Il est peut-être mal venu de parler d’avortement en ce mois de Ramadan. Pourtant c’est durant ce mois que la conscience prend le temps de la réflexion, de l’examen critique et de la remise en question. C’est le temps de la sagesse et de la recherche de la spiritualité. Ce qui permet à l’individu d’atteindre humilité et raison, de s’approcher de la justice envers lui-même et envers les autres.
Le fait de jeûner est l’occasion de refaire connaissance avec les valeurs du sacré et du respect. Une façon d’être au monde, de vivre ensemble et de construire et consolider une société de justice et de tolérance, une société qui ne permet plus que des enfants, parce que non désirés, mal nés, soient jetés dans la rue.
L’Irlande catholique vient de voter par référendum à plus de 60% un texte autorisant l’avortement. Il est l’un des derniers pays européens à affronter la religion sur un thème extrêmement délicat car nombre de croyants catholiques considèrent sincèrement qu’avorter c’est commettre un crime. Le débat est le même, quelle que soit la religion. Mais il est des situations où l’avortement s’impose comme la solution afin d’éviter des drames encore plus grands. La question de faire une distinction entre infanticide et interruption de grossesse a préoccupé les philosophes depuis toujours. Ainsi Aristote jugeait «admissible» le fait d’avorter («Politique VII», 14).
L’islam est une religion de justice. Le Code pénal marocain permet quelque amendement. Le Conseil de gouvernement du 9 juin 2016 avait adopté un amendement autorisant des femmes d’avorter dans certains cas.
L’Association de lutte contre l’avortement clandestin ne baisse pas les bras. Tant de morts, tant de drames dans une clandestinité sordide, dans des lieux insalubres et des mains hésitantes parce qu'incompétentes. La religion n’a jamais accepté ou toléré que des êtres humains soient dans l’obligation d’avoir recours à des charlatans pour sauver l’honneur d’une vie.
Des femmes peuvent avorter en cas de viol, d’inceste ou de malformation du fœtus. Mais les démarches sont longues et complexes. Une femme violée ou ayant eu un rapport avec un frère, un père ou un oncle n’ose pas en parler et réclamer le droit d’interrompre cette grossesse du malheur. La honte la submerge et la condamne à l’exclusion et parfois à la mort. La honte et la peur, la honte et le regard des autres, comme si ceux-là ne seront jamais concernés par ce genre de catastrophe. Certaines associations de la société civile interviennent, mais que dire des paysannes isolées dans les montagnes, loin de tout, ne pouvant parler à personne ni se confier à quelqu’un de confiance?
J’ai lu une enquête où il est affirmé que tous les jours 150 bébés sont abandonnés au Maroc. C’est énorme. Autant de destins voués au malheur.Ce seront des enfants de rue, des êtres privés d’enfance et d’innocence. Ils seront jetés dans la rue avec tout ce que cela implique dans un pays où la pauvreté fait des ravages et pousse certains à accentuer le mal et à profiter de cette enfance abandonnée et sans aucune protection.
Il faut en finir avec la clandestinité qui aboutit souvent à la mort de la mère ou de l’enfant ou des deux, en finir avec les charlatans et exploiteurs de la misère humaine. Il faut ensuite autoriser l’interruption de grossesse dans des conditions médicales et de bonne hygiène.
La Tunisie, décidément toujours en avance sur les autres pays arabes, a autorisé, bien avant la France, l’avortement en 1973! Le Maroc pourrait bousculer certains dogmes et préjugés et mettre fin à cette situation absurde qui ajoute à la pauvreté et au désarroi de nouveaux malheurs.