Le ministère de la Santé a récemment dévoilé les grandes lignes d’un nouveau modèle de fixation des prix des médicaments. «Objectif: améliorer l’accessibilité des traitements tout en assurant la soutenabilité financière du système de santé. La réforme engagée par le ministère de la Santé entend rationaliser le système de tarification des médicaments, à la croisée des impératifs d’accès aux soins et de préservation des équilibres économiques», note Finances News.
La réforme engagée par le ministère de la Santé entend rationaliser le système de tarification des médicaments, à la croisée des impératifs d’accès aux soins et de préservation des équilibres économiques. Selon Abdelmadjid Belaïche, expert en économie pharmaceutique, «le nouveau modèle repose sur trois piliers essentiels: la fixation des prix publics de vente (PPV) uniquement pour les médicaments remboursables ou susceptibles de l’être, une révision optimisée des PPV des princeps et génériques, et la mise en place d’un double prix, facial et remisé non divulgué, pour les médicaments les plus budgétivores».
Cette dernière disposition vise particulièrement les médicaments qui absorbent la majorité des remboursements des caisses de l’assurance maladie. Une étude montre que 150 médicaments seulement concentrent 54% des remboursements, et 17% concernent des traitements dont le prix dépasse 10.000 dirhams par boîte.
Pour préserver la viabilité du système tout en maintenant l’accès à l’innovation, un mécanisme de prix négocié confidentiel est introduit. «Ce procédé permet de proposer un prix de cession inférieur au prix facial, sans divulguer ce montant, afin d’éviter le benchmarking par d’autres pays», explique Belaïche. Une pratique déjà utilisée dans plusieurs systèmes de santé européens, et souvent acceptée par les grands laboratoires pharmaceutiques.
Ce modèle favorise également l’introduction de licences obligatoires en cas d’échec des négociations avec les laboratoires sur les médicaments protégés par brevet. «L’idée est de permettre à un laboratoire local de produire ou d’importer un médicament à un prix beaucoup plus bas», indique l’expert.
Par ailleurs, le nouveau système introduit un droit de substitution pour les pharmaciens, une avancée significative en faveur des génériques et biosimilaires. «Cela permettra des économies substantielles pour les patients comme pour les caisses d’assurance maladie», ajoute-t-il.
Autre innovation majeure, le traitement simultané de l’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) et de la demande de remboursement. Une rupture avec le système actuel, où les délais sont rallongés par le caractère séquentiel des procédures. «Ce changement permettra aux patients d’accéder plus rapidement à de nouveaux traitements, tout en facilitant la planification budgétaire des caisses», souligne Belaïche.
Il précise également que les commissions chargées d’évaluer le service médical rendu et la viabilité économique des médicaments ne se réunissaient qu’une fois par mois, ce qui contribuait aux retards. L’accélération de ces processus constitue donc un progrès significatif en matière de gouvernance du secteur pharmaceutique.
Malgré ces avancées, la réforme suscite des tensions, notamment chez les pharmaciens, qui dénoncent un manque de concertation. Une réaction que Belaïche comprend: «Les pharmaciens d’officine se sentent marginalisés, alors que cette réforme bouleverse un modèle en place depuis 2014. Ils auraient dû être davantage impliqués dans les discussions».
Pour autant, il rappelle que plusieurs dispositions leur sont favorables. «C’est la première fois que le ministère reconnaît officiellement la crise économique que traverse le secteur officinal. De plus, seuls les médicaments remboursables seront concernés par la fixation des prix, limitant ainsi l’impact négatif sur le chiffre d’affaires des officines», conclut-il.