Le nationalisme au Maroc: la construction doctrinale

L’Afrique réelle

ChroniqueLes nationalistes marocains diffusèrent le «Tarbouch watani», un couvre-chef inspiré de l'air du temps, insufflé par les mouvements indépendantistes de l'époque, ce qui leur attira la sympathie des artisans, car cette campagne prônait aussi le «boycott» des produits français. En 1933, ils créèrent la Fête du Trône.

Le 23/08/2022 à 16h53

La réaction marocaine au «Dahir berbère» fut structurée par les intellectuels. En 1932, fut ainsi créée à Paris la revue «Maghreb» à laquelle collaborèrent Français et Marocains, dénonçant la politique visant à dissoudre la Nation marocaine.

Le 4 août 1933, Mohammed Hassan Ouazzani fonda «L'Action du Peuple» qui parût à Fès, en français, car les journaux nationalistes en arabe étaient alors interdits. Les premiers journaux nationalistes en arabe parurent dans la zone espagnole, il s'agit du quotidien «Al Hayat» et de la revue «As Salam».

Ces publications touchaient un petit nombre de Marocains car, alors, beaucoup ne savaient pas lire. La propagande se fit donc par d'autres moyens, comme les cours du soir dans les mosquées, les affiches, les représentations théâtrales. Les nationalistes diffusèrent le «Tarbouch watani», un couvre-chef inspiré de l'air du temps, insufflé par les mouvements indépendantistes de l'époque, ce qui leur attira la sympathie des artisans car cette campagne prônait aussi le «boycott» des produits français. En 1933, ils créèrent la Fête du Trône.

En 1934, Allal El Fassi, fonda avec Mohammed Hassan Ouazzani, Omar ben Abdeljalil, Abdelaziz ben Driss, Ahmed Cherkaoui, Mohammed Diouri, Mohammed Ghazi, Boubeker Kadiri et Mohammed Mekki Naciri, le premier parti politique marocain, le Comité d'Action Marocain (CAM). En 1934 toujours, le journal «L'Action du Peuple» fut saisi, puis suspendu.

En 1936, en France, le Front populaire arriva au pouvoir. En février 1937, «L'Action du Peuple» fut autorisé à reparaître et au congrès de Rabat, le CAM demanda: l'égalité fiscale entre colons et fellahs, l'application du code français du travail pour les ouvriers marocains, ainsi que la protection des produits de l'artisanat.

En 1937, le CAM se scinda en deux courants animés l'un et l'autre par les personnalités les plus fortes du parti. C'est ainsi que Allal El Fassi, Ahmed Balafrej et Mohammed Lyazidi fondèrent le Parti national pour les réformes (Al Hizb al Watani li-Tahqiq al-Matalib) qui eut deux organes de presse, «L'Action du Peuple» en français et «Al Difaa» en arabe. Quant à Mohammed Hassan Ouazzani, il créa le Mouvement national, doté lui aussi de deux organes de presse, «L'Action populaire» en français et «Al Atlas», un hebdomadaire en langue arabe.

Au mois d’octobre 1937, des manifestations se déroulèrent à Fès et à Khémisset.

Leur organisateur, Allal El Fassi, fut arrêté et le Parti national dissous. Les autorités françaises demandèrent alors à Mohammed Hassan Ouazzani de se désolidariser de Allal El Fassi, ce qu'il refusa de faire. Tout au contraire, il se rendit à la Qaraouiyine, où il prononça un discours dans lequel il exprima sa solidarité avec les militants nationalistes emprisonnés.

Mohammed Hassan Ouazzani fut alors arrêté à son tour, puis interné dans le sud marocain, cependant que Allal El Fassi était déporté au Gabon. En zone espagnole, la situation fut différente car, au mois de décembre 1936, Abd al-Khaliq Torrès y fonda le PRN (Parti de la réforme nationale) avant d’être nommé ministre des biens Habous dans le gouvernement du général Franco, qui siégeait alors à Burgos.

La Seconde Guerre mondiale «gela» les revendications des nationalistes marocains.

Mais, dès 1944, sous l’impulsion du souverain, elles prirent une ampleur telle que ce fut une déferlante à laquelle Paris ne put s’opposer, comme nous le verrons dans ma prochaine chronique.

Par Bernard Lugan
Le 23/08/2022 à 16h53