Près de la moitié des 43 économies surveillées par Dun & Bradstreet et son réseau mondial ont connu une diminution des défaillances d’entreprises en 2021. Dans certains pays, les défaillances d’entreprises ont atteint leur plus bas niveau en dix ans. C’est ce qui ressort du dernier rapport mondial des faillites dans le monde élaboré par ce cabinet américain Dun & Bradstreet.
© Copyright : DR
Ainsi, le nombre de sociétés ayant baissé le rideau est passé de près de 553.000 sociétés défaillantes en 2019, contre 477.000 en 2021, soit une baisse de 14%.
Au Maroc, la tendance est tout autre. En effet, après un répit en 2020, les faillites d’entreprises dans le pays ont repris de plus de belle. Selon une étude du cabinet Inforisk, spécialiste marocain de l’information légale et financière des sociétés marocaines, pas moins de 10.556 entreprises ont définitivement fermé en 2021 dans le Royaume, en hausse de 59% par rapport à 2020, et de 25% par rapport à 2019.
Lire aussi : Faillites d'entreprises: au Maroc, 10.556 sociétés ont cessé leurs activités en 2021, un nombre encore inégalé
Le Maroc fait même partie des pays déclarant d’importantes augmentations des faillites en 2021, toujours selon Inforisk. Comment expliquer ce décalage? Selon Amine Diouri, directeur études et communication chez Inforisk, il faut chercher la réponse du côté des vastes programmes d’aides déployés par les gouvernements en faveur des entreprises, lors du déclenchement de la crise sanitaire, en 2020. Plusieurs pays ont décidé de prolonger ces aides en 2021, alors que le Maroc n’a pas fait ce choix.
© Copyright : DR
«L'Etat marocain a lui-même mobilisé des montants importants à travers notamment le fonds Covid, les prêts garantis (prêts Damane), les aides CNSS..., ce qui a permis une baisse importante des défaillances en 2020 au Maroc. Sans ces aides, des milliers d’entreprises seraient probablement mortes aujourd'hui», rappelle dans un premier temps Amine Diouri.
Toutefois, ajoute-t-il, «le Maroc a utilisé les marges de manœuvre budgétaires dont il disposait à l'époque, et qui, je le rappelle, n'étaient pas extensibles à l'infini, du fait des contraintes budgétaires qui existaient déjà avant le début de la crise (déficits budgétaires élevés, niveau de la dette publique, ressources fiscales limitées). C’est la raison pour laquelle ces mesures n'ont pas été reconduites en 2021 comme ce fut le cas dans un certain nombre d’autres pays. Ce qui explique aujourd'hui les décalages entre pays dans la reprise ou non des défaillances», soutient-il.
Cet expert fait également remarquer qu’au niveau mondial, les mesures budgétaires mises en place par les différents Etats pour maintenir les entreprises à flot ont atteint des niveaux inédits. Ainsi, les Etats ont consacré en moyenne 28% de leur PIB pour les mesures d'aides aux entreprises contre seulement 2% lors de la crise financière de 2008.
Plusieurs pays ont également mis en place des dispositifs légaux permettant de bloquer artificiellement et pendant une période donnée les défaillances. Il s’agit notamment de lois temporaires sur les faillites qui suspendaient l'obligation de déclaration de défaillances du fait de la crise.
Lire aussi : Les «entreprises zombies» limitent la casse des sociétés en défaillance en 2020
Ces aides massives des Etats déployées en 2020 et qui se sont poursuivies en 2021, interrogent sur la question du devenir des «entreprises zombies». Par «entreprises zombies», il faut entendre les sociétés en grandes difficultés, avant même le déclenchement de la crise, et qui ne survivent que grâce aux aides de l’Etat. Sans cette crise, ces entreprises seraient déjà mortes.
«A mon sens, c’est clairement une vraie question: devons-nous continuer à perfuser avec les prêts garantis, des entreprises zombies, qui sans ces aides et les mécanismes classiques de marché, n'auraient pas survécu du fait de leur fragilité financière?», s’interroge Amine Diouri.
«Je pense en effet que le maintien des mesures d’aides, dans un certain nombre de pays, a maintenu artificiellement en vie des entreprises, dont la place sur le marché et leur situation financière, n'auraient pas permis leur survie dans un contexte normal», analyse-t-il.
En outre, ajoute-t-il, «le coût réel pour les Etats risque d'être élevé: le non-remboursement des prêts garantis à ces entreprises non solvables sera pris en charges par les Etats et donc par de la dette publique», conclut-il.
En somme, ces «entreprises zombies», maintenues en vie artificiellement, sont vouées à disparaitre tôt ou tard. Dans son rapport, Dun & Bradstreet s’attend d’ailleurs a une recrudescence des faillites dans le monde dès le deuxième semestre de 2022. «L’expiration des avantages fiscaux pour les entreprises, la fin des moratoires sur le remboursement des prêts et le resserrement monétaire sont des risques clés pour la viabilité des entreprises en 2022. Compte tenu de ces défis, il pourrait y avoir une augmentation des difficultés d’entreprises au cours du deuxième semestre de 2022», concluent les auteurs du rapport.