La rumeur s’est intensifiée au lendemain de la visite effectuée, fin mai dernier à Casablanca, par une délégation du Conseil du patronat du Québec (CPC), couronnée par la signature d’un accord de collaboration avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
«Aucun ALE entre le Maroc et le Canada n’est à l’ordre du jour», oppose une source au ministère de l’Industrie et du Commerce. Même son de cloche du côté du Conseil d’affaires Maroc-Canada: son président Rafik Lahlou affirme avoir uniquement rappelé, lors de cette rencontre, les discussions qui ont eu lieu il y a une quinzaine d’années entre les parlementaires des deux pays, qui militaient pour la conclusion d’un accord de libre-échange.
Rafik Lahlou reconnaît en revanche avoir évoqué le dossier du Sahara avec les membres de la délégation du CPC. «Comme à chaque réunion avec des organismes publics, privés, ou lors des missions d’affaires organisées au Canada et au Maroc, nous ne ratons jamais l’occasion pour dire qu’il faut pousser plus loin la position du Canada sur le Sahara. Ce sera la voie royale pour aboutir à un ALE», explicite-t-il.
Lire aussi : Moteurs d’avion: le canadien Pratt & Whitney pose ses valises au Maroc
Le président du Conseil d’affaires Maroc-Canada se dit convaincu que les conditions sont aujourd’hui réunies pour revoir la profondeur et la nature du partenariat entre les deux pays. «Riches de 62 ans de relations diplomatiques, le Maroc et le Canada partagent de nombreux intérêts communs. Le dynamisme de la diaspora marocaine au Canada est un atout non négligeable. Les Marocains du Canada sont des exemples de réussite», a-t-il souligné, ajoutant que plusieurs figures politiques canadiennes, dont des ministres du gouvernement québécois ou fédéral, sont originaires du Royaume.
Dans ce contexte, les autorités canadiennes sont aujourd’hui appelées à clarifier leur position sur la question du Sahara, emboîtant ainsi le pas à d’autres puissances, notamment les États-Unis, l’Espagne, la France et l’Allemagne. D’autant que, tient à rappeler Rafik Lahlou, le Canada fait partie du Commonwealth, groupement qui comprend de nombreux pays ayant déjà confirmé leur soutien au plan d’autonomie et à la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara.
Cela dit, la situation politique actuelle au Canada ne favorise pas un changement majeur dans ce sens, nuance Rafik Lahlou. «Je ne pense pas que les choses vont avancer avec le gouvernement du Parti libéral de Justin Trudeau. Nous travaillons actuellement pour préparer l’après-Trudeau. Espérons qu’il y aura un gouvernement plus favorable à la position marocaine sur la question du Sahara».
En attendant, au cours des dernières décennies, le Maroc et le Canada ont réalisé des progrès dans plusieurs domaines (agriculture, éducation, mines, offshoring…). «Nous souhaitons élargir la coopération mutuelle bénéfique dans d’autres domaines: startups, agro-tech, énergies renouvelables, etc.», affirme notre interlocuteur, ajoutant que «les choses ont commencé à bouger dans le bon sens. Jamais on n’a vu autant d’entreprises canadiennes s’intéresser au Maroc».
Lire aussi : Vidéo. Maroc-Canada: une convention pour le renforcement du partenariat commercial
Le lancement en juin dernier d’une liaison aérienne directe entre Montréal et Marrakech, opérée par Air Transat, ouvre de nouvelles perspectives pour intensifier les échanges, notamment touristiques, entre les deux pays. À cela s’ajoute la mesure prise par le Canada en juin 2023 autorisant les Marocains à demander une Autorisation de voyage électronique (AVE) au lieu d’un visa pour accéder à son territoire.
«Nous sommes en train de tout faire pour créer un corridor atlantique au service d’un partenariat d’égal à égal avec le Canada», soutient Rafik Lahlou. La prochaine rencontre entre les deux patronats des deux pays est programmée en octobre prochain au Canada.
L’idée d’un ALE Maroc-Canada a déjà fait l’objet d’une consultation publique ouverte il y a une quinzaine d’années. Les premières discussions exploratoires ont eu lieu en janvier 2009 à Rabat et en juin 2009 à Ottawa, sous la houlette des deux premiers ministres de l’époque, Abbas El Fassi et Stephen Harper. Un processus de négociation a ensuite été entamé, le 27 janvier 2011, donnant corps à trois rounds de discussions qui ont permis de réaliser certains progrès dans les domaines relatifs aux procédures douanières, aux mesures sanitaires et phytosanitaires et aux marchés publics. Depuis, les négociations ont été interrompues, pour des raisons jusqu’à présent inconnues.