Les semaines passent, les déficits s’aggravent, mais la réforme tant attendue des retraites reste désespérément au point mort. Le 16 juin, lors de la séance des questions orales à la Chambre des représentants, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a tenté de calmer la grogne en évoquant une prochaine réunion de la Commission nationale des retraites. Une annonce sans date, sans mesure, sans plan, dénonce le quotidien L’Economiste dans son édition du mercredi 18 juin. Autant dire: rien de nouveau sous le soleil.
Pendant que les voyants virent au rouge, entre déséquilibres financiers, fonte des réserves et recul du nombre de cotisants, l’Exécutif continue de temporiser, invoquant des concertations futures là où il faudrait trancher avec courage. «Ce manque d’audace et de vision commence sérieusement à exaspérer jusque dans l’Hémicycle, où plusieurs élus pointent une forme de démission politique», lit-on.
Le diagnostic est posé depuis longtemps. Et il est sévère. Mais plutôt que d’agir, le gouvernement semble paralysé par la peur du coût politique d’une réforme impopulaire. Une attitude jugée «irresponsable» par Mustapha Ibrahimi (PJD), qui dénonce l’inertie face à l’effondrement programmé des caisses de retraite et la précarisation croissante des retraités. Cité par L’Economiste, il rappelle que les engagements, notamment l’intégration de cinq millions de travailleurs indépendants au système, restent lettre morte.
Même son de cloche chez El Batoul Abladi qui fustige un gouvernement «en pilotage automatique», incapable de concrétiser ses propres promesses faites à plusieurs reprises depuis 2024. Pour elle, la réforme ne peut plus être différée ni diluée dans des «dialogues symboliques» alors que l’urgence sociale impose des décisions nettes, assumées, et un cap clair.
Énumérés par L’Economiste, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Plus de 5 millions de Marocains sont exclus de toute couverture retraite. 80% des retraités perçoivent moins de 3.000 dirhams par mois. Huit millions de citoyens sont laissés en dehors des filets de soutien social. Et la pression ne fera que s’accentuer. D’ici 2030, la population des seniors devrait croître de 10%, selon le dernier recensement. Une bombe à retardement.
Les données budgétaires confirment cette tendance inquiétante. En 2023, les régimes de retraite ont versé 3,5 milliards de dirhams de plus qu’ils n’en ont perçu. Le régime civil (CMR) affiche un déficit technique de près de 10 milliards, ses réserves fondent, et le ratio cotisants/retraités s’écroule. Même les régimes réputés plus stables, comme la CNSS ou la CIMR, voient leur équilibre menacé à moyen terme.
Face à cela, le gouvernement continue de brandir les acquis du dialogue social ou les revalorisations passées, comme si cela pouvait masquer l’absence criante de réforme de fond. La vérité, c’est que sans calendrier législatif, sans arbitrage politique clair, sans chiffres concrets, la réforme n’est qu’un mirage. Et plus le temps passe, plus la facture s’alourdit, financièrement, mais aussi socialement.