La fête du cinéma marocain

Karim Boukhari.

ChroniqueCela fait bizarre de parler de cinéma et de fête par ces temps maussades, où l’actualité remue en chacun de nous des ressorts inattendus, des blessures que l’on croyait guéries…

Le 28/10/2023 à 09h00, mis à jour le 28/10/2023 à 09h00

Le Festival national du film national a démarré hier à Tanger avec, au menu, plusieurs films de qualité. Parmi les longs métrages, et pour la séquence émotion, il faudra prêter un œil attentif au retour tant attendu de Mostafa Derkaoui, que beaucoup ont redécouvert avec la restauration de son film culte que l’on croyait perdu: «De quelques événements sans importance». Le petit dernier s’appelle «Hmida Ejayeh».

Il faudra suivre aussi des cinéastes confirmés comme Faouzi Bensaïdi («Jours d’été»), Maryam Touzani («Le bleu du caftan») ou Hicham Ayouch («Abdelinho»).

Mais c’est surtout parmi les premiers films qu’il faudra piocher prioritairement. Le grand gagnant se trouvera peut-être parmi eux. Jetez un œil, pour commencer, au très beau «Mon père n’est pas mort», de Adil Fadili. Visuellement, c’est un bijou. Fadili a mis beaucoup de temps, d’énergie, et surtout d’amour pour faire ce film. Il a transformé son quartier d’enfance, Mers Sultan (Casablanca) en décor fantasmagorique, digne de l’univers de Jean-Pierre Jeunet ou de Terry Gilliam. Et il a offert, surtout, un bau rôle, le dernier, pour son défunt père, Aziz Fadili. Sauf accident, ce film sera au palmarès final de cette 23ème édition.

L’autre film qui fera certainement sensation s’appelle «Les Damnés ne pleurent pas». C’est un authentique OVNI. Fyzal Boulifa, le réalisateur, n’a peur de rien. Armé de courage et d’une évidente sincérité, il raconte l’histoire d’une fuite, celle d’une femme mûre qui se prostitue en cachette, et de son fils, un ado marginal. En plus d’être intérieure, la fuite est d’abord physique, réelle, puisque le «couple» va de place en place, comme des nomades des temps modernes.

Malgré certaines imperfections (c’est un premier film), «Les Damnés…» est une œuvre touchante, qui s’inscrit dans la mémoire et ne la quitte plus. Étant donné sa crudité, et sa rudesse, il faut suivre de près l’accueil qui lui sera réservé tant par le public que par les membres du jury de Tanger…

Arrêtons-nous là et laissons les Tangérois découvrir le reste de la programmation, qui réserve aussi des surprises dans les catégories court métrage et documentaire. Sans oublier les autres premiers films très attendus comme «Un été à Boujad» ou «Sounds of Berberia»…

Cela fait bizarre de parler de cinéma et de fête par ces temps maussades, où l’actualité remue en chacun de nous des ressorts inattendus, des blessures que l’on croyait guéries… Mais c’est la force du cinéma, qui est avant tout une célébration de la vie et un moyen de s’élever et de garder la tête hors de l’eau…

Il est juste dommage que cette 23ème «fête» (la 1ère avait eu lieu en 1982) du cinéma marocain se déroule sans trois des films les plus marquants de l’année: «Déserts», de Faouzi Bensaïdi (qui concourt donc à Tanger avec son avant-dernier film, une vraie bizarrerie !), le remarquable «Les Meutes», de Kamal Lazraq, et «Animalia», de Sofia Alaoui.

Rien ne saurait justifier l’absence de ces trois films, qui ont récolté d’excellentes critiques internationales et ont déjà été distribués en Europe. N’y avait-il donc pas moyen d’inclure le meilleur de la production marocaine de l’année 2023 dans cette 23ème édition du festival national?

Par Karim Boukhari
Le 28/10/2023 à 09h00, mis à jour le 28/10/2023 à 09h00