Bourse: un pactole de 650 MDH à se partager

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Les professionnels de la Bourse attendent avec impatience la promulgation d’une nouvelle loi boursière adoptée par le Conseil de gouvernement le 10 septembre. Enjeux d’un texte crucial.

Le 20/10/2015 à 10h00

Les cols blancs bidaouis ont ajouté un nouveau lien web sur leur barre de favoris. Chaque jour, ils scrutent religieusement le site du Parlement en espérant voir le projet de loi relatif à la Bourse atterrir à la commission des Finances de la Première chambre. Pour les patrons des sociétés de courtage, l’entrée en vigueur de ce texte législatif est synonyme d’un chèque d’environ 15 millions de dirhams à encaisser. Et encore, c’est un minimum auquel auront droit les sociétés d’intermédiation boursière les plus petites, alors que pour les plus importantes sociétés de trading, le chèque à percevoir pourrait dépasser les 30 millions de dirhams.

«Cette manne viendra compenser les pertes que nous avons accumulées ces dernières années dans des conditions de marché des plus déplorables», explique le patron d’une société de Bourse. Et d’ajouter : «Si nous avons maintenu cette activité, c’est juste pour récupérer ce pactole qui sera distribué avec l’application de la nouvelle loi».

Un nouveau souffle au marché boursier

Le projet de loi 19-14, relatif à la Bourse des valeurs, aux sociétés de Bourse et aux conseillers en investissement financier, est qualifié par les professionnels du marché de "révolutionnaire". Mais il s’agit surtout d’un texte nécessaire pour redonner un nouveau souffle au marché boursier qui agonise depuis quelques années. Il vient d’abord dépoussiérer le mode de gouvernance de la société gestionnaire de la Bourse, dont la concession accordée par les pouvoirs publics en 1994 a déjà expiré l’année dernière.

La future loi permettra ainsi de dissoudre l’ancienne Société de la Bourse des Valeurs de Casablanca (SBVC) qui, en 20 ans d’activité, a cumulé des réserves estimées à 650 millions de dirhams, via les commissions qu’elle perçoit sur chaque transaction. «Après des négociations qui ont duré des années, nous avons trouvé enfin un compromis pour partager ces réserves», nous confie une source du ministère des Finances.

Le scénario retenu prévoit de couper «la poire en trois». Un tiers des 650 millions de dirhams sera consacré à l’achat et la construction du futur siège de la nouvelle société gestionnaire : la tour de verre devrait en fait déménager du boulevard des FAR vers le futur ensemble immobilier de Casablanca Finance City. Un autre tiers sera récupéré par le ministère des Finances pour être injecté dans le budget public, tandis que les quelque 200 millions restants seront distribués comme dividendes exceptionnels aux actionnaires de la société gestionnaire actuelle.

Apports de la nouvelle loi

Ces derniers pour leur plupart devraient quitter le tour de table dans la nouvelle configuration de la société gestionnaire. Selon la nouvelle loi, le capital de cette structure ne sera plus détenu par les seules sociétés d’intermédiation boursière. Celles-ci seront remplacées par les banques et compagnies d’assurances avant une «re-privatisation» en deux temps : associer d’abord un partenaire industriel comme le London Stock Exchange qui serait intéressé par une participation à hauteur de 20% dans cette nouvelle structure ; et plus tard introduire la société gestionnaire sur son propre marché boursier à travers une offre au grand public.

La nouvelle loi prévoit par ailleurs la création de deux marchés dont un dédié aux PME pour leur permettre l’accès dans des conditions adaptées. Le futur texte réglementaire ouvre également la possibilité aux entreprises étrangères de s’introduire dans l’un des compartiments du marché sans forcément avoir leur siège au Maroc.

Un marché qui agonise

Cette batterie de mesures est censée sortir le marché d’une léthargie qui dure depuis des années déjà. Les investisseurs étrangers comme les institutionnels locaux ont déserté la place, laissant les petits porteurs essuyer les contreperformances. Même les quelques introductions en Bourse réalisées au cours de cette période se sont révélées insuffisantes pour redonner vie à une place qui tourne au ralenti avec des transactions quotidiennes moyennes qui ont à peine dépassé les 100 millions de dirhams au terme du dernier trimestre.

Depuis le début de cette année, l’indice général du marché (MASI) a reculé de quelque 6%, revenant ainsi à ses niveaux de 2013 après une année 2014 marquée par un léger redressement. 2015 était pourtant annoncé comme l’année de la reprise, mais pour l’heure les boursicoteurs assistent au naufrage de certaines grandes capitalisations pour ne citer que La Samir ou l’immobilière Alliances.

Les autres «blue-chips» font de leur côté du surplace quand elles ne reculent pas, laissant les petits porteurs se lamenter sur la valeur de leurs portefeuilles qui fond comme neige au soleil. Et ce ne sont pas les derniers résultats semestriels publiés par les sociétés cotées qui peuvent rassurer les salles de marché : avec un recul de la capacité bénéficiaire de près de 30%, les perspectives s’annoncent sombres pour ce dernier trimestre de l’année. Malgré tout, les analystes financiers gardent leur optimisme légendaire et espèrent une reprise pour l’année prochaine. Inchallah !

Par Fayçal Ismaili
Le 20/10/2015 à 10h00