Hygiène

Famille Ben Jelloun

ChroniqueJe n’ose imaginer les dégâts sur tous les plans, si un jour, par malheur, de ces lieux négligés et de ces animaux dits «beldi», sort un de ces virus qui sont capables de bloquer tout un continent.

Le 27/01/2020 à 11h03

En lisant un reportage, publié par le New York Times, bien documenté et assez illustré sur les marchés de poissons et de volailles en Chine, j’ai tout de suite pensé à nos marchés informels en plein air. Le coronavirus, le méchant virus qui inquiète la planète en ce moment, est sorti d’un de ces marchés où le manque d’hygiène est tel qu’il frise l’inconscience.

Le Maroc a pris des dispositions au cas où un voyageur revenant de Chine serait infecté. Mais en dehors de cette vigilance normale, il est urgent de veiller de manière rigoureuse à l’état de l’hygiène dans ces souks où des paysans vendent des coqs et poulets vivants, les égorgent devant vous, laissant le sang versé sécher tranquillement par terre. Parfois des poulets malades sont mélangés avec d’autres en bon état. Aucun vétérinaire ne s’est penché sur ces bestiaux qu’on appelle «beldi». On fait confiance et on se dit même que c’est bien de consommer «bio».

Je me suis toujours offusqué en entendant des touristes faire l’éloge de ces cabanes ou boutiques où on sert à manger; là on risque l’intoxication ou pire, attraper un de ces virus qui se baladent de par le monde.

Je sais que certains lieux de restauration rapide ont été fermés. D’autres échappent à la surveillance de la police et des contrôleurs sanitaires.Que ce soit sur des grandes places ou le long de la route, la nourriture présentée l’est souvent dans des conditions d’hygiène pas très rassurantes.

Cet aspect folklorique est dangereux. Je ne cherche pas à priver des commerçants de leurs biens, mais il est intolérable que les responsables de la santé publique laissent faire et n’imposent pas des règles de propreté minimales.

J’ai évoqué l’autre jour les immondices qui s’amoncellent dans les coins de rue, parfois sur les trottoirs de Marrakech. Cette ville n’a pas ce monopole. Presque toutes les villes marocaines ont des problèmes avec le ramassage des poubelles. J’ai vu des poubelles qui débordent, d’autres renversées par les chats. Le sol est jonché d’ordures et on ne fait rien.

On n’a pas encore pensé à trier les ordures comme cela se fait dans la plupart des pays européens. Non seulement, le tri aboutit à de la récupération, notamment pour ce qui est du papier et du verre, mais il aide à la diminution de la pollution.

Au Japon, chaque immeuble est doté de trois grandes poubelles de couleurs différentes et personne n’ose jeter les ordures sans les avoir triées auparavant. C’est devenu un réflexe quotidien.

Le Maroc a interdit (bien avant des pays d’Europe) l’utilisation du plastique. «Zéro mika» a bien fonctionné. Cela veut dire que le citoyen est prêt à respecter l’environnement si on lui montre comment et qu’on lui procure les poubelles adéquates pour chaque genre d’immondice.

Il serait sain et urgent d’enclencher une campagne pour l’hygiène publique. Que les mairies, les communes, les municipalités, les wilayas, bref tout ce qui représente le pouvoir et l’autorité, se mettent d’accord pour faire cette campagne. C’est une question de volonté et de pédagogie.

Je n’ose imaginer les dégâts sur tous les plans, si un jour, par malheur, de ces lieux négligés et de ces animaux dits «beldi», sort un de ces virus qui sont capables de bloquer tout un continent.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 27/01/2020 à 11h03