Vidéo. Nous, les filles dégénérées de Sherazade

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniqueRassurez-vous. Une fois n’est pas coutume, on ne vous bassinera pas en faisant l’apologie du féminisme. Rita El Khayat, après avoir flingué Sherazade, n’oublie pas de rayer de la carte les féministes de tout bords.

Le 15/12/2019 à 11h20

C’est un tableau sans concession des femmes arabes que dresse Rita El Khayat, anthropologue, écrivaine et psychiatre, dans son dernier ouvrage «Les filles de Sherazade. Les femmes arabes».

Si la libanaise Joumana Haddad a tué Sherazade dans son dernier livre (J’ai tué Schéhérazade), autant dire que Rita El Khayat vient de s’assurer qu’elle était bien morte et enterrée dans notre inconscient collectif.

Mais pourquoi vouloir faire la peau à ce mythe, ce symbole de la femme orientale, qu’on imagine brune, belle, sensuelle et intelligente, héroïne et conteuse hors pair du récit des Mille et Une nuits?

Parce que nous, ces descendantes, avons toutes les raisons d’en finir avec l’ascendance qu’exerce encore sur nous cette mère originelle. C’est du moins la position campée par Rita El Khayat.

Dépeinte comme une anti-héroïne, elle n’est pas une super femme mais une victime, qui a quelque chose de pathétique. Ce personnage merveilleux, rêvé par les occidentaux, est en fait une fille qui s’offre en sacrifice, qui raconte des histoires, qui a choisit de se soumettre, qui utilise la ruse féminine et qui a donc décidé de jouer avec le roi en utilisant l’arme des faibles.

Mais pourquoi s’attarder sur ce mythe? Pour mieux comprendre et appréhender la condition féminine des descendantes de Sherazade, nous, les femmes du monde arabe.

Rassurez-vous, une fois n’est pas coutume, on ne vous bassinera pas en faisant l’apologie du féminisme. Rita El Khayat, après avoir flingué Sherazade, n’oublie pas de rayer de la carte les féministes de tous bords.

Hormis l’égyptienne Nawal Saadawi, sorte d’exception qui confirme la règle, les féministes arabes sont accusées de parler, parler et parler encore et encore… En vain. Leur erreur? Ne pas s’être penchées sur le passé, ne pas avoir étudié l’histoire, ne pas avoir adopté d’approche anthropologique, ni psychanalytique, pour étudier notre condition de descendantes d’une femme soumise, rusée et sacrificielle.

Car à quoi ressemblons-nous, nous, les filles de Sherazade? Eh bien, autant dire que ce n’est pas joli-joli, car avec nous aussi, Rita El Khayat ne prend pas de gants.

Selon l’auteure, nous émergeons à peine d’un long sommeil de plusieurs siècles. Après avoir dormi profondément en bonnes Cendrillons du XIIe au XIXe siècle, nous avons été tirées de notre torpeur par Napoléon lors de sa campagne égyptienne.

Le début du colonialisme marque alors le réveil des pays arabes dans lesquels les filles de Sherazade vivotent en habits de citadines ou de paysannes mais sont surtout, explique Rita El Khayat, les objets du patriarcat.

Mais tout d’un coup, l’école fait son apparition et avec elle l’accessibilité des filles à la scolarité. Au Maroc, il faudra attendre pour cela les années cinquante et ce changement n’est pas sans répercussions sur la société, qui peine de plus en plus à se reconnaître.

Car jusqu'ici, les filles ne sortaient pas. Elles étaient bien à l’abri de leur maison, protégées ainsi du danger masculin qui les guette à l’extérieur, elles, ces êtres si fragiles, tellement incapables de se défendre.

Avec leur scolarisation, elles sortent, s’exposent aux dangers, les affrontent, se libèrent de leurs peurs et participent à créer le nouveau visage d’une société basée sur un patriarcat qui perdure grâce aux matriarches.

Car pour mieux asseoir leur infériorité, elles peuvent compter sur les plus âgées d’entre elles, qui pratiquent ce que l’auteur nomme un «matriarcat de soubassement» et dont le pouvoir s’étend et se limite au cadre familial.

Mais si les esprits féminins commencent à peine à se nourrir intellectuellement, à se cultiver, ce n’est pas pour autant que la liberté est à portée de main. Pour cela, il faudrait qu’on soit libre d’aimer un homme, de vivre sa sexualité. Toutefois, considère Rita El Khayat, ce musèlement des femmes et des hommes et leur enfermement par la famille arabo-islamique a une raison bien précise: les personnes libres de leurs sentiments et de leurs émotions échappent au pouvoir.

Et aujourd’hui, où en est-on? Et bien pas loin si l’on en croit Rita El Khayat, qui cite l’Unesco, selon laquelle les femmes arabes sont les plus analphabètes au monde, ou encore l’OMS, qui déclare de son côté que nous sommes aussi les plus dépressives.

Que peut offrir une femme analphabète et dépressive à ses enfants s’interroge la psychiatre? Rien. Elle sera une épouse et une mère «incompétente». Le mot claque comme un coup de fouet et fait mal.

Elle y va un peu fort tout de même, se dit-on à bout de souffle, après autant d’uppercuts balancés en pleine figure, mais elle n’a pas encore fini, Rita El Khayat. Cette femme arabe-là, poursuit-elle, qui vit pour se trouver un mari et faire des enfants, ne peut pas dresser un cadre familial normal et ne peut pas assurer une fluidité dans les sentiments ou les relations.

