Quand on me propose de signer une pétition, je suis toujours embarrassé. Signer un texte écrit soit collectivement, soit par une personne qui cherche à rassembler autour de ses idées le maximum de personnes, n’est pas chose aisée. En principe on signe ce qu’on a écrit soi-même. On peut à la rigueur rejoindre le texte d’une ou deux personnes parce qu’il se situe dans la défense des valeurs pour lesquelles on se bat dans la vie.
En général, j’évite de mettre mon nom sous un texte global où forcément, certains mots ne me conviennent pas ou certaines attitudes me hérissent.
Il m’est bien sûr arrivé de signer des pétitions. Défendre la cause palestinienne, dénoncer l’apartheid dont ils sont victimes, faire entendre des voix qu’on n’a pas l’habitude d’entendre, etc. J’ai été par ailleurs sensible à d’autres sujets, d’autres causes, notamment la lutte contre les racismes, la défense des femmes victimes de violences conjugales ou hors mariage, l’intégrité physique et morale des enfants abusés par des adultes criminels, etc.
Quand on reçoit une pétition, il faut prendre le temps de bien la lire et aussi se renseigner d’où elle émane, qui l’a initiée et vérifier les affirmations qu’elle avance. Cela prend du temps. Une manipulation n’est pas à exclure. Tout est possible, surtout en ces temps où tout passe par les réseaux sociaux.
Dernièrement, on m’a demandé de répondre à une pétition qui dénonce «la répression» des journalistes, des créateurs et des artistes. J’ai su tout de suite que cette pétition ne correspondait pas à la réalité que je connais. Je ne dis pas qu’au Maroc, tout va merveilleusement bien. Il y a eu des erreurs, des injustices, des bavures. Mais de là à faire croire qu’on n’a pas le droit de créer et de s’exprimer librement, il y a une marge qui flirte avec la mauvaise foi et le mensonge.
J’ai toujours protesté contre l’arrestation des journalistes, des intellectuels. Certes le respect de la déontologie est fondamental. Mais mettre en prison un journaliste pour délit d’opinion est intolérable. Je parle de journalistes qui font leur métier avec sérieux et responsabilité. Je ne parle pas d’une certaine minorité de mercenaires au service de ceux qui veulent la ruine du Maroc. Ils existent, on les connaît et on les évite.
Qu’en est-il de la liberté d’expression en général dans notre pays? Je crois qu’on peut tout dire et tout écrire à condition d’éviter la diffamation et la remise en question des causes sacrées du pays. Soutenir par exemple que le Sahara n’est pas marocain est un acte politique qui rejoint la stratégie des ennemis de l’intégrité territoriale, autrement dit, c’est faire un cadeau à ceux qui cherchent à priver le Maroc de ses provinces du sud. On est libre d’affirmer une telle contre-vérité, mais il faut accepter les conséquences d’un tel engagement qui a tous les aspects d’une trahison.
La critique est signe de bonne santé. Un gouvernement, un parlement, des hommes d’autorité doivent accepter d’être critiqués et ne pas réagir par la répression. C’est une des bases de la démocratie.
Au Maroc, nous sommes encore en train d’apprendre à vivre ensemble dans un Etat de droit. Or l’Etat de droit est en perpétuelle construction. Nous n’avons pas achevé cette construction. C’est un chantier immense, complexe, difficile, qui nécessite d’abord et avant tout une bonne éducation des citoyens basée fondamentalement sur le respect de l’individu et de la vérité. Or c’est ce qui nous manque le plus. On le voit, hélas tous les jours, dans la manière dont la pandémie gagne du terrain. Manque de discipline, manque de civisme, propagande complotiste qui attribue cette crise à n’importe qui et à n’importe quoi, absence de solidarité, etc.
Ainsi l’Etat de droit ne pourra s’établir chez nous durablement qu’à partir d’un Etat social basé sur l’égalité de tous devant la loi et sur une justice indépendante de tous les pouvoirs y compris le religieux.
On fait le tour de toutes les questions et problèmes qui se posent à notre pays. On finit toujours par le même constat: un manque d’éducation et de ce fait, pas d’Etat de droit réel et inébranlable.
C’est dans ce cadre de crise sanitaire, économique et aussi psychologique que certains profitent de la fragilité de la population pour faire circuler des informations non fondées, relayées par une presse étrangère qui ne vérifie pas le contenu de ce que ça raconte.