur le scandale des pots-de-vin, le gouvernement pourrait perdre le soutien de ses alliés», souligne aussi le cabinet d’analyses Teneo dans une note.
Cela «pourrait éventuellement l’obliger à convoquer des élections anticipées plus tard dans l’année», conclut Teneo.