Le nombre d'entreprises créées au Maroc durant l'année écoulée s'est établi à 83.806 en 2020, en baisse de 12% par rapport à 2019, d’après le baromètre de l’Office marocain de la propriété intellectuelle et commercial (OMPIC) relatif aux créations d’entreprises en 2020.
La baisse concerne essentiellement les entreprises physiques (-34%), alors que dans le même temps, la création d’entreprises personnes morales a augmenté de près de 7% en 2020, pour un total de 54.691 nouvelles sociétés.
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Ces chiffres interpellent à plus d’un titre. En effet, comment expliquer cette hausse des créations d'entreprises personnes morales en pleine crise sanitaire? Selon Amine Diouiri, directeur des études et de la communication chez Inforisk D&B, joint par Le360, un tel phénomène peut s’expliquer par au moins deux facteurs.
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Le premier est lié à la structure juridique des sociétés personnes morales. En effet, en période de crise et de manque de visibilité sur l’avenir, une entreprise personne morale offre plus de sécurité à l’entrepreneur. "Le patrimoine de l’entreprise est séparé de celui de l’entrepreneur, alors que dans les sociétés personnes physiques tout est confondu. Concrètement, si vous vous plantez, ce qui peut arriver en période de crise, il n’y a pas le risque de tout perdre", explique notre interlocuteur. D’autant qu’au Maroc, il est possible de créer une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), c’est-à-dire une SARL constituée d'un seul associé, avec très peu de capital. "Aujourd’hui d’ailleurs, EURL et SARL représentent 99% des personnes morales créées", ajoute notre expert.
Le deuxième facteur est lié aux différents modes de financement mis en place en 2020 par le Comité de veille économique, pour permettre aux entreprises touchées par la crise de survivre. "Le fait que les prêts aux entreprises soient garantis par l’Etat (Damane Relance, Damane Oxygène), fait que les banques n’avaient pas nécessairement besoin de demander des garanties personnelles aux entrepreneurs. Il y avait donc forcément moins de risques à utiliser une société de type personne morale, ce qui a pu favoriser la création de ce type d’entreprise", soutient Amine Diouri.
Ce dernier souligne au passage que la crise a, de manière paradoxale, agi comme un catalyseur de la création d’entreprises personnes morales, surtout à partir du mois de juillet, soit juste après la fin du confinement généralisé, et ce, à un rythme jamais vu auparavant. "Avec la crise, des personnes se sont retrouvées du jour au lendemain, sans travail, sans revenus. Ce sont ces gens qui sont à l’origine de la hausse de la création des entreprises personnes morales", analyse Diouri.
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Défaillances d’entreprises: une baisse en trompe-l'oeil Côté défaillance des entreprises, le tsunami annoncé pour 2020 n’a pas eu lieu. Il est en effet remarquable que les défaillances d’entreprises dans le Royaume ont baissé en 2020 de 21% par rapport à 2019, selon les données d’Inforisk.
Cette baisse pour le moins surprenante s’explique en réalité par les mesures de soutien déployées par le gouvernement qui ont permis de maintenir en vie des dizaine de milliers d’entreprises, mais aussi par le faible rythme de traitement des dossiers par les tribunaux, crise sanitaire oblige.
Cette tendance n’est pas propre au Maroc, précise Amine Diouri, qui rappelle que cette baisse des faillites des entreprises se retrouve au niveau mondial, en particulier au sein des pays qui ont déployé des aides financières à grande échelle pour maintenir à flot le tissu entrepreneurial.
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On aurait tort, toutefois, de crier victoire trop vite, car le plus dur est à venir. "Sur les derniers mois de l’année 2020, on constate un début de rattrapage au niveau des défaillances", observe Diouri, qui précise qu’en novembre et décembre, les défaillances d’entreprises sont reparties à la hausse, à un rythme plus élevé que lors des années précédentes. Inforisk s’attend d’ailleurs à ce que le pic des défaillances d’entreprises soit atteint au cours des prochains mois, au Maroc.
«Entreprises zombies»Au cours des prochains mois également, se posera par ailleurs la question du devenir des "entreprises zombies". Par "entreprises zombies", il faut entendre les sociétés en grandes difficultés, qui ne survivent que grâce aux aides de l’Etat. Selon Amine Diouri, ce phénomène au Maroc est bien réel, bien qu’il soit très difficile à quantifier.
"Ces entreprises étaient déjà dans une situation très délicate avant la crise, et sont maintenues en vie de manière artificielle, grâce aux aides de l’Etat. Sans cette crise, ces entreprises seraient déjà mortes", soutient Amine Diouri. "C’est un vrai sujet pour le système bancaire. Car sur les plus de 50.000 nombres d’entreprises qui ont bénéficié des crédits Damane, un certain nombre d’entre elles étaient déjà mal en point. Il faudra faire attention à ce que ces entreprises ne fassent pas défaut dans les années à venir", conclut-il.