Mobilisation

Famille Ben Jelloun

ChroniqueNous constatons tous, avec regret et colère, que la pandémie progresse chez nous. Comment se fait-il que le Maroc, qui a été donné en exemple, au début de l’arrivée du virus, se retrouve aujourd’hui face à une propagation inattendue?

Le 17/08/2020 à 11h56

Certains médecins l’appellent «une vacherie», d’autres s’en tiennent au terme scientifique, Covid-19. Les peuples l’appellent «catastrophe». Les complotistes le nomment «l’agent chinois». Et moi, dans ma réclusion, je ne le nomme pas, mais je sais, je suis cette fois-ci intimement persuadé, que nous allons vivre longtemps avec cette «saloperie» qui a apporté beaucoup de malheur au monde. Vivre en passant entre les gouttes d’une pluie mauvaise, en marchant sur la pointe des pieds, en faisant des prières ou simplement en tentant la chance de ne jamais rencontrer cet ennemi sans visage, sans odeur, sans couleur.

Curieusement, l’annonce par Poutine lui-même, de la découverte d’un vaccin, appelé «Spoutnik V», n’a pas été accueillie comme une première victoire contre cette chose qui a bouleversé la planète. Je me demande pourquoi? Un vaccin, doit-il systématiquement être trouvé par un centre de recherche américain ou nordique? Qu’importe.

L’intuition, que nous n’aurons pas terminé avec cette chose dans les prochains mois, persiste. La situation de la pandémie mondiale telle qu’elle est présentée quotidiennement par la Johns Hopkins University of Medicine n’est pas optimiste. Le dimanche 16 août à 11 heures, les cas confirmés dans le monde étaient de l’ordre de 21.468.279 dont 5.254.878 cas aux Etats-Unis; 771.183 décès dont 167.253 aux Etats-Unis. Le Maroc est, de loin, le moins touché avec 41.017 cas, mais il en souffre.

J’ai appris qu’à Tanger par exemple, qui est une zone particulièrement frappée par le virus, les cliniques privées refuseraient de recevoir les malades du Covid-19. Elles les dirigent vers les hôpitaux publics qui, comme tout le monde sait, ne sont pas assez outillés pour affronter cette maladie. Les directeurs de ces cliniques prétendent que leurs autres malades risquent d’être contaminés par les «covidiens».

Si cela est vrai, il n’y a guère d’espoir de vaincre le virus.

Par ailleurs, quel que soit le comportement des propriétaires de cliniques privées, il faut redoubler de vigilance et observer le respect des gestes barrières afin de lutter contre la propagation du virus.

Or, nous constatons tous, avec regret et colère, que la pandémie progresse chez nous. Comment se fait-il que le Maroc, qui a été donné en exemple, au début de l’arrivée du virus, se retrouve aujourd’hui face à une propagation inattendue?

Le civisme. Oui, nous manquons de civisme et les patrons d’usine qui ont ouvert leurs entreprises sans respecter les précautions minimales sont responsables de la situation actuelle.

La crise économique. Oui, elle est aussi à la base du relâchement de certains. Mais où est passée la solidarité? Que sont devenues les différentes aides consenties par l’Etat? Pourquoi certains individus ne se sentent pas concernés par cette lutte? On dirait que la guerre n’est pas menée par tous. Il y aurait ainsi des déserteurs, des irresponsables, des inconscients.

Le Maroc n’est pas le seul dans ce cas. Mais quand j’apprends que le double dépistage, entre le test sérologique et le test PCR, coûte, dans un laboratoire privé, mille dirhams, je comprends que nombreux sont les citoyens qui ne pourront pas se permettre une telle dépense.

On ne peut pas tolérer qu’on fasse du profit sur le dos du Covid-19.

Le pays a besoin d’une mobilisation générale pour que la lutte contre le virus puisse aboutir. Je pense à un parti politique qui dispose de 55.000 associations dans toutes les régions du Maroc. Il serait urgent de mobiliser ces centaines de milliers de citoyens pour faire respecter les consignes de sécurité, afin de faire échec à la pandémie.

Le virus ne s’en ira pas de lui-même. Il voyage, s’implante et insiste dans son action de destruction. C’est le président Macron qui avait parlé, dans son premier discours, au début de la pandémie, de «guerre». Là, on voit bien que nous sommes en guerre, mais contre un ennemi invisible, pervers, vicieux et qui gagne à tous les coups.

Dans toute guerre, il y a une stratégie de combat. C’est à chacun de prendre sa part dans cette lutte absurde mais inévitable. Discipline, vigilance, détermination. Plus vite on fait barrière à la propagation du virus, plus vite la crise économique sera derrière nous. 

Par Tahar Ben Jelloun
Le 17/08/2020 à 11h56