Devenues des dégénérées au fil du temps, les filles de Sherazade sont à ce point opprimées qu’elles en sont devenues violentes. Et devinez quoi, cette violence va être transmise aux garçons qui, nous explique l’auteure, exploseront plus tard, à la place de leur mère.

Alors que faire pour sortir de ce cercle vicieux? Tordre le cou au féminisme, repenser un système social basé sur l’harmonie entre les sexes et surtout avoir le courage, nous, femmes arabes, de nous attaquer à notre condition, ce qu’elle fut et ce qu’elle sera dans le futur.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 15/12/2019 à 11h20

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Pauvre Rita al Khayat . Elle a voulu rester dans son pays , y etre utile ,travailler ,respecter ses régles méme en fondant une famille et bien sur participer au son rayonnement du Maroc en publiant des livres qui sont lus aussi bien en occident que dans les pays arabes , résultat que des critiques et bien sur c'est un suppot de l'Occident ,elle vit dans un autre Maroc, elle ne connaît pas sa religion etc.. Sa tare ? etre femme (et une femme brillante de plus )et se permettre de parler ..Rkia Laroui

Vous parlez de la femme arabe mais pas d'une femme marocaine amazigh.

Bonsoir Madame Zineb Ibnouzahir. La condition sociale des femmes dans les pays arabo-musulmans n'est pas brillante comparativement à beaucoup d'autres pays. C'est une évidence. Aller chercher les raisons de cet état des choses dans une supposée ascendance qu'exerce sur elles une conteuse, Sherazade, mère originelle, mais vous rigolez ! Sherazade est sûrement un modèle chez les séductrices et les femmes de nuit, mais la mère des croyants chez les musulmans c'est Khadija. Vous n'en parlez jamais ! Pourquoi cette impasse ? C'est l'histoire. Dans un monde d'hommes rudes, Khadija était une femme libre, entrepreneuse, commerçante, intelligente, écoutée, respectée, plusieurs fois mariée et mère de famille. C'est elle-même qui a demandé le prophète en mariage. Quel culot dirons beaucoup aujourd'hui. C'est aussi une précurseuse du cougarisme, elle avait plusieurs années de plus que le prophète qui ne s'est remarié qu'après son décès. C'est de leur amour, de leur entente et leur tendresse qu'ait jailli l'islam. C'est la muslim number one. Voilà un bon sujet d'étude et d'analyse : pourquoi ce décalage entre ce modèle exemplaire et historique et la situation actuelle de la gent féminine dans les pays arabo-musulmans. Mais, Sherazade laissez la nous raconter des histoires, nous faire rêver. Cordialement.

On ne peut la blamer parcequ elle a adopte un point de vue externe. Pour pouvoir juger quelqu un, il faut vivre et integrer la societe pendant un temps assez representatif (10 ans min). Mais certaines personnes pour ecrire un livre, ils regardent par la fenetre et pondent un bouquin se permettant de juger et d emettre des theories sanns se soucier de la verite. Merci Madame Ibnouzahir de nous avoir informé

Bonjour, Article très instructif. Explique et répond à toutes les questions du précédant (Routiny yawmy). J'ai vu s'installer comme voisine le Dr Rita El Khayat dans les années 80 (non loin d'un célèbre croisement à Casa). Enfant, je me posais la question devant sa plaque professionnelle : qui peut bien consulter ici ? Je n'ai jamais croisé (par hasard) personne entrer ou sortir. 40 ans plus tard, le docteur nous dit que le vivier de patient(e)s est tellement important que le nombre de psychiatres au Maroc ne pourrait suffire. J'ai beaucoup ri aux assertions du docteur : "Les marocains ne lisent presque jamais." et "Je ne sais pas pourquoi.". Hilarant. Cela prouve au moins une chose : qu'elle n'en a pas rencontré suffisamment pour se faire une idée.

MERCI beaucoup pour avoir parfaitement compris mon message et pour l avoir parfaitement présenté. Donc expliqué aux lecteurs.... Rita El Khayat

Bonjour Madame, je sais que c'est un peu hors sujet mais je voulais juste vous dire que je pense souvent à Aini, votre fille, nous étions camarade de classe et même si je ne l'ai pas connu très longtemps jamais je ne l'oublierai. Avec toute ma sympathie, Meryam

L'Occident se rit des perroquets qui ont facilement troqué leur culture pour se retrouver dépouillé(es) de leur identité et s'accrocher à la vanité d'une reconnaissance qu'ils(qu'elles) ne décrocheront jamais.Tout ce que vous récolterez en fin de compte ,c'est du mépris là-bas et le seul statut(qualité) d'arabe suffit pour provoquer le simulacre de la nausée . Vous servez à propager ,comme d'autres avant vous, une culture répugnante et une civilisation malade,au bout du souffle ,je veux dire à l'agonie et à laquelle il ne reste plus que le vice et la perversion pour croire au renouveau. Vous sombrerez dans l'oubli plus vite que vous ne croyez .Ici,plus assez marocain(e)s;là-bas,jamais de bizarres intrus ,de surcroit ,animé(e) d'une malsaine prétention. Contre quatorze siècle de culture,les nains ne pourront jamais rien et ne récolteront que la disgrâce.

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