Crédits: comment BAM, le GPBM et la CGEM veulent relancer la machine

Le360

Le GPBM, la CGEM et BAM ont élaboré un projet de mémorandum incluant une série d'actions répondant aux 5 problématiques majeures qui expliquent le ralentissement du crédit aux entreprises. Plusieurs d'entre elles traitent du renforcement de la demande. En voici les détails en exclusivité.

Le 19/05/2016 à 14h01

On en sait plus sur les mesures qui devraient être prises pour relancer la machine des crédits. Le360 a appris de sources sûres que la commission tripartite (Bank Al-Maghrib, GPBM et la CGEM) a finalisé un projet de mémorandum qui retrace l’ensemble des mesures urgentes qui devraient être mises en place dans ce cadre.

Pour rappel, le ralentissement inquiétant du crédit fait l’objet depuis le début de l’année d’un suivi de près de la part de la Banque centrale, les banques et le patronat. C’est dans ce cadre qu’une commission où sont représentées les trois parties planche sur des solutions à ce problème. En plus des mesures déjà prises, comme la baisse du taux directeur ou le renforcement du soutien au financement des TPME, les trois parties vont surtout mettre l’accent sur cinq problématiques majeures qui nécessiteront des solutions spécifiques.

Ajuster les stratégies sectoriellesLa première concerne l’impact des différentes stratégies sectorielles engagées par le royaume sur l’économie nationale. Il a en effet été établi qu’un dispositif d’évaluation, permettant d’apporter éventuellement les ajustements nécessaires pour améliorer le rendement de ces politiques, était devenu nécessaire. Cette déduction découle de la constatation que l’économie marocaine reste marquée par un faible niveau des activités non agricoles et demeure rythmée par les fluctuations de la production agricole, largement tributaire des conditions climatiques. Cette situation ne manque pas d’impacter le marché du travail qui a observé une baisse du nombre d’emplois créés annuellement et une hausse du chômage.

Pourtant, le royaume affiche, depuis le début des années 2000, un des taux d’investissement les plus importants au monde, ce qui dénote des efforts consentis pour développer l’économie nationale.

Cependant, même avec un ratio d’investissement qui représente presque 40% du PIB, l’impact réel sur la croissance n’atteint pas les niveaux espérés, d’où la nécessité de remettre en cause les différentes stratégies mises en place afin de les réajuster et tirer le maximum de profits des efforts en matière d’investissement.

Libérer la trésorerie des entreprises.Le projet de mémorandum proposé réserve également un chapitre entier aux difficultés des entreprises. Rappelons à ce titre que l’une des raisons invoquées pour expliquer la baisse des crédits est que le peu d’entreprises qui osent toujours solliciter le financement bancaire ne présentent pas des situations financières rassurantes.

Les trois parties prenantes sont ainsi parvenues à la conclusion que ces difficultés sont souvent liés à la trésorerie des entreprises, c’est pourquoi elles proposent de s’y attaquer en urgence.

Et comme il fallait s’y attendre, le projet de mémorandum insiste sur la résolution du problème des délais de paiement qui, en plus d’être une source de difficultés, provoquent également un certain attentisme chez les entreprises qui n’investissent plus et, par conséquent, ne recourent plus au financement bancaire.

A ce niveau, il est souligné que la loi 32-10 sur les délais de paiement en vigueur présente des problèmes d’application. Sa réforme, en cours de discussion au sein du parlement, après son adoption par le Conseil du gouvernement du 24 mars 2016, vise à inclure les entreprises publiques à caractère industriel et commercial dans son champ d’application et introduire la progressivité d’entrée en vigueur de ses dispositions tout en prenant en compte les spécificités sectorielles.

L'adoption de cette réforme est donc jugée essentielle pour remédier aux lacunes du cadre actuel. Il s'avère néanmoins indispensable qu'elle s'accompagne par un dispositif visant à assurer sa mise en application, par exemple à travers la mise en place d’un médiateur national sur les délais de paiement pour les paiements inter-entreprises et entre entreprises et l’État.

Il reste également à traiter la question de l’apurement des arriérés des créances des entreprises sur l’Etat et les établissements publics enregistrés avant l’adoption de la réforme en cours.

