En attendant sa projection en 2024 sur 2M, le film documentaire «Skat Haraka», signé Rita El Quessar, a été projeté en avant-première hier lundi 11 décembre à l’American Art Center de Casablanca. La projection a été précédée d’un débat avec Fatna El Bouih, présidente de Relais Prison, à qui est dédié ce documentaire, le critique de cinéma Hamadi Guerroum, l’artiste Cheaib El Barki et le journaliste Reda Benjelloun. Il était question du rôle de l’art en général et du cinéma en particulier dans la réinsertion des jeunes détenus.
Fatna El Bouih a évoqué le Festival de cinéma en prison, lancé à Oukacha, à Casablanca, et qui est devenu itinérant au cours des dernières éditions. «La première fois que nous avons fait entrer la caméra en prison, c’était quelque chose. Lors de l’atelier avec Brahim Benkirane, les détenus avaient du mal à se laisser prendre en photo. Ils n’acceptaient pas de voir leur image. Alors, l’artiste s’est d’abord contenté de filmer les mains, les dos, et finalement, ils ont bien apprécié le process», a raconté la présidente de Relais Prison, l’association où Rita El Quessar a filmé son documentaire et dont l’idée a été inspirée par sa rencontre avec celle dont les actions principales visent à humaniser les prisons et à redonner confiance aux jeunes détenus.
Quelle vie après l’incarcération? Après avoir perdu sa liberté? Après avoir rompu plusieurs liens sociaux? «L’objectif pour nous est également de réconcilier les détenus avec leurs familles. Cette image que je n’oublierais jamais, c’est lorsqu’une mère invitée à la projection des courts métrages des détenus, a embrassé le sol après avoir vu l’œuvre de son fils qu’elle ne reconnaissait plus», a témoigné Fatna El Bouih.
Lire aussi : «Ana Bidaoui-les mémoires de Casablanca», le regard de Lakhmari, les mots d’El Qessar
Dans «Skat Haraka», qui a nécessité deux ans de travail juste après la période du confinement, Rita El Quessar fait une mise en abîme puisqu’elle filme des gens qui filment un seul et même sujet. Et elle a choisi de réunir des jeunes non détenus avec d’autres qui sont passés par la case prison. Loin de raconter les détails de ce qui les a menés en prison, et ne voulant tomber ni dans le voyeurisme ni dans le misérabilisme, la réalisatrice a choisi une approche poétique faisant ressortir toutes les qualités de l’humain et qui effacent toutes les traces de violence.
Une sorte de catharsis clairement mise en avant en croisant différentes histoires, passées et présentes. Et une scène du documentaire, où l’on voit un metteur en scène, en atelier avec le groupe de jeunes au sein de l’association, et qui les interroge sur l’image qui est gravée dans leur esprit est des plus émouvantes. La caméra zoome sur leur visage meurtri mais plein d’espoir. Des larmes coulent sur certains visages. Au final, «Skat Haraka» révèle qu’en prison comme dans la vie, l’humain jongle entre son désir de liberté et les contraintes de sa conscience. Un paradoxe, une contradiction qui sont au centre du silence et du mouvement.