Depuis quelques années, le Royaume du Maroc a fait de la digitalisation un levier stratégique de développement et de modernisation de sa gouvernance.
Alors que le pays s’apprête à accueillir la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et co-organisera la Coupe du Monde en 2030, les projecteurs du continent et bientôt du monde seront braqués sur son niveau de préparation.
Objectif: hisser les standards nationaux dans tous les secteurs clés: infrastructures sportives, hôtellerie, sécurité, transport… Et surtout connectivité.
Sur ce dernier point, les exigences internationales sont claires, rappelle le magazine Finances News Hebdo.
Un pays hôte doit garantir des infrastructures télécoms robustes et à la pointe de la technologie.
L’exemple du Qatar en 2022, qui a déployé un réseau 5G couvrant stades, aéroports, métros et zones pour supporters, illustre le niveau attendu.
Le Royaume est bien conscient de l’enjeu et, selon une étude d’Ericsson, il figure parmi les 15 marchés émergents les mieux positionnés pour tirer profit de la 5G, tant sur le plan économique qu’environnemental.
Le potentiel est considérable, souligne le magazine.
Avec un impact estimé à 15 milliards de dirhams sur l’industrie et l’agriculture, la 5G est perçue comme un catalyseur de transformation économique.
D’ici 2028, 270 millions d’abonnements 5G sont attendus dans la région MENA.
Le Royaume du Maroc se prépare donc à lancer officiellement cette technologie en novembre 2025, à la veille de la CAN, comme l’a confirmé un responsable de l’ANRT.
Le déploiement démarrera dans les grandes villes, avant de s’étendre progressivement aux zones rurales, pour atteindre 70% de la population d’ici 2030.
Mais ce virage technologique comporte aussi des défis de taille. Le coût d’investissement colossal pousse à envisager la mutualisation des infrastructures.
«Dans certains pays, une entité tierce joue le rôle de régulateur pour favoriser ce partage», explique un expert proche du dossier, cité par Finances News Hebdo.
Pour l’heure, l’ANRT subit des pressions pour lancer l’appel d’offres 5G. Des rencontres ont déjà eu lieu avec les principaux acteurs du marché (Huawei, Nokia, Ericsson), ainsi qu’avec les opérateurs télécoms nationaux.
Khalid Ziani, expert du secteur, rappelle que la réussite du Mondial 2030 passera par des télécoms puissants. «Ce secteur doit être le moteur de la connectivité mondiale. Or, les exigences techniques d’un tel événement nécessitent de lancer dès cette année les grands chantiers structurants, notamment l’attribution des licences 5G». Il cite l’exemple du Qatar, qui a investi 20 milliards de dollars pour ses infrastructures télécoms.
«Le Maroc n’a pas le choix: il doit accélérer», a-t-il affirmé.
Même son de cloche du côté de Hicham Chiguer, président de l’AUSIM, qui confirme que «la 5G fera ses débuts au Maroc dès 2025». Pour lui, cette technologie est un tremplin vers l’industrie 4.0.
Au-delà de la vitesse (jusqu’à 10 fois supérieure à la 4G), la 5G ouvre la voie à l’internet des objets: voitures, machines, réseaux urbains connectés… Tout devient interconnecté, fluide, intelligent.
Mais, pour certains professionnels, la rentabilité reste incertaine.
«L’investissement est lourd pour un retour encore flou, notamment en l’absence d’applications grand public massivement adoptées», confie une source télécom à l’hebdomadaire.
Face à ces incertitudes, certains experts plaident pour s’inspirer de modèles étrangers. La Finlande, par exemple, a réussi à faire passer sa couverture 5G urbaine de 12% à 95% entre 2020 et 2023.
Mais cette réussite repose sur un maillage national en fibre optique, un préalable encore loin d’être atteint au Maroc. En 2021, seuls 336.000 foyers marocains y avaient accès, soit un taux de pénétration de 3,9%, loin derrière la Tunisie, l’Algérie ou l’Égypte.
Un frein majeur réside dans le cadre réglementaire. La loi Télécoms actuelle empêche les opérateurs d’infrastructures publics comme l’ONCF, l’ONEE ou ADM de commercialiser leurs réseaux excédentaires aux autres acteurs. Résultat: une sous-utilisation massive (l’ONCF ne mobilise que 30% de ses 2.700 km de fibre).