Fondateur et président-directeur général de TGCC (Travaux Généraux de Construction de Casablanca), un des leaders du BTP au Maroc, Mohammed Bouzoubaâ est né en 1960 à Fès et a grandi à Casablanca. Diplômé de l’École des Ponts et Chaussées de Paris, il débute sa carrière en 1985 au sein du groupe SGTM avant de créer TGCC en 1991, à l’âge de 31 ans.
Aujourd’hui, le groupe totalise plus de 1.000 projets dans les domaines du bâtiment, des infrastructures, des aéroports, des hôpitaux, des stades et des équipements culturels emblématiques comme les théâtres de Rabat et Casablanca. Parmi ses réalisations phares figurent la Tour Mohammed VI, les aérogares de Marrakech et Tanger, ou encore le stade de Fès. L’entreprise compte un carnet de commandes de plus de 10 milliards de dirhams, hors activités de sa nouvelle filiale, STAM-VIAS.
Mohammed Bouzoubaâ a engagé TGCC dans une stratégie d’expansion internationale, notamment en Afrique subsaharienne (Côte d’Ivoire, Sénégal, Gabon, Guinée…) et, plus récemment, en Arabie Saoudite. L’entreprise est introduite à la Bourse de Casablanca en 2021, avec Bouzoubaâ conservant environ 74% du capital. Homme discret et respecté dans le milieu, il incarne une nouvelle génération de bâtisseurs, alliant ancrage, rigueur et performance. Dans cet entretien, il décline sa vision, ses ambitions futures et les valeurs sur lesquels repose son action.
Le360: Avec la SGTM, TGCC a remporté le projet structurant et hautement symbolique du Grand Stade Hassan II. Quels sont les principaux défis techniques du projet et comment prévoyez-vous de les surmonter dans les délais impartis?
Mohammed Bouzoubaa: Le Grand Stade de Casablanca illustre l’ambition du Maroc, et témoigne du niveau d’excellence atteint dans nos métiers. Il est le fruit de décennies d’investissement et de structuration, et nous sommes fiers de participer à un projet d’envergure mondiale, 100% marocain. Ce chantier, de par sa taille et sa complexité, représente un défi technologique, logistique et humain de premier ordre.
«Les échéances comme la CAN 2025 ou la Coupe du Monde 2030 accélèrent certes la cadence, mais elles ne sont qu’un jalon. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est l’amorce d’un cycle long de transformation, qui s’inscrit dans les priorités stratégiques du pays. »
— Mohammed Bouzoubaâ
Le groupement est constitué par le groupe TGCC et SGTM, animés par une culture commune de l’excellence et une capacité à gérer des projets complexes à grande échelle, avec des exigences techniques et environnementales élevées et dans des délais maitrisés.
Lire aussi : Officiel: la construction du Grand Stade Hassan II confiée au groupement marocain SGTM-TGCC
Grâce à notre solidité financière, à l’anticipation, à notre parc matériel intégré et à la rigueur de gestion que nous avons construite, nous sommes capables de maitriser les challenges afin de tenir nos engagements.
Globalement, votre carnet de commandes s’élève à 10,3 milliards de dirhams, hors STAM-VIAS. Quel rôle TGCC souhaite-t-elle jouer dans les projets structurants liés à la Coupe du monde 2030 (LGV, aéroports, hôpitaux, etc.)?
Le Maroc est sur de nombreux projets structurants: grands ensembles industriels, infrastructures de dessalement, routes de l’eau, barrages, gares, aéroports, complexes hospitaliers… Ces projets accompagnent une dynamique nationale qui va bien au-delà de l’horizon 2030.
Les échéances comme la CAN 2025 ou la Coupe du Monde 2030 accélèrent certes la cadence, mais elles ne sont qu’un jalon. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est l’amorce d’un cycle long de transformation, qui s’inscrit dans les priorités stratégiques du pays. Notre ambition est d’être l’un des acteurs de cette évolution. Cela suppose de construire avec qualité, efficience et exigence.
Dans quel cadre l’augmentation de capital prévue d’un montant global maximum de 2,5 milliards de dirhams s’inscrit-elle et quelle est la logique stratégique derrière l’acquisition de 60% de STAM-VIAS?
L’acquisition de 60% de STAM-VIAS répond à une logique claire: renforcer notre chaîne de valeur, élargir notre champ d’expertise, et consolider notre capacité à agir. Cette opération s’inscrit parfaitement dans la stratégie définie dès notre introduction en Bourse en 2021, articulée autour de trois piliers: intégration verticale, diversification et internationalisation.
