Vidéo. Parution: Rita El Khayat revisite «le Maroc des traditions et des coutumes»

«Le Maroc des traditions et des coutumes», de Rita El Khayat, aux éditions L'Harmattan.

«Le Maroc des traditions et des coutumes», de Rita El Khayat, aux éditions L'Harmattan. . DR

A lire absolument, le livre de Rita El Khayat, psychiatre et anthropologue, consacré aux coutumes et traditions marocaines qui tendent aujourd’hui à se perdre. Un travail minutieux qui appelle à être lu, étudié et à servir de base de recherche.

Le 15/06/2021 à 08h02

A l’occasion de la parution du livre de Rita El Khayat, Le Maroc des traditions et des coutumes, aux éditions L’Harmattan, l'ambassade du Royaume du Maroc à Rome, en collaboration avec l'Institut français Centre Saint-Louis ont invité l'écrivaine marocaine à débattre avec l'anthropologue Ahmed Habouss, économiste, sociologue, professeur à l 'université de Naples L'Orientale, fondateur et directeur de l'observatoire des études méditerranéennes internationales, lors d’une rencontre animée le 11 juin dernier.

Ce livre, précédemment publié en italien en 2010 aux éditions FBE, sous le titre de Il fastoso Marocco dei costumi e delle tradizioni, est l’expression d’une passion pour ce pays, ses habitants, son climat, sa lumière. «Maroc éternel, Jardin des Hespérides avec ses pommes d’or. Le monde entier passe par le Maroc. Ce livre permet de le sentir et le savourer!» peut-on lire en présentation de cet opus, qui fait office de travail encyclopédique présentant les traditions, rites et coutumes marocains, de leurs origines culturelles multiples à leur ancrage au sein de plusieurs sociétés en une seule.

Le constat à l’origine du livre

«En 2006, je me suis rendue compte que nous fêtions le 50e anniversaire de l’indépendance du Maroc et je réfléchissais en me disant, ‘je vois sous mes yeux disparaître des coutumes, des traditions, des vêtements, des manières de recevoir’» explique Rita El Khayat. Des transformations qu’elles considère, «très rapides».

«J’ai eu besoin en tant qu’anthropologue (…) de figer toutes les coutumes et traditions que j’ai pu répertorier» explique Rita El Khayat qui voit dans ce travail accompli une manière de «recueillir, de poser sur papier des références», ne serait-ce que superficielles, mais qui permettront de freiner cette course au déclin des traditions et des coutumes de ce pays, resté longtemps authentiquement marocain, à savoir amazigh, andalou, juif et arabe, et «préservé de ce que l’empire ottoman a déstructuré de l’esthétique de pays comme l’Algérie ou la Tunisie».

Clamer cette force culturelle particulière du Maroc, tel est l’objectif de Rita El Khayat qui aime à comparer son pays au Japon, «car il a gardé une tradition extrêmement forte même s’il est aujourd’hui attaqué de toute part par la mondialisation et la créolisation du monde».

L’auteure du Maroc des traditions et des coutumes nous invite ainsi à un voyage dans le temps pour (re)découvrir la matrice culturelle du Maroc, composée notamment de l’art marocain musulman, mais aussi de l’art traditionnel avec la danse, les spectacles de rue, la littérature archaïque en passant par les dialectes et ce florilège de mots qui tendent à disparaître de notre vocabulaire. Les vêtements et les bijoux sont aussi représentés dans cette multitude qui compose le tissu culturel et artistique si riche du Maroc.

Le patriarcat et l'islam rigoriste importé, des fléaux pour la cultureBien entendu, comme le souligne si bien Ahmed Habouss, la place de la femme, de la mère, est prépondérante dans cet ouvrage de par son rôle de transmetteuse des traditions. Un rôle essentiel pourtant contrarié par la montée en puissance du patriarcat - des tabous et des blocages inhérents à ce type de système - qui contamine les coutumes et traditions du Maroc. D’où la nécessité de réformer les mentalités afin d’avoir une chance de préserver ce patrimoine.

Et Rita El Khayat d’abonder dans ce sens car, explique l’anthropologue qui se dit «triste» de voir «des pans entiers de la culture abandonnés», le problème vient du fait que s’il y a renaissance, elle n’est que religieuse. «Cette régénération de la religion se fait au dépend de toutes les autres parties culturelles» déplore-t-elle ainsi en prenant notamment pour exemple «la destruction d’un islam autochtone, indigène, familial et culturel» pourtant propre au Maroc. Et de dénoncer ainsi les méfaits de cet «islam rigidifié» que l’on importe via les vêtements et les rites de pays qui ne sont pas maghrébins.

«La richesse de l’islam que j’ai vécu a disparu (…), c’était non seulement une croyance, une manière de prier très pudique, réservée (…) une manière de faire le ramadan» se souvient-elle nostalgique de cette simplicité qui a laissé place à l’apparat dans les villes.

Autre exemple de ces traditions qui se perdent, le dessin traditionnel du henna sur les mains et les pieds qui a tout bonnement disparu. «L’apposition du henné aujourd’hui est en partie, hindoue, saoudienne, pakistanaise, afghane et cette merveilleuse dentelle d’autrefois a disparu» explique ainsi l’anthropologue qui déplore l’effacement de ces traditions en l’absence de photographies, de documents peints ou enregistrés et contemple déjà la fin proche des dialectes faute de locuteurs.

Un livre à lire pour prendre la mesure de la richesse de notre patrimoine et de l’urgence qu’il y a à le sauver de l’oubli dans lequel il est en train de tomber... à tout jamais.

A propos de Rita El Khayat

Psychiatre et psychanalyste, anthropologue et écrivaine, Rita El Khayat est l’une des intellectuelles et des féministes les plus importantes du Maroc avec à son actif des dizaines de livres et des centaines d’articles sur la condition féminine dans le monde arabo-islamique. Membre de plusieurs sociétés savantes internationales, multiprimée, distinguée et décorée dans divers pays (Chevalier de l’Ordre du Trône, officier de l’ordre national du Mérite), elle a reçu en 2006 la citoyenneté d’honneur de la part du président de la République italienne, Giorgio Napolitano, pour des mérites particuliers dans les domaines social, scientifique et culturel. Elle a été nominée pour le prix Nobel de la paix en 2008.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 15/06/2021 à 08h02