Debunk. Infrastructures gazières: aucune discussion en cours entre Rabat et Ankara 

Une vue du port Nador West Med qui sera doté d'un terminal de gaz naturel liquéfié, équipé d’une unité flottante de stockage et de regazéification.

Alors que des médias turcs ont évoqué de prétendues discussions entre Rabat et Ankara autour d’une unité flottante de stockage et de regazéification du gaz (FSRU) à Nador, plusieurs sources concordantes démentent catégoriquement toute négociation en cours. Contrairement aux informations relayées, aucune négociation n’a été engagée avec la Turquie concernant ce dossier.

Le 17/10/2025 à 15h02

Dans une déclaration accordée à CNN Türk, relayée par le quotidien stambouliote Daily Sabah le ministre turc de l’Énergie, Alparslan Bayraktar, a indiqué que la Turquie était en discussion avec le Maroc pour la location d’une unité flottante de stockage et de regazéification du gaz (FSRU). Il a précisé que ces pourparlers pourraient s’inscrire dans un «package» incluant aussi la fourniture de Gaz naturel liquéfié, et que le Maroc pourrait utiliser cette solution pour faire face à ses pics de consommation estivale.

Bayraktar a aussi évoqué un contraste saisonnier entre les deux pays. Selon lui, «les mois d’été sont une période où les besoins du Maroc en gaz augmentent, tandis que la Turquie, pour sa part, verrait sa consommation diminuer à environ 30 % de sa demande globale».

Ces propos ont été largement relayés dans certains médias marocains, qui les ont interprétés comme la preuve d’une négociation en cours entre Rabat et Ankara.

Contactées par Le360, différentes parties prenantes, notamment des responsables gouvernementaux ainsi que des observateurs proches du secteur, ont démenti ces informations, affirmant qu’aucune discussion n’est en cours entre le Maroc et la Turquie concernant la mise en place d’une unité flottante FSRU.

«Il y a quelques années, des opérateurs turcs avaient approché le Maroc pour proposer la location de stations flottantes de production d’électricité à base de gaz», confie cet expert du secteur énergétique. Selon lui, il pourrait s’agir d’une confusion entre différents types d’infrastructures gazières. Mais à ce jour, le Maroc n’a engagé aucun contact officiel avec des opérateurs turcs sur ce dossier, pas plus que sur la question du FSRU, même si la Turquie a déjà développé ce type de partenariats dans la région, notamment avec l’Égypte.

Nos sources écartent également l’hypothèse d’une fourniture de gaz turc au Maroc, pour une raison évidente: la Turquie reste un pays importateur, principalement auprès de la Russie et de l’Azerbaïdjan, et ne dispose pas encore d’un excédent de production suffisant pour garantir une autosuffisance complète ou envisager des exportations durables.

En avril dernier, le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour le développement d’infrastructures gazières nationales. Cet appel vise notamment la mise en place d’un premier terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) au port de Nador West Med, qui prendra la forme d’une unité flottante de stockage et de regazéification (FSRU). Il prévoit également la réalisation d’un réseau de gazoducs reliant le futur terminal au Gazoduc Maghreb-Europe, afin d’alimenter les centrales électriques actuelles (Tahaddart et Aïn Bni Mathar) et futures (Tahaddart 2 et 3, Al Wahda) de l’ONEE, ainsi que plusieurs zones industrielles de Kénitra à Mohammedia.

Le choix s’est donc porté sur le port de Nador pour accueillir la première unité flottante de regazéification, alors que le schéma initial envisageait de démarrer par le port de Mohammedia. Ce dernier avait fait l’objet d’un appel d’offres, lancé par l’Agence nationale des ports (ANP) début janvier 2022, pour y installer une unité FSRU, avant que le projet ne soit finalement abandonné.

L’ONEE, qui consomme aujourd’hui la totalité du gaz naturel importé, s’approvisionne sur le marché international en utilisant les infrastructures espagnoles pour son acheminement et sa regazéification avant son transfert, via le Gazoduc Maghreb-Europe (GME), vers ses centrales de production d’électricité.

La mise en place d’une unité flottante de stockage et de regazéification à Nador aura pour effet de renforcer l’autonomie énergétique du pays et de diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz naturel.

En conclusion, les rumeurs évoquant une coopération imminente entre Rabat et Ankara dans le domaine du gaz naturel ou de l’électricité sont infondées. Le Maroc poursuit le développement de ses infrastructures énergétiques, sans partenariat turc à ce stade.

Par Wadie El Mouden
Le 17/10/2025 à 15h02