L’augmentation de capital à venir, d’un montant maximal de 2,5 milliards de dirhams, servira précisément à accompagner cette acquisition.
Comment l’acquisition de 60% de STAM-VIAS va-t-elle transformer votre position sur le marché marocain du BTP?
Avec STAM-VIAS, nous ajoutons des expertises clés –terrassement, routes, grands ouvrages hydrauliques – qui sont complémentaires aux nôtres.
Ce qu’il faut retenir, c’est que STAM-VIAS conservera son équipe de management actuelle. TGCC accompagnera le développement en s’impliquant sur la gouvernance et les grandes orientations stratégiques.
Notre introduction en Bourse en 2021 a été un levier essentiel pour réaliser cette acquisition. Elle nous a permis de structurer notre groupe et d’accéder à des moyens de financement adaptés, à la hauteur de nos ambitions. L’augmentation de capital à venir, accompagnera cette nouvelle étape.
Quelle est aujourd’hui la part de vos activités réalisées hors du Maroc et quelle est la place de l’Afrique subsaharienne dans votre stratégie de développement? Quid également de l’ouverture d’une filiale en Arabie saoudite? Quelles en sont les spécificités?
Notre développement à l’international se renforce. L’Afrique subsaharienne représente un relais de croissance évident, notamment pour les métiers de STAM-VIAS (routes, infrastructures lourdes…). Nous y avons identifié des opportunités majeures.
«Je suis très exigeant sur les compétences, la qualité managériale, la capacité à délivrer. Cette exigence repose sur un socle clair: la méritocratie. Le Groupe TGCC est une entreprise familiale où l’on progresse par le talent et par le mérite.»
— Mohammed Bouzoubaâ
Notre filiale en Arabie Saoudite en est aussi un jalon. C’est un marché exigeant, compétitif, mais aussi structurant à long terme. Notre présence au Moyen-Orient nous permet de tester nos capacités dans un autre écosystème et de consolider notre stratégie d’exportation et de savoir-faire.
Comment gérez-vous la montée en charge humaine sur les grands chantiers? Envisagez-vous un plan massif de recrutement ou de formation?
Notre croissance s’accompagne d’un devoir de transmission. Nous croyons à la formation comme levier de croissance et de développement. C’est tout le sens de TGCC Academy, qui permet de former en continu nos collaborateurs, localement et à l’échelle nationale. L’objectif: structurer notre vivier de compétences de manière continue.
Lire aussi : BTP: l’ère des géants marocains
Nous accompagnons également la montée en charge de nos effectifs via une politique active de recrutement, mais toujours dans une logique d’exigence et de qualité. Ce sont les hommes et les femmes de TGCC qui font la différence sur le terrain.
TGCC est une entreprise familiale cotée en bourse. Comment conciliez-vous agilité entrepreneuriale et exigences des marchés financiers?
Il n’y a pas, selon moi, de contradiction entre être une entreprise familiale et répondre aux exigences des marchés financiers. C’est même une force. Nous avons bâti le Groupe TGCC sur des valeurs familiales de travail, d’humilité, d’exigence, de rigueur – des valeurs que nous avons transmises à toutes les équipes du Groupe.
Je suis très exigeant sur les compétences, la qualité managériale, la capacité à délivrer. Cette exigence repose sur un socle clair: la méritocratie. Le Groupe TGCC est une entreprise familiale où l’on progresse par le talent et par le mérite.
Notre cotation en Bourse nous impose une discipline supplémentaire, mais elle ne brime en rien notre agilité entrepreneuriale. Elle nous pousse à être meilleurs
Dans un secteur en pleine mutation, quelles sont vos priorités en matière d’innovation technologique et de durabilité?
Nous prenons très au sérieux les mutations du secteur: digitalisation, industrialisation, exigences ESG (environnement, social et gouvernance). TGCC a décidé la mise en œuvre de SAP (System Analysis Program) pour renforcer l’industrialisation de ses processus et améliorer la gouvernance et le pilotage du groupe.
Sur le plan RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), notre programme «Maan» repose sur trois piliers: Santé et sécurité, avec un accompagnement structuré des équipes sur tous les chantiers; Impact social, via la formation, l’emploi local, le soutien aux communautés; Optimisation des ressources, avec des actions concrètes sur la consommation d’eau, d’énergie, et la gestion des déchets.
L’objectif reste le même: construire, avec plus de précision, de durabilité, et de performance.