Les garanties et le remboursement de TVA en ligne de mirePar ailleurs, les propositions retenues traitent des retenues de garanties dans le cadre de la commande publique. Celles-ci sont généralement de 10% et sont conservées par les maîtres d’ouvrage entre la date de réception provisoire et celle définitive. Généralement, elles ne sont pas automatiquement restituées aux entreprises à la réception définitive des travaux, ce qui cause là encore un alourdissement des besoins de trésorerie.

Pour y remédier et contribuer à alléger la pression sur la trésorerie des entreprises, il est proposé que soit mise en place une libération automatique du cautionnement et que le maintien de la retenue de garantie fasse l’objet d’une justification.

Il importe aussi, selon le mémorandum, de prévoir au niveau des actes de cautionnement, acceptés par l’administration, une limitation de durée conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur tout en facilitant la délivrance par l’administration des mainlevées sur les cautions consenties par les banques.

Les mesures concrètes proposées pour y remédier consistent, d’abord, en l’élaboration d’une procédure sur la gestion des cautions administratives entre les banques, la CGEM et l’Administration pour régir les nouvelles émissions. Il faudrait également assainir le stock des cautions administratives concernées par cette problématique.

D’autres mesures pour soulager les trésoreries d’entreprises sont également proposées, à l’instar du financement du crédit de TVA. En vue de soulager la trésorerie des entreprises créancières, il a en effet été convenu que les établissements de crédit assurent le financement du butoir. Il est ainsi proposé que le mode opératoire de la mobilisation de ces créances soit arrêté entre la DGI et le GPBM pour le reliquat, au titre de 2016 et 2017, des créances qui ont été agréées par l’administration.

Pour ce qui est du financement de la TVA hors butoir, qui pourrait favorablement impacter un grand nombre d’entreprises, les établissements de crédit se disent prêts à en assurer le financement si l’administration accepte de délivrer une attestation de créance ainsi qu’une attestation de remboursement du crédit entre les mains de l’établissement prêteur.

Explorer la niche du financement des collectivités localesEn plus de renforcer l’accès des TPME à la commande publique et pour lequel la CGEM est déjà en contact avec la Trésorerie Générale du Royaume en vue de mettre en place une procédure et des indicateurs permettant d’assurer un suivi de la mise en œuvre des dispositions réglementaire prévues, le mémorandum propose également des mesures qui ont trait au renforcement de la contribution des banques au financement de certains secteur à fort potentiel.

C’est le cas par exemple du secteur des collectivités locales dont le financement est aujourd’hui quasiment exclusivement réservé au Fond d’équipement communal (FEC). Elles drainent un flux d’activité consistant pour les banques vu que, selon le rapport de la commission consultative de la régionalisation, leurs besoins en termes de financement se situeraient entre 128 à 215 milliards de DH.

Certes, théoriquement, toute banque peut financer une collectivité locale. Cependant elle ne bénéficiera pas des mêmes avantages accordés au FEC et qui le rende de facto plus compétitif.

Il est dans ce cadre recommandé d’étendre en faveur des banques l’inscription de l’annuité du remboursement des emprunts contractés comme dépense obligatoire relevant du budget de la collectivité.

Pour les grands projets et vu l’expertise du FEC en la matière, une participation du secteur bancaire à travers une «consortialisation» avec ce dernier, particulièrement autour de projets bancables pourrait être envisagée.

Plus d’implication pour les banques dans Maroc VertDans le mémorandum, les trois parties prenantes aux travaux ont souligné que les besoins de financement de l’agriculture sont importants vu la place qu'occupe ce secteur dans l’économie marocaine et les objectifs ciblés dans le cadre du plan Maroc vert.

Or, le financement du secteur agricole est assuré principalement par le Crédit Agricole du Maroc qui bénéficie d’un avantage concurrentiel, conféré par la législation en vigueur, consistant à servir la subvention étatique accordée aux agriculteurs et d'un privilège spécial sur les biens mobiliers des débiteurs. Les financements agricoles par les autres banques demeurent limités (2% de leurs portefeuilles), d’où l’intérêt de mettre en place des incitations, notamment fiscales

Il est ainsi proposé d’encourager les synergies conventionnelles entre l’Etat et le secteur bancaire ayant pour finalité de sécuriser le financement de l’activité agricole, de mener la réflexion sur les incitations en faveur des banques pour l’encouragement du financement de l’agriculture ainsi que de lancer la réflexion sur le développement d'une offre de produits d'assurance adapté au secteur agricole.

