Lors de la réunion annuelle de l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui s’est déroulée du 1er au 3 juin à New Delhi, Abdelhamid Addou, PDG de Royal Air Maroc (RAM) depuis 2016, a accordé une interview exclusive à la chaîne américaine CNN. Au cœur de ses propos, une vision claire: faire de RAM un acteur majeur, capable de rivaliser avec les compagnies low-cost tout en offrant une expérience client haut de gamme, et d’étendre sa présence sur des marchés stratégiques, notamment en Amérique.
Le secteur aérien marocain est extrêmement concurrentiel, avec plus de 40 compagnies actives, dont les puissants groupes low-cost européens tels que Ryanair ou Wizz Air. Pour Abdelhamid Addou, cette concurrence est un véritable défi. «Là où il est difficile pour nous de rivaliser, c’est face aux compagnies low-cost», note-t-il. En effet, ces dernières attirent les voyageurs avec des tarifs très bas, ce qui met la pression sur les acteurs traditionnels comme RAM.
Pour se démarquer, la compagnie marocaine a choisi un positionnement différenciant. Elle mise sur un service de qualité et une expérience client soigneusement pensée, loin des standards simplifiés des low-costs. «Notre produit est complètement différent. Nous avons une organisation en termes de service qui est unique», souligne le PDG, dont les propos ont également été repris par le magazine Jeune Afrique. Cette approche vise notamment à valoriser l’identité marocaine à travers un accueil personnalisé, un service à bord authentique et une attention particulière portée aux attentes des passagers. L’enjeu est de convaincre les voyageurs que payer un peu plus, c’est accéder à un confort supérieur, un service plus humain et un voyage sans compromis sur la qualité, lit-on.
Au-delà du marché africain où RAM est déjà bien implantée, Abdelhamid Addou affiche des ambitions claires d’extension vers les Amériques. «L’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, c’est là que nous pouvons apporter une réelle valeur ajoutée», explique-t-il. Le Maroc bénéficie d’une position géographique stratégique, faisant office de pont entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques. RAM souhaite capitaliser sur cette situation pour relier les diasporas africaines et européennes aux pays d’origine, en facilitant des liaisons directes et confortables. «Transporter un Sénégalais vivant à Los Angeles de Dakar à Los Angeles, ou un Italien de Milan, c’est un marché porteur», insiste Addou.
Cette stratégie d’ouverture s’inscrit dans une logique de création de valeur à travers la connexion culturelle et économique. RAM entend ainsi jouer un rôle clé dans la mobilité transcontinentale, en offrant une alternative aux grandes compagnies américaines et européennes, tout en développant un réseau adapté aux besoins spécifiques des communautés expatriées.
Pour répondre à ces ambitions, RAM a engagé un vaste programme de modernisation de sa flotte et de ses services, notamment sur les vols long-courriers. Abdelhamid Addou annonce des investissements conséquents pour améliorer le confort à bord, avec notamment l’installation de sièges-lits et de cabines «à plateau» sur ses Boeing 737.
«En classe affaires, il faut offrir à ses clients le prix qu’ils paient», affirme le PDG, soulignant que l’investissement dans le produit est essentiel pour fidéliser une clientèle exigeante. Cette volonté s’accompagne d’une attention particulière à l’innovation, à la qualité des prestations et à l’adaptation des services aux attentes des voyageurs modernes.
Cependant, ce plan ambitieux a été freiné par des retards de livraison liés aux grèves chez Boeing en 2024. Ces perturbations ont retardé l’arrivée des avions neufs indispensables au renouvellement et à l’extension de la flotte. «Quand on a des retards de livraison de 15 à 18 mois, c’est frustrant», admet Abdelhamid Addou. Mais il reste optimiste. «Nous venons de recevoir trois Boeing 737 MAX cette semaine, et sept autres sont attendus d’ici fin décembre. Le rythme de production s’accélère, ce qui est un bon signe», souligne le PDG.
Selon des informations révélées par Bloomberg, RAM prévoit de passer commande d’une vingtaine de Boeing 787 Dreamliners pour renforcer sa capacité sur les vols long-courriers, tout en commandant jusqu’à 50 Boeing 737 pour les vols court et moyen-courriers. Parallèlement, des négociations seraient en cours pour acquérir une vingtaine d’Airbus A220, qui viendraient compléter la flotte sur les liaisons régionales.