FLAM 2025: quand l’imaginaire féminin redessine le monde

Najat Vallaud-Belkacem, Christiane Taubira et Ali Benmakhlouf à l'édition 2025 du Festival du livre africain de Marrakech. (K.Essalak/Le360)

Le 31/01/2025 à 10h41

VidéoL’ouverture de la troisième édition du Festival du livre africain de Marrakech a été marquée par une table ronde sur le rôle des femmes dans la transformation de la société, avec la participation de personnalités telles que Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem.

Jeudi 30 janvier, l’auditorium de l’Institut Français de Marrakech a accueilli une table ronde sur le pouvoir de l’imaginaire féminin, marquant ainsi l’ouverture de la troisième édition du Festival du livre africain de Marrakech (FLAM). Cette conférence a réuni des figures de premier plan, dont Christiane Taubira, Ali Benmakhlouf, Ananda Devi et Najat Vallaud-Belkacem.

Ensemble, les participants ont discuté de la façon dont l’imaginaire féminin transforme le monde et remet en question les systèmes établis.

Najat Vallaud-Belkacem: l’effraction des femmes en politique

Ancienne ministre de l’Éducation nationale en France, Najat Vallaud-Belkacem a livré une réflexion puissante sur la place des femmes dans la sphère politique. Elle a dénoncé la précarité de leur statut, soulignant que «les femmes politiques françaises perdent leur statut de ministre à la minute où se déclare la crise», comme si elles étaient perçues comme des intruses dans un monde façonné par et pour les hommes.

Elle a insisté sur la manière dont les décisions prises par les femmes en politique sont souvent dissociées du travail gouvernemental: «On ne jamais dit que les décisions qu’elles ont prises relèvent d’un travail lié à l’administration. Quand des hommes prennent des décisions du même style, on va les critiquer, mais on ne remet pas en cause leur ministérialité».

Face à cette adversité, elle a évoqué une analogie inspirante tirée d’un échange avec le musicien André Manoukian. Celui-ci lui avait raconté l’histoire d’une jeune chanteuse confrontée aux insultes d’un public hostile. Au lieu de se laisser submerger, elle a fini par rétorquer violemment, sans réaliser que la majorité silencieuse du public l’écoutait avec admiration. Une leçon pour toutes celles qui affrontent les critiques virulentes: «Les voix les plus bruyantes ne sont pas nécessairement les plus représentatives».

Christiane Taubira: un pouvoir patriarcal à déconstruire

Christiane Taubira, ancienne garde des sceaux et figure emblématique des luttes pour l’égalité, a insisté sur la nature profondément patriarcale du pouvoir: «Même s’il est exercé par des femmes, il est dans son essence patriarcal et suprématiste».

Elle a dénoncé un système oppressif, non seulement envers les femmes mais aussi envers les hommes, qui doivent eux aussi se montrer solidaires face à une structure qui «les écrase». Pour elle, résister à ce modèle impose de «prendre le pouvoir», de refuser de se conformer à des attentes normatives et de s’affirmer sans concession.

Ananda Devi: une écriture au service des opprimés

Écrivaine mauricienne de renom, Ananda Devi a marqué la journée en prononçant la leçon inaugurale du festival, intitulée «Les femmes qui me parlent». Son œuvre, ancrée dans une critique sociale puissante, met en lumière la pauvreté, la marginalisation et les violences subies par les plus vulnérables.

Dans son roman Ève de ses décombres, elle donne la parole à des jeunes issus de quartiers défavorisés, abandonnés à leur sort dans une société indifférente. À travers ses récits, elle dénonce les systèmes oppressifs qui broient les individus et réaffirme le rôle de la littérature comme un outil de résistance et de transformation.

Ali Benmakhlouf: hommage à Aïcha Ech-Chenna, une femme de combat

Philosophe et professeur à l’UM6P de Benguerir, Ali Benmakhlouf a profité de cette table ronde pour rendre hommage à Aïcha Ech-Chenna, grande militante des droits des femmes au Maroc, disparue en 2022.

«Je ne comprends pas pourquoi on ne parle pas d’elle tous les jours», a-t-il déclaré avec émotion, rappelant son engagement en faveur des mères célibataires, privées de reconnaissance légale et sociale. Aïcha Ech-Chenna s’est battue pour que ces femmes puissent donner un nom propre à leurs enfants, incarnant ainsi une force d’imaginaire et d’action qui transforme l’impossible en possible.

Par Qods Chabâa et Khalil Essalak
Le 31/01/2025 à 10h41