Les collectivités territoriales réalisent seulement un tiers des investissements prévus en 2024, voici pourquoi

Le siège de la commune de Casablanca.

Les collectivités territoriales n’ont réalisé que 33% des investissements programmés pour l’année 2024, poursuivant ainsi leur accumulation d’importants excédents budgétaires. Pourquoi un taux d’exécution aussi médiocre? Explications avec Mohamed Amrani Boukhobza, enseignant universitaire et spécialiste des questions de la gouvernance.

Le 27/05/2025 à 09h26

Les collectivités territoriales continuent de pâtir d’une inefficacité patente dans le domaine de l’exécution de leurs budgets d’investissement. En effet, en 2024, elles n’ont réalisé que 33% des investissements prévus pour l’année, indiquent les chiffres publiés par la Trésorerie générale du Royaume.

Or, ces structures, constituées en grande partie de communes, au nombre de 1.503 (en plus de 12 régions, 75 préfectures et provinces), ont un rôle central à jouer dans le développement des différentes régions du pays qui ont des besoins grandissants en termes d’infrastructures.

Ainsi, des 54,8 milliards de dirhams (MMDH) prévus dans leurs budgets d’investissement pour 2024, elles n’en ont exécuté que 17,82 MMDH, dégageant un solde ordinaire positif de 25,1 MMDH et un excédent global de 10,2 MMDH. Ce qui fait passer les excédents globaux dégagés par les budgets des collectivités territoriales au titre de l’année 2024 et des années antérieures à 59,1 MMDH.

À quoi cette situation est-elle due

Pour Mohamed Amrani Boukhobza, professeur à la faculté des sciences juridiques économiques et sociales de Tanger et spécialiste des questions de la gouvernance, interrogé par Le360, le premier facteur explicatif a trait à la gestion budgétaire des collectivités territoriales qui présente beaucoup d’imperfections.

Selon lui, ce constat s’explique principalement par un déficit de qualifications parmi une partie significative des élus, jugés inaptes à leurs missions. Il pointe même l’analphabétisme de certains d’entre eux.

La composition des dépenses d’investissement des collectivités territoriales en millions de dirhams en 2024 (Source: TGR).

Rubrique budgétairePrévisionRéalisationTaux d‘exécution
Travaux neufs et
grosses réparations
13.5693.06723%
Projets intégrés (1)9.8682.11821%
Acquisitions
immobilières
7.57995713%
Acquisitions
mobilières (2)
2.04243621%
Programmes
nationaux (3)
13.9306.62248%
Subventions7.8164.62459%
Total54.80417.82433%

(1). Dépenses regroupées relatives à un même projet (construction de gares routières, de souks hebdomadaires, etc.…).

(2). Essentiellement l’achat de véhicules et de motocycles.

(3). Programme d’électrification rurale globale, programme d’alimentation groupé en eau potable des populations rurales et programme national des routes rurales.

Pour notre interlocuteur, le véritable défi de gestion réside chez les élus, et non chez les fonctionnaires. Il insiste: «Au sein des communes, nous disposons de nombreuses compétences dont le niveau s’améliore constamment grâce à l’expérience acquise et aux formations continues

Procédures compliquées, contrôle a priori…

Selon Mohamed Amrani Boukhobza, deux autres obstacles majeurs freinent l’exécution des budgets d‘investissement des collectivités locales. Le premier problème réside dans la complexité des procédures. L’expert observe un déséquilibre flagrant: certaines sections du budget sont entièrement dépensées, atteignant 100 % d’exécution, tandis que d’autres restent intactes, précisément à cause de leurs formalités et procédures complexes. Ensuite, il pointe du doigt le contrôle préalable de l’administration sur les décisions budgétaires de ces entités. Enfin, les relations au sein même du conseil élu peuvent également jouer un rôle significatif dans cette situation.

Pour y remédier, il recommande de renforcer les compétences des collectivités territoriales, essentiellement au niveau des instances élues, d’améliorer la gouvernance, de simplifier les procédures. Il appelle également à revoir les relations entre les autorités locales et les conseils élus qui devraient bénéficier, à son sens, d’une indépendance plus large dans leurs décisions. Enfin, notre interlocuteur recommande vivement le recours au contrôle a posteriori au lieu du contrôle a priori.

Par Lahcen Oudoud
Le 27/05/2025 à 09h26