Le «feu de paille almoravide». Cette expression due à Gabriel Camps illustre une réalité qui est la rapidité à la fois de l’expansion et de l’effondrement des Almoravides.
Vers 1039-1049, dans l’extrême Ouest saharien, nomadisaient les Guddala (ou Djoddala), les Lamtuna (ou Lemtuna) et les Massufa, trois tribus berbères Sanhaja. Vers 1035, l’émir des Guddala, Yahia ben Ibrahim, fit le pèlerinage de La Mecque, et à Kairouan, sur le chemin du retour, il rencontra un pieux musulman du nom d’Abd Allah ben Yacin, originaire de la région de Sijilmassa, dans le Sud marocain.
Les deux hommes décidèrent de fonder, avec deux chefs lamtuna et sept notables guddala, une petite communauté religieuse (ou ribat) et guerrière. Comme ils portaient le voile, le litham, qui dissimulait la partie inférieure de leur visage, alors qu’une autre pièce d’étoffe leur couvrait la tête jusqu’au-dessus des yeux, ils furent désignés sous le nom de moulathimoun, c'est-à-dire les «Voilés», d’où le nom Almoravide.
Ces guerriers gagnèrent rapidement une réputation d’invincibilité. De fait, il ne leur fallut qu’une dizaine d’années, de 1042 à 1052, pour conquérir le Sahara occidental.
En 1056, conduits par Abou Bakr, un Lamtuna, ils s’emparèrent de toute la région du Tafilalet et de la ville de Sijilmassa, puis ils marchèrent vers l’Ouest atlantique. Bientôt, la puissance almoravide maîtrisa tout l’espace s’étendant du Sénégal au nord du Maroc.
En 1070, les Almoravides installèrent leur capitale à Marrakech et la même année, en raison d’un soulèvement de certaines tribus sahariennes, Abou Bakr retourna au désert, laissant à un cousin, Youssef ben Tachfin, le commandement des conquêtes du Nord. En 1072, il revint au Maroc avant de retourner définitivement vers le Sud où, en 1076, il conquit le Ghana.
Au même moment, dans Al-Andalus, où rien ne semblait pouvoir arrêter la reconquista chrétienne, il fut décidé de faire appel aux Almoravides. Au mois de juin 1086, les «Voilés» répondirent favorablement et en octobre 1086, les armées chrétiennes étaient battues. Le fondateur de la puissance almoravide, Youssef ben Tachfin, régna alors du Tage au Sénégal sur l’«Empire marocain des deux rives».
Composite, l’empire almoravide se trouva cependant très vite confronté à l’hostilité grandissante des populations rassemblées sous son autorité. L’Andalousie musulmane, riche et raffinée, supporta en effet mal la domination de ces Berbères sahariens puritains. Quant aux Berbères de l’Atlas marocain, jamais réellement soumis, ils allaient bientôt se soulever contre eux.
La désintégration se fit en effet à la fois dans Al-Andalus et au Maroc. En quelques décennies, l’élan irrésistible qui avait conduit les Almoravides du désert jusqu’aux pieds des Pyrénées se relâcha, nombre de féodaux andalous qui ne supportaient plus le pouvoir des Almoravides n’hésitant pas à se rapprocher des princes chrétiens.
Le puritanisme religieux imposé à une Andalousie nostalgique de la culture raffinée du califat omeyyade se faisait de plus en plus pesant.
Les choses commencèrent à mal tourner pour les Almoravides quand, à partir de 1115, le roi d'Aragon, Alphonse Ier le Batailleur, aidé par de nombreux chevaliers français, multiplia les attaques contre les positions de l'Ebre et, le 1er décembre 1118, il parvint à faire capituler Saragosse, position avancée de l'islam au sud de l'Europe depuis plusieurs siècles. Au cours des mois suivants, le roi d'Aragon poussa son avantage vers le Sud.
A la fin de l'été 1125, Alphonse Ier le Batailleur lança un raid de plusieurs mois en terre musulmane. Les territoires de Valence, de Dénia et de Grenade furent ravagés et le 9 mars 1126, à Lucena, l'armée almoravide fut défaite par les Aragonais et les Français. Puis, Alphonse atteignit Malaga et mit le siège devant Grenade, quand une épidémie l'obligea à repartir vers le Nord.
L'empire almoravide était donc entré dans la phase de décomposition qui allait le conduire à sa chute.