C’est une réforme silencieuse, mais qui marque un tournant stratégique dans la gouvernance fiscale territoriale. Parue au Bulletin officiel du 12 juin 2025, la loi n° 14-25, modifiant la loi n° 47-06 relative à la fiscalité des collectivités territoriales, entérine un changement de taille: la taxe d’habitation (TH) et la taxe de services communaux (TSC), jusqu’ici recouvrées par la Trésorerie générale du Royaume (TGR), passent désormais sous la houlette de la Direction générale des impôts (DGI).
Ce transfert, indique le quotidien Les Inspirations Éco dans son édition du 8 juillet, ne touche ni les bases d’imposition, ni les taux, ni les exonérations en vigueur. Il ne modifie pas non plus la philosophie générale de la fiscalité locale telle que définie par la loi fondatrice de 2007. L’enjeu est ailleurs: il s’agit de simplifier les circuits administratifs, en recentrant l’ensemble de la chaîne de gestion, de l’établissement de l’assiette à l’encaissement effectif, autour d’un seul acteur.
Le système fiscal marocain repose historiquement sur deux piliers: la fiscalité d’État, régie par le Code général des impôts, et la fiscalité locale, affectée aux collectivités territoriales. Cette dernière s’appuie sur une mosaïque de taxes locales (taxe professionnelle, taxe d’habitation, TSC, etc.) jusque-là réparties entre plusieurs gestionnaires. «La DGI gérait déjà la taxe professionnelle. La TGR, elle, avait repris la TH et la TSC à partir de 2021, tandis que certaines communes continuaient à administrer d’autres taxes en direct», explique Les Inspirations Éco.
Ce morcellement administratif, hérité de strates successives de réformes, a entraîné des doublons, des lenteurs, et parfois des incohérences dans la gestion. En confiant aujourd’hui à la DGI la gestion intégrale des deux taxes restantes, le législateur entend rationaliser le dispositif. «Il s’agit de renforcer la lisibilité du système, d’améliorer la performance du recouvrement et de garantir une gouvernance plus cohérente», commente un fiscaliste cité par le quotidien.
Le changement s’inscrit dans le cadre plus large de la loi-cadre n° 69-19 sur la réforme fiscale, qui met l’accent sur la modernisation, la simplification et la centralité de l’usager. L’objectif: unifier les canaux, automatiser les procédures et fluidifier le traitement administratif des dossiers. La DGI, aujourd’hui dotée d’outils numériques avancés, dispose de l’infrastructure nécessaire pour mener à bien cette mission, notamment grâce à l’interconnexion de ses bases de données et à la généralisation des services en ligne.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 14-25, c’est donc la DGI qui assure l’ensemble du processus, comprenant l’évaluation de l’assiette, l’émission des avis d’imposition, l’encaissement, mais aussi le traitement des réclamations. Pour les contribuables, ce transfert ne se traduira par aucun changement en matière d’obligations fiscales ou d’exonérations. En revanche, le traitement administratif promet d’être plus fluide, plus rapide et potentiellement plus juste.
La taxe d’habitation concerne les logements à usage résidentiel, qu’il s’agisse de résidences principales ou secondaires. Calculée sur la base de la valeur locative, elle obéit à un barème progressif allant de 10 à 30%. Certaines exonérations s’appliquent d’office sur les biens publics, lieux de culte, fondations reconnues d’utilité publique ou encore logements neufs destinés à l’habitation principale pendant les cinq premières années.
La taxe de services communaux, quant à elle, vise à financer les services publics de proximité. Elle concerne aussi bien les immeubles d’habitation que les locaux à usage professionnel ou industriel. Son taux varie selon la localisation. Il est de 10,5% en zones urbaines ou touristiques, et de 6,5% en zones périphériques.
La bascule entre la TGR et la DGI s’est opérée progressivement, avec une période transitoire de deux mois pour garantir une continuité de service. «Il serait réducteur d’y voir une mise à l’écart de la TGR, dont le savoir-faire a largement contribué à la gestion des taxes locales ces dernières années. Il s’agit plutôt d’un passage de relais organisé et rationnel», insiste l’expert fiscal.
Derrière ce réaménagement technique, se dessine une volonté politique claire. Il s’agit de faire évoluer l’administration fiscale vers plus d’intégration, de transparence et de proximité. En centralisant la gestion des taxes locales au sein d’une même structure spécialisée, l’État marocain affiche sa volonté de renforcer la confiance du citoyen dans l’impôt. «Il est aussi question de réaffirmer que la fiscalité locale n’est pas un impensé administratif, mais un levier stratégique de développement territorial», conclut Les Inspirations Éco.





