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Jamal Belahrach.

TribuneEt si la vraie crise n’était pas économique, mais managériale? Le désengagement des salariés marocains atteint des sommets. Dans cette tribune, Jamal Belahrach signale que l’heure est venue de repenser en profondeur nos pratiques de leadership.

Le 31/05/2025 à 08h00

La dernière livraison de l’Institut Gallup de 2025 sur l’engagement des salariés en entreprise à travers le monde nous éclaire sur les chiffres du Maroc. Et, comme d’habitude, on lit les chiffres et on tourne la page. Trois petits tours et puis s’en vont…

Mais non! Nos résultats sont dramatiques, alarmants, à l’heure où nous avons besoin d’une mobilisation générale, vu le momentum de notre pays et ses enjeux dans les dix ans à venir.

Rappelons ces agrégats:

- Seuls 14% des salariés marocains se sentent engagés dans leur travail,

- 69% des travailleurs marocains envisagent activement de quitter leur emploi ou de chercher de nouvelles opportunités,

- Seulement 16% des Marocains estiment mener une vie professionnelle épanouie.

Le stress au travail touche 45% des salariés marocains, 34% d’entre eux ressentant de la colère et 29% de la tristesse sur leur lieu de travail.

Environ 30% des employés sont activement désengagés, un taux supérieur à la moyenne mondiale, ce qui représente un risque important pour la productivité et le climat social en entreprise.

Ces données traduisent une crise marquée par un fort désengagement, un stress élevé et une insatisfaction généralisée des conditions professionnelles.

Les dirigeants, les cadres dirigeants, les cadres intermédiaires et les DRH ne peuvent rester insensibles à cette situation, même si certains tentent d’adresser cette question.

Collectivement, le déni de cette réalité est suicidaire pour nos entreprises, notre économie et notre pays qui ont besoin plus que jamais de générer de la richesse pour créer des emplois et inclure toute une jeunesse dans une dynamique collective.

Nous sommes attendus et nous devons répondre présents.

La raison d’être d’une entreprise est de produire de la richesse en donnant du sens à son activité. Séduire ses clients n’est plus suffisant, il faut également engager ses collaborateurs dans un voyage commun qui soit porteur de sens et de valeurs. De fait, cela pose la question: quelle est la mission d’un dirigeant et d’un manager aujourd’hui?

Un dirigeant, un leader, un manager doit motiver et donner du sens à ses collaborateurs. Il doit les guider dans le cadre d’un projet commun. N’oublions jamais qu’une entreprise est d’abord un projet collectif et non individuel.

L’expression «le monde a changé» est un élément de rhétorique qui s’est vidé de son sens. Toutefois, la réalité de notre environnement, les attentes de nos collaborateurs et l’évolution des valeurs de nos sociétés ont pris une autre importance depuis la crise sanitaire qui a paralysé la moitié de l’humanité.

Alors oui, ces chiffres sont dramatiques et posent la question du pourquoi d’une telle situation au sein de nos organisations publiques et privées.

Je voudrais ici balayer l’idée que la rémunération serait l’ingrédient principal de cette désertion émotionnelle.

Dès lors, mettons de la profondeur dans la lecture de cette situation qui obscurcit la culture de l’entreprise et partant, la mobilisation des énergies et des potentiels de ressources humaines.

Nous devons regarder ces résultats par le prisme de la culture d’entreprise qui conjugue le modèle de management et de leadership, l’expérience collaborateur dans toutes ses dimensions, le cadre et l’environnement de travail et bien entendu, toutes les dimensions de la communication en interne.

Ne dit-on pas que l’on quitte un manager et jamais une entreprise? Plus qu’une maxime, c’est une triste réalité.

Par conséquent, cela veut dire que l’urgence est à la transformation des modèles de management et de leadership quoi doivent bannir «l’EGO system» pour installer durablement «l’ECO system» qui, lui, est centré sur le collaborateur, principal actif pour créer de la valeur.

On ne manage pas par décret ou par note de service, mais par de la proximité, de l’empathie et du sens.

Comment sortir de la verticalité à un moment où l’on doit être dans l’inclusivité, dans l’intelligence collective pour répondre aux attentes des nouvelles générations?

Le modèle de management et ses attributs sont à la fois le problème et la solution.

Repenser l’expérience collaborateur en intégrant toutes les dimensions pour mieux attirer les talents, mieux les intégrer, les fidéliser et développer leur employabilité en leur donnant de la visibilité est une obligation pour les organisations.

Relever les défis de management de capital humain, en particulier, avec la perspective du défi intergénérationnel qui inclut les GenZ devient, dans ce contexte, un impératif de survie pour les organisations.

Ces mêmes GenZ qui ne veulent plus travailler dans n’importe quelles conditions, ni être traités comme des matricules mais bien comme des contributeurs, qui ne sont plus dans la simple obéissance mais veulent comprendre l’utilité des choses et sentir qu’ils sont alignés avec leur environnement et leurs valeurs de vie.

Réussir ce défi collectif autour d’une culture d’entreprise plus adaptée au monde d’aujourd’hui et de demain est une réelle opportunité pour accélérer la dynamique de création de richesse pour notre pays.

Nous devons libérer les énergies pour créer des entreprises dynamiques. Celles-ci seront essentielles pour un Maroc en mouvement et pour atteindre le développement nécessaire à l’établissement d’un contrat social de confiance au sein de nos organisations.

Penser en leader authentique, agir en manager responsable pour redonner confiance et réengager les collaborateurs est la seule voie possible pour créer de la valeur durable pour nos entreprises et devenir un pays développé qui compte dans le concert des nations!

Nous le méritons tous!

Par Jamal Belahrach
Le 31/05/2025 à 08h00