Dans une récente étude publiée dans la revue scientifique Gondwana Research, une équipe de paléontologues vient de décrire une nouvelle espèce de dinosaure au Maroc. Baptisée Taleta taleta - le nom vient de l’arabe «taleta», qui signifie «trois», car c’est le troisième dinosaure de ce type trouvé au Maroc - elle appartient à la famille des hadrosauridés, des dinosaures herbivores surnommés «dinosaures à bec de canard» en raison de la forme de leur museau.
Cette découverte, réalisée dans les gisements phosphatés du bassin d’Oulad Abdoun, dans le centre du pays, porte à trois le nombre d’espèces de ce type connues au Maroc. Elle confirme le rôle clé de la région dans la compréhension des derniers chapitres de l’histoire des dinosaures.
Une région moins isolée qu’on ne le pensait
À la fin du Crétacé, il y a environ 66 millions d’années, la planète ressemblait à un archipel géant, avec des continents morcelés par des mers peu profondes. Ce contexte géographique aurait dû limiter les déplacements d’espèces animales, mais la présence de hadrosauridés au Maroc contredit cette hypothèse. Les chercheurs estiment que ces dinosaures ont traversé la mer depuis le sud de l’Europe pour atteindre l’Afrique du Nord, probablement en profitant de périodes de baisse du niveau des mers ou de chaînes d’îles. La découverte de Taleta taleta vient renforcer cette théorie.
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Découvert à partir de deux ossements de mâchoires fossilisés, Taleta taleta se distingue nettement des deux autres espèces connues dans la région: Ajnabia odysseus (découverte en 2021) et Minqaria bata (décrite plus récemment). Ses dents plus grandes et la forme particulière de sa mâchoire suggèrent un régime alimentaire différent. Cela laisse penser que ces dinosaures se sont rapidement diversifiés après leur arrivée en Afrique, chacun occupant une niche écologique spécifique.
Une biodiversité insoupçonnée
Cette découverte témoigne d’une radiation adaptative, un phénomène par lequel une espèce colonisatrice évolue rapidement pour s’adapter à différents environnements. Elle rappelle, à une autre échelle, l’exemple célèbre des pinsons des îles Galápagos étudiés par Darwin. Le fait que les trois espèces de dinosaures à bec de canard retrouvées au Maroc soient aussi différentes confirme l’extraordinaire biodiversité qui a pu exister dans cette région juste avant la disparition des dinosaures.
Le Maroc, et en particulier les couches phosphatées du bassin d’Oulad Abdoun, s’impose comme un site de référence mondial pour l’étude de la fin du Crétacé. Les fossiles y sont particulièrement bien conservés, et chaque nouvelle découverte apporte des éléments précieux sur les dernières étapes de l’évolution des dinosaures. Avec Taleta taleta, les chercheurs ajoutent une nouvelle pièce au puzzle de l’histoire évolutive des dinosaures, et rappellent que de nombreux chapitres de cette histoire restent encore à écrire.