Vidéo. Le patrimoine culturel à l’heure de l’urbanisation: quand Audrey Azoulay exprime son amour pour Casablanca

Audrey Azoulay, directrice générale de l'UNESCO.

Audrey Azoulay, directrice générale de l'UNESCO. . DR

Invitée à intervenir dans «Metropolitan Casablanca», la nouvelle émission co-organisée par 2M et Yamed Capital, Audrey Azoulay, directrice générale de l'UNESCO, livre son précieux point de vue sur la gestion du patrimoine culturel à l'heure des enjeux liés à la modernisation et l'urbanisation.

Le 02/07/2020 à 15h28

Comment offrir à Casablanca un avenir digne de son histoire? C’est une question plus que jamais d’actualité à l’heure où les défenseurs du patrimoine architectural et culturel de la ville blanche se battent sur tous les fronts pour tenter de préserver ses richesses historiques. Ils étaient ainsi plusieurs personnalités à participer à ce riche débat, exprimant tour à tour, les espoirs qu’ils nourrissent pour la ville blanche et partageant leur vision de l’avenir et des nombreux enjeux à relever.

Dans un message enregistré pour la tenue de cette nouvelle émission, Audrey Azoulay, directrice générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a tout d’abord fait part de son profond attachement à cette ville où elle a passé une partie de son enfance pour y retrouver ses grands-parents, «près du marché central», précise-t-elle avec une pointe d’émotion.

Les clés du présent sont dans l’histoirePuis, la directrice de l’UNESCO s’est concentrée sur la préservation du patrimoine culturel de cette ville en pleine expansion: «Je suis heureuse (...) de partager ce moment, car c’est le message de l’UNESCO que de préserver le patrimoine culturel, de le faire comprendre, de le faire connaître, de préserver la mémoire de lieux qui nous disent notre histoire singulière et ce qui nous relie. Casablanca bien sûr a une dimension indéniablement mythique. Elle le doit à sa capacité unique à resserrer le monde, à proposer une urbanité moderne, ouverte sur la mer à partir (...) de fragments d’architectures venus d’ailleurs».

Et pour mieux appréhender le présent, encore faut-il se tourner vers l’histoire, chose faite par Audrey Azoulay qui nous éclaire ainsi en rappelant que Casablanca «est une ville qui a été dessinée, pensée dans un urbanisme moderne, qui en a fait au début du XXe siècle un laboratoire d’exception avec toutes les sources mobilisées pour cet art de bâtir».

Une richesse architecturale, rappelle Audrey Azoulay qui va «de l’art déco à l’hispano-mauresque, en passant par le néo-classique, et avec bien sûr l’apport unique des grands maâlems qui ont nourri de leur art les œuvres d’architectures modernes». Et de préciser que «les urbanistes n’ont cessé d’expérimenter des manières différentes de fabriquer la ville».

Casablanca, ville du grandiose, pour le meilleur et pour le pire«Casablanca, c’est la ville de tous les superlatifs», souligne très justement Audrey Azoulay en rappelant d'abord les aspects positifs de cette ville «ouverte sur la mer qui a connu en son temps la plus grande jetée du monde, la plus grande piscine du monde, le plus grand minaret», puis en mentionnant le fait qu’elle «a malheureusement, aussi au gré de son développement, vu détruire de trop nombreux joyaux architecturaux».

Toutefois, la directrice de l’UNESCO garde espoir et selon elle, «de toutes ces expérimentations qui ont façonné la ville, il est resté un patrimoine unique, une école à ciel ouvert pour le regard. Il y a aussi une certaine idée de la liberté dans l’effervescence d’aujourd’hui, nourrie de la multiplicité des regards et des approches».

La modernité se nourrit aussi du passé«Casa, cette ville si énergique, tournée vers l’avenir, industrieuse, a aussi tout intérêt à protéger son patrimoine, car il est aussi, dans sa dimension immatérielle, dont le Maroc est si riche, une ressource formidable pour la modernité, pour la créativité» a rappelé par ailleurs Audrey Azoulay.

En effet, c’est précisément «parce que cette architecture nous raconte à tous l’histoire, ses parts d’ombre, ses fulgurances plus lumineuses, une histoire unique» que «c’est un ressort pour se projeter dans l’avenir», rappelle-t-elle à juste titre. Ainsi, pour mieux la préserver, il convient selon elle de «faire connaître ce patrimoine architectural et culturel, bâtir une mémoire collective, refuser de construire sur le vide ou sur l’amnésie, s’inscrire dans le temps long»… autant de manières de valoriser cet atout exceptionnel pour le Maroc d’aujourd’hui et de demain.

L’art et la manière de relever les défis liés à l’urbanisation Pour parvenir à concilier les enjeux d’aujourd’hui tout en préservant le passé et ses richesses, Audrey Azoulay invite à «travailler cette mémoire collective, l’irriguer par les travaux des sciences sociales, la valoriser grâce à l’engagement des fervents amoureux de cette ville que je salue, il faut aussi l’enseigner à l’école, et intégrer dans toutes les stratégies de développement urbain cette dimension unique, culturelle dans toute sa variété».

La directrice de l’UNESCO rappelle par ailleurs que cet enjeu n’est pas seulement marocain. «Partout dans le monde, l’urbanisation est devenue un phénomène majeur, l’ONU estime ainsi que plus des 2/3 de l’humanité vivront en ville d’ici 2050».

Le défi que Casablanca devra relever est donc, au même titre que toutes les autres villes au monde, «un défi pour la préservation du patrimoine culturel en ville».

Et Audrey Azoulay de ponctuer son message d’une recommandation formulée par l’UNESCO, celle d’adopter une approche très intégrée de la gestion des paysages urbains historiques en reprenant «les objectifs de conversation du patrimoine urbain dans ses éléments matériels, mais aussi immatériels de façon intégrée avec ceux du développement socio-économique».

«C’est pour cela que l’UNESCO et la ville de Casablanca collaborent depuis de nombreuses années, pour valoriser cette diversité culturelle et ce patrimoine exceptionnel qui font la singularité de cette cité», conclut Audrey Azoulay en exprimant à nouveau son fort attachement pour le Maroc.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 02/07/2020 à 15h28