L’avortement n’est pas un crime

Tahar Ben Jelloun.

Tahar Ben Jelloun. . DR

ChroniqueTant de morts, tant de drames dans une clandestinité sordide, dans des lieux insalubres et des mains hésitantes parce qu'incompétentes. La religion n’a jamais accepté ou toléré que des êtres humains soient dans l’obligation d’avoir recours à des charlatans pour sauver l’honneur d’une vie.

Le 28/05/2018 à 12h02

Il est peut-être mal venu de parler d’avortement en ce mois de Ramadan. Pourtant c’est durant ce mois que la conscience prend le temps de la réflexion, de l’examen critique et de la remise en question. C’est le temps de la sagesse et de la recherche de la spiritualité. Ce qui permet à l’individu d’atteindre humilité et raison, de s’approcher de la justice envers lui-même et envers les autres.

Le fait de jeûner est l’occasion de refaire connaissance avec les valeurs du sacré et du respect. Une façon d’être au monde, de vivre ensemble et de construire et consolider une société de justice et de tolérance, une société qui ne permet plus que des enfants, parce que non désirés, mal nés, soient jetés dans la rue.

L’Irlande catholique vient de voter par référendum à plus de 60% un texte autorisant l’avortement. Il est l’un des derniers pays européens à affronter la religion sur un thème extrêmement délicat car nombre de croyants catholiques considèrent sincèrement qu’avorter c’est commettre un crime. Le débat est le même, quelle que soit la religion. Mais il est des situations où l’avortement s’impose comme la solution afin d’éviter des drames encore plus grands. La question de faire une distinction entre infanticide et interruption de grossesse a préoccupé les philosophes depuis toujours. Ainsi Aristote jugeait «admissible» le fait d’avorter («Politique VII», 14).

L’islam est une religion de justice. Le Code pénal marocain permet quelque amendement. Le Conseil de gouvernement du 9 juin 2016 avait adopté un amendement autorisant des femmes d’avorter dans certains cas.

L’Association de lutte contre l’avortement clandestin ne baisse pas les bras. Tant de morts, tant de drames dans une clandestinité sordide, dans des lieux insalubres et des mains hésitantes parce qu'incompétentes. La religion n’a jamais accepté ou toléré que des êtres humains soient dans l’obligation d’avoir recours à des charlatans pour sauver l’honneur d’une vie.

Des femmes peuvent avorter en cas de viol, d’inceste ou de malformation du fœtus. Mais les démarches sont longues et complexes. Une femme violée ou ayant eu un rapport avec un frère, un père ou un oncle n’ose pas en parler et réclamer le droit d’interrompre cette grossesse du malheur. La honte la submerge et la condamne à l’exclusion et parfois à la mort. La honte et la peur, la honte et le regard des autres, comme si ceux-là ne seront jamais concernés par ce genre de catastrophe. Certaines associations de la société civile interviennent, mais que dire des paysannes isolées dans les montagnes, loin de tout, ne pouvant parler à personne ni se confier à quelqu’un de confiance?

J’ai lu une enquête où il est affirmé que tous les jours 150 bébés sont abandonnés au Maroc. C’est énorme. Autant de destins voués au malheur.Ce seront des enfants de rue, des êtres privés d’enfance et d’innocence. Ils seront jetés dans la rue avec tout ce que cela implique dans un pays où la pauvreté fait des ravages et pousse certains à accentuer le mal et à profiter de cette enfance abandonnée et sans aucune protection.

Il faut en finir avec la clandestinité qui aboutit souvent à la mort de la mère ou de l’enfant ou des deux, en finir avec les charlatans et exploiteurs de la misère humaine. Il faut ensuite autoriser l’interruption de grossesse dans des conditions médicales et de bonne hygiène.

La Tunisie, décidément toujours en avance sur les autres pays arabes, a autorisé, bien avant la France, l’avortement en 1973! Le Maroc pourrait bousculer certains dogmes et préjugés et mettre fin à cette situation absurde qui ajoute à la pauvreté et au désarroi de nouveaux malheurs.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 28/05/2018 à 12h02

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Je suis une femme , je n’ais jamais avorté mais croyais moi pour une femme femme avorter sais terrible car elle sais pertinament qu’elle va commère un crime envers son bébé même si ce bébé n’est qu’un embryon est croyais moi elle ne le fait pas de gaieté de cœur et toute sa vie elle pleura ce bébé que la société a condamné

Cher Monsieur Ben Jelloun, J’aimerais attirer votre attention sur le nouveau Manifeste du 2 mai publié dans le Parisien et intitulé ’’ Contre le nouvel antisémitisme’’ signé par le lobby genre Filkenfraut, Manual Vals et d’autres qui sont au service d’Israël et dont le but est de salir tout ce qui est en relation avec l’Islam et les musulmans. Ce manifeste délétère est une violence inouïe qui distille de manière sournoise la haine des musulmans. Aucune violence n’est à accepter qu’elle soit contre les juifs, contre les chrétiens ou contre les musulmans, mais faire un manifeste pour désigner le musulman comme la source du mal est tout simplement exécrable.

Une grande humanité dans votre article, d'autant écrit par un homme qui n'aura jamais cette question personnelle et grave à se poser pour éviter la misère que crée un enfant non désiré, malade ou issu du pire, un espoir pour toutes les femmes qui n'avortent jamais de gaité de coeur, mais par nécessité ultime. Avec le bon sens religieux éclairé tel qu'il devrait être.

A mon avis,je crois qu'avorter est un crime QUALIFIE. Mais il y a des circonstances très urgentes pour procéder ainsi. Dans le cas du viol, peut être que l'avortement n'est pas une solution.Laissez le foeutus grandir. Personne ne sait ce qu'il deviendra dans le futur,sauf Dieu. Mais dans la prostitution, c'est autre cas.(laissez à la volonté de la mère) Le foeutus na*'a pas commis de crime pour être balancer dans les égouts. Il y a des enfants nés de relations extra conjugales qui une fois atteins un âge se sont devenus des meilleurs personnalités avec un instructions haute de gamme et sont devenus des cancres.

De toute évidence, vous êtes un citoyen et non unE citoyennE. Bien sûr que tous les enfants ont droit à la vie, mais vous voyez un homme marocain vouloir épouser une fille qui a un enfant né d'un viol? De plus, même si la fille s'en sort, qui va payer "l'instruction haut de gamme" de l'enfant, comme vous dites? Si elle est étudiante avec des parents modestes, ils ne peuvent pas s'occuper d'un enfant. De plus, avec notre société, un viol et les conséquences sont suffisamment traumatisantes pour une femme sans qu'on vienne lui ajouter un enfant. Certaines femmes peuvent assumer, d'autres non. Alors OUI au choix, NON à la criminalisation.

Merci encore une fois pour cet article plein de sagesse. La décision d'un avortement doit être mûrement réfléchie (par rapport à la religion et aux valeurs de chacune) et l'acte accompli selon des conditions précises, mais il se doit d'exister légalement. Notre pays laisse des vides juridiques dans de nombreux domaines, qui sont compensés par l'hypocrisie d'actes clandestins qui peuvent finir en drames. Une bonne partie des avortements clandestins se pratique sur des femmes mariées, donc non concernées par la loi actuelle. Puisque dans tous les cas il y aura interruption de grossesse, il faut réformer les structures sanitaires afin de veiller à ce que la femme puisse vivre sa grossesse ou non-grossesse en toute sécurité et confidentialité. Et ce y compris dans le monde rural. La route est encore longue.

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