En tournée à Rabat, Tanger, Meknès et Fès depuis le 17 mai 2021 afin de rencontrer élus, universitaires, entrepreneurs et investisseurs dans le cadre du Blue Economy Tour, Gunter Pauli passe à l’action en mettant en pratique l’une des possibilités offertes par l’économie bleue en imprimant son livre, Le Modèle Maroc (téléchargeable ici) … sur papier de pierre.
Une grande première pour le Royaume qui pourrait, si cette technique était généralisée, représenter une avancée considérable tant d’un point de vue économique qu’écologique pour le pays.
Mais qu’est-ce que l’économie bleue dont Gunter Pauli se fait le chantre? Quels avantages pour le Maroc? Comment la mettre en application?
L’économie bleue ou la nature pour modèle économiquePour mieux appréhender ce concept et son potentiel, il faut se pencher sur sa genèse. L’économie bleue, on la doit à Gunter Pauli, économiste, entrepreneur et auteur belge qui préconise à travers ce modèle créé en 2010, de s’inspirer des écosystèmes naturels pour résoudre les crises économiques, sociales et écologiques. Un vaste et ambitieux programme qui propose de révolutionner notre consommation et nos moyens de production tout en protégeant la nature et en faisant de celle-ci… un business model. Oui c’est possible !
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Pour parvenir à ce nouveau mode de fonctionnement, l’observation des phénomènes naturels, la compréhension de leur fonctionnement, mais aussi leur imitation sont autant de clés pour apprendre à mieux consommer ce que la planète produit déjà.
Et les exemples d’initiatives visant à créer sans déchets tout en générant des emplois sont nombreux, y compris au Maroc, terre de bien des possibles en matière d’économie bleue, comme l’explique Gunter Pauly dans son livre Le Modèle Maroc.
Le Maroc, un modèle en soiCe que propose Gunter Pauli, c’est tout d’abord de "regarder sous la surface" afin de découvrir un Maroc au-delà de ce que nous avons l’habitude de voir, à savoir "le leader mondial des phosphates, une destination populaire et un exportateur prospère de fruits et légumes", énumère l’auteur dans le prologue de son ouvrage. Il s’agit ainsi de découvrir des opportunités qui n’ont jamais été envisagées auparavant et explorer des opportunités qui ne correspondent pas forcément à la culture d’entreprise dominante et aux modèles classiques d’investissement.
Dans les chapitres qui composent le livre, Gunter Pauli expose les modèles d’affaires de projets qui sont tout autant des initiatives commerciales que des moyens efficaces de transformer les économies locales en fonction de leurs propres caractéristiques, en générant des écosystèmes locaux propres à un modèle marocain.
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"L’une des caractéristiques les plus importantes des opportunités retenues dans ce livre est l’utilisation exclusive de ce qui est disponible localement", explique ainsi l’auteur en résumé. En effet, "il n’y a pas mieux et pas plus efficace pour servir les gens et la société que d’utiliser ce dont vous disposez déjà et, avec, de générer de la valeur, des opportunités et un avenir meilleur pour la prochaine génération", poursuit-il.
Car du point de vue de l’économiste, le Maroc doit ambitionner, s’agissant de son avenir, bien plus que le tourisme, l’extraction des phosphates et l’agriculture traditionnelle destinée à l’exportation.
Demain se construit aujourd’huiCe point de vue, Gunter Pauli le partage notamment avec Mostafa Terrab, PDG du groupe OCP, à l’invitation duquel ce livre a été écrit. Au sujet de l’OCP, "la société qui détient plus de la moitié des réserves mondiales disponibles de phosphates", l’auteur voit dans la réserve de phosphate marocaine un trésor qui positionne le Maroc comme un leader ayant pour défi de nourrir les deux milliards d’habitants que comptera l’Afrique en 2050. Avec un tel objectif dans le viseur, et sachant que l’agriculture moderne ne peut se faire sans phosphate, l’OCP se place donc au centre de cette réflexion sur l’économie bleue. Il en va en effet de la régénération du sol et des écosystèmes marocain et africain.
Par ailleurs, le Marocain moyen produisant 1,46 kilogramme de déchets par jour quand l’Américain moyen en produit 2,58 kilogrammes, c’est une raison supplémentaire de ne pas s’inscrire dans ce chemin dit du progrès américain qui mènerait le Maroc tout droit vers un accroissement du gaspillage.
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C’est donc loin des sentiers battus, et de l’évidence, que nous emmène Gunter Pauli, en proposant notamment comme exemple d’initiative, la transformation du phosphogypse en algues. "Lorsque nous cultivons des algues pour produire du biogaz, nous remplaçons non seulement les combustibles fossiles et réduisons leurs importations, mais nous produisons également des engrais et des aliments pour animaux, et nous régénérons des environnements marins qui aident à rétablir les stocks de poissons", explique-t-il.
Autre piste, la transformation de la poussière de l’extraction minière en papier de pierre comme modèle pour nettoyer les déchets de l’exploitation minière et lutter également contre la déforestation, l’épuisement des sols et le changement climatique.
Les modèles d’affaires présentés par Gunter Pauli à destination du Maroc exigent par ailleurs un investissement minimal et assurent un court ou moyen délai de retour sur investissement.
Dans le cas de la fabrication de papier de pierre, celle-ci nécessite le plus gros investissement avec plus de 100 millions de dollars, "mais même cet investissement peut être récupéré en 3 à 5 ans", estime Gunter Pauli en rappelant la création d’emplois que ce secteur engendre et la réduction des déchets miniers qu’il implique.
Autre exemple apporté, celui d’une exploitation de chardon qui "peut démarrer avec 3.000 dollars par hectare et cet argent peut être recouvré dès la première année tout en régénérant les sols et en créant des emplois pour les générations à venir".
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Même topo pour une exploitation d’algues qui peut être entamée avec 25.000 dollars par hectare, indique Gunter Pauli, en précisant que "cet investissement revient en trois ans, tout en accumulant la liquidité pour une croissance autofinancée". Sans compter que l’algue peut fournir des biophosphates et des biogaz, tout en nettoyant l’océan des microplastiques.
Chacun de ces projets, du plus petit au plus grand, offre des rendements supérieurs à 20% et contribue au bien commun. Toutefois, si tous ces modèles offrent des retours rapides et sains, il n’est pas question ici seulement d’argent car l’économie bleue a pour principe aussi de voir au-delà de l’aspect financier.
"Il s’agit également de montrer au monde comment une société véritablement dynamique se développe et il s’agit enfin de lancer une vague de créativité et d’entrepreneuriat qui redonnera confiance dans l’avenir aux nouvelles générations", rappelle ainsi Gunter Pauli qui insiste particulièrement sur la fuite des cerveaux devenue un phénomène préoccupant pour le Maroc.
Principal ingrédient pour garantir la réussite de tels projets, le temps, car ces défis s’étendent au-delà des générations, à l’instar des monuments historiques qui font la renommée du Maroc et qui ont pris des dizaines, voire des centaines d’années pour voir le jour.
Une vision à long terme, un engagement fort… Voici ce dont les entrepreneurs de l’économie bleue doivent s’inspirer pour entamer la transformation du Maroc vers un nouveau modèle.
Le livre Le Modèle Maroc est téléchargeable gratuitement en cliquant sur ce lien: https://bit.ly/39GkeK3