Passage à la deuxième étape de la réforme du régime de change: ce qui va changer

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, et Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, le 19 juin 2023 à Rabat.

Adoption d’une politique de ciblage d’inflation, suppression du panier de devises servant de référence pour la cotation du dirham, maintien de la bande de fluctuation des cours de change. Tels sont les principaux changements prévus dans le cadre de la deuxième phase de la réforme du régime de change au Maroc. Celle-ci sera achevée avant 2028, a fait savoir le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, devant la commission des finances relevant de la chambre des conseillers.

Le 03/07/2025 à 16h50

Les préparatifs vont bon train pour franchir une nouvelle étape dans le processus de réforme du régime de change au Maroc. Lundi 30 juin dernier, devant les membres de la commission des finances à la deuxième chambre du parlement, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, entouré de son staff, a donné un avant-goût de ce que sera le nouveau régime de change applicable au dirham.

Première nouveauté majeure, le Maroc va abandonner le panier de devises servant au calcul quotidien du cours central du dirham. Rappelons que depuis les années 1970, le royaume adopte un régime de change fixe, dans lequel le dirham est rattaché à un panier de devises reflétant la structure du commerce extérieur, composé de l’euro (60%) et du dollar (40%).

La suppression du panier de cotation ne veut pas dire que le taux de change du dirham pourra évoluer sans limitation, en fonction de la demande et de l’offre de devises sur le marché des changes, comme dans un scénario de flottement total prévu, quant à lui, dans une troisième étape. Pour cette deuxième étape, la bande de fluctuation du dirham sera maintenue mais élargie. Depuis le 9 mars 2020, le taux de change du dirham évolue dans une bande de fluctuation ±5%, contre une amplitude initiale de ±2,5% autorisée au lendemain de l’entrée en vigueur du régime de change flexible.

Autre changement majeur, l’introduction au Maroc pour la première fois du ciblage de l’inflation, un cadre de politique monétaire qui astreint la banque centrale à assurer une faible inflation en fixant un objectif bien précis. «La politique monétaire en vigueur au Maroc ressemble à la politique de ciblage d’inflation adoptée actuellement par 45 pays dans le monde», précise-t-on du côté de BAM, citant un récent rapport du Fonds monétaire international.

L’expérience internationale a démontré que le ciblage de l’inflation contribue significativement à la maîtrise des fluctuations des prix. Ce cadre offre plusieurs avantages, parmi lesquels un meilleur ancrage des anticipations d’inflation et une transmission plus efficace des décisions de politique monétaire. Les pays ayant adopté cette approche enregistrent généralement une inflation faible et stable, sans compromettre de manière excessive leur croissance économique ni porter atteinte à la stabilité de leur économie.

Dans un régime de ciblage de l’inflation, la banque centrale oriente son action en fonction de l’évolution des prix. Lorsqu’un écart par rapport à l’objectif ou à la zone cible annoncée se profile, elle mobilise ses instruments de politique monétaire (notamment le taux directeur) afin de ramener l’inflation anticipée vers le niveau visé. Certains pays définissent une zone cible avec des marges symétriques autour d’un point central, tandis que d’autres se contentent d’un taux de référence ou d’un plafond.

L’objectif d’inflation varie d’un pays à l’autre et tient compte des tendances inflationnistes des dernières années: 2% pour la Banque centrale européenne, 2% pour la République tchèque, 5% pour la Banque centrale turque, 3% pour la Banque centrale mexicaine et 4% pour la Banque centrale indienne. Au Maroc, le taux d’inflation moyen a été de 1,9% au cours des 20 dernières années.

En outre, le wali de BAM a relevé que le régime de change constitue «la pierre angulaire de la politique monétaire du royaume et un pilier essentiel de la stabilité macroéconomique, du fait de son impact direct sur la compétitivité, les échanges commerciaux, les investissements étrangers et le pouvoir d’achat des citoyens».

Pour Jouahri, une réforme de cette ampleur exige une approche prudente, progressive et rigoureusement préparée. «L’objectif n’est pas de déséquilibrer les fondamentaux économiques, mais plutôt de les consolider et de les adapter aux exigences d’une économie moderne et ouverte», dit-il.

À cet égard, il a fait savoir que la Banque centrale a consacré le temps nécessaire à la réalisation des études et analyses requises, à l’examen des meilleures pratiques internationales, ainsi qu’à l’évaluation de l’impact de cette réforme sur l’économie nationale et le pouvoir d’achat, et ce, en étroite coordination avec le ministère de l’Économie et des Finances.

Parallèlement, Jouahri a indiqué que cette réforme fait l’objet d’un suivi régulier de la part du Fonds monétaire international, qui n’a eu de cesse de recommander aux autorités marocaines d’avancer dans ce chantier, ajoutant que le Royaume n’a lancé cette réforme qu’après avoir satisfait à toutes les conditions préalables.

Pour sa part, le directeur des études économiques à BAM, Mohamed Taamouti, a insisté sur la nécessité d’une transition ordonnée et fluide vers la prochaine phase de la réforme, en veillant à maîtriser l’inflation et à préserver un niveau adéquat de réserves en devises. Selon lui, cette transition suppose également le développement d’un marché des changes plus profond et liquide, l’instauration d’une politique transparente encadrant les interventions de BAM sur ce marché, ainsi que la mise en place de dispositifs efficaces pour l’évaluation et la gestion des risques de change, tant au niveau du secteur public que privé.

Actuellement, alors que les conditions préalables nécessaires à l’adoption d’un système de ciblage de l’inflation continuent d’être réunies, Bank Al-Maghrib s’emploie à finaliser une proposition-cadre de ciblage de l’inflation, en tenant compte des développements consécutifs à la pandémie de la Covid- 19 et des pratiques récentes des principales banques centrales dans ce domaine.

«Cette étape s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de la Banque centrale pour la période 2024-2028, qui vise à achever la transition vers le ciblage de l’inflation d’ici 2028», souligne-t-on auprès de BAM, ajoutant que, pour l’heure, la Banque centrale évalue le timing opportun pour amorcer la transition vers une politique de ciblage de l’inflation.

Par Wadie El Mouden
Le 03/07/2025 à 16h50