D’autres niches sont également explorées, à l’instar des auto-entrepreneurs. Le nouveau statut mis en place ouvre au secteur bancaire l'opportunité de développer de nouveaux services financiers pour ce nouveau segment. Certaines banques l’ont d’ailleurs déjà fait. Néanmoins, pour rendre le système plus attractif, il est recommandé de faire aboutir le projet de mise en place d'un régime de sécurité sociale en faveur des auto-entrepreneurs.

Ce projet déjà initié, a donné lieu à deux projets de lois n° 98-15 et 99-15, en discussion devant le parlement, portant respectivement sur la couverture maladie et la retraite. La complétude du système permettrait de mieux bénéficier de l'offre de produits financiers.

Un meilleur cadre pour les garanties de remboursementPartant du principe que l'accès d'une entreprise au crédit est étroitement lié au niveau de risque que présente pour les banques le financement de cette entreprise, le document insiste sur le fait que le niveau de risque dépend de la situation financière de l'entreprise, mais également de la disponibilité et de l'efficacité des moyens juridiques permettant de garantir le remboursement du crédit.

C’est dans ce cadre que le droit des sûretés constitue un facteur clé en matière d'accès au crédit, en particulier pour les TPME, dont la situation financière ne permet pas à elle seule de rassurer les créanciers.

C’est pourquoi un appel est lancé pour adopter rapidement le projet de réforme du droit des sûretés mobilières. Pour ce faire, il est proposé d’accélérer la validation de la liste des privilèges tout en établissant des règles précises de priorité permettant de clarifier le classement des différents créanciers, et de reprendre les réunions d’examen de cette réforme au niveau du secrétariat générale du gouvernement afin de soumettre rapidement le texte au Conseil du Gouvernement et le mettre dans le circuit d’adoption législatif dans les meilleurs délais.

Un fonds de restructuration souverain pour les entreprises en difficultéEn 2015, les défaillances d’entreprises au Maroc ont augmenté de 18% soit 5.944 entreprises après cinq années d'accroissement annuel moyen de 16,5% en lien avec la conjoncture économique difficile. C’est ce qui est rapporté dans le mémorandum.

Ces taux placent le Maroc dans le quartile des pays à forte évolution des mortalités. Parallèlement, l'encours des créances en souffrance détenues par les banques sur les entreprises a été multiplié par deux sur 5 ans, à 40 milliards de DH, soit un taux de risque de près de 10%.

Face à cette tendance, il est recommandé de mettre en place, à l’instar du fonds de soutien financier de la TPME mis en place par BAM et les banques, un fonds de restructuration souverain ayant pour objectif de favoriser le traitement des difficultés conjoncturelles des entreprises, par voie de recapitalisation et/ou de restructuration financière, afin de préserver l'outil industriel national et les emplois, minimiser les coûts économiques et sociaux et alléger les emplois improductifs au niveau des bilans bancaires.

Comme première étape, il est proposé la création d'un comité mixte (public /privé) pour étudier sa faisabilité, en particulier, les modalités de fonctionnement, modes d’intervention, critères d’éligibilité et les parties prenantes. La sortie du fond pourrait se faire par exemple à travers des introductions en Bourse, ce qui ne manquerait pas de stimuler le marché des capitaux.

D’autres actions restent à affinerEn plus de toutes ces propositions, le mémorandum revient sur des mesures évoquées lors de la rencontre du 26 janvier tenue entre la Banque centrale, le GPBM et la CGEM et qui n’ont pas été suffisamment étayées. Il s’agit, par exemple, de la redynamisation de l’offre et la demande les secteurs de l'immobilier et le BTP. Les trois parties ont discuté des moyen de provoquer une baisse des prix du foncier en taxant substantiellement les terrains non bâtis, de la possibilité de créer un organisme de garantie et d'achat de produits titrisés de prêts immobiliers et de l’intérêt d’œuvrer davantage à adapter l'offre et la demande.

Un autre volet a été débattu et qui concerne la mise en place d'un plan financier pour le secteur touristique (fonds de garantie) avec une politique spécifique afin de préserver l’outil national.

C’est dire que la liste des mesures de relance des crédits est bien longue. Le fait que les trois principaux intéressés soient impliqués dans l’élaboration du mémorandum joue en faveur d’une mobilisation importante pour les mettre en place. Cependant, force est de constater que les pouvoirs publics seront également amenés y mettre du leur, faute de quoi plusieurs des actions proposées ne sauraient être réellement concrétisées.

Par Younès Tantaoui
Le 19/05/2016 à 14h01