Il y a deux semaines, le Salon du Cheval s’est tenu dans ma bonne ville d’El Jadida. On y a célébré cette partie du patrimoine marocain qui est liée aux arts équestres. On a pu y assister à des compétitions de haut niveau, des t’bourida et des spectacles captivants. Last but not least, un important volet culturel complétait la fête avec des expositions, des conférences et des débats.
Et puis l’Océan était là, tout près, le grondement des vagues se mêlant au hennissement des purs-sangs… Dans le cadre du tourisme intérieur, ce sont des dizaines de milliers de compatriotes qui devraient affluer chaque année vers la capitale des Doukkala pour prendre part à cet événement d’importance.
Vendredi, pendant le déjeuner, un visiteur belge (qui avait déposé une tranche de saumon sur son plat de couscous, créant ainsi une fusion gastronomique du pire aloi) me posa une question insolite:
- J’ai vu de jolies calèches, hier, à Marrakech. C’est très agréable à l’œil et très écologique… Mais est-ce qu’on y prend soin des chevaux?
J’avouai mon incompétence, tout en m’apprêtant à contrattaquer sur l’horreur gastronomique inventée par le compatriote de Tintin. Heureusement, un vétérinaire marocain qui se sustentait à la même table, intervint, évitant l’incident diplomatique, et répondit à ma place. Il s’avéra que ce monsieur menait justement un combat– que je ne qualifierai pas de donquichottesque– en faveur des chevaux de calèche, dans le cadre de la Spana (Société protectrice des animaux et de la nature).
«Un pôle équestre remplacerait les écuries ‘dépassées’ de l’ancienne médina. Il libérerait ainsi du foncier (avantage annexe) et, cerise sur le gâteau, il constituerait une attraction de haut niveau qui s’ajouterait à l’offre touristique de Marrakech.»
— Fouad Laroui
Cela fait au moins deux siècles que les calèches sont utilisées pour se déplacer dans la ville. Au cours des dernières décennies, c’est devenu une activité touristique: on se promène lentement le long des remparts ou dans la Palmeraie, voire en médina, et le visiteur amateur de poésie, balancé agréablement, ne peut manquer de murmurer «… la mer dont le sanglot faisait mon roulis doux»… Mais ça, c’est ce qu’on voit. Dans les faits, il y a surtout une soixantaine d’écuries insalubres implantées dans l’ancienne médina à proximité des habitations. Le vétérinaire leva le doigt:
- Attention à la pollution et aux zoonoses!
Le Belge reposa le morceau de saumon à la semoule qu’il s’apprêtait à dévorer, effrayé par ce mot– zoonose– qui semblait annoncer de grands malheurs. L’autre continua. Marrakech pourrait franchir un nouveau palier dans son offre touristique et résoudre en même temps tout un tas de problèmes liés à la présence de 148 calèches attelées par 600 chevaux. (Il connaissait vraiment son affaire.)
- En quoi faisant?
- En créant un pôle équestre!
Et de nous sortir de sa besace, en plein déjeuner, un dossier dont il tira un croquis détaillé du projet dont il rêvait. Il reprit:
- Ce pôle équestre remplacerait les écuries ‘dépassées’ de l’ancienne médina–, il libérerait ainsi du foncier (avantage annexe) et, cerise sur le gâteau, il constituerait une attraction de haut niveau qui s’ajouterait à l’offre touristique de Marrakech. Il permettrait également de rassembler en un même lieu des métiers traditionnels en danger d’extinction (sellerie, ferronnerie, maréchalerie…).
Se mêlant à la conversation, une dame nous révéla que les calèches de Marrakech sont soumises à un contrôle quotidien avec ‘permis de confiance’: l’état des véhicules et des chevaux est suivi, avec des puces électroniques et des numéros de série.
- Mais, ajouta-t-elle, votre idée de pôle équestre est excellente.
Nous approuvâmes tous bruyamment, y compris le Belge, et nous félicitâmes le docteur Hassan Lamrini– car tel était son nom– en l’assurant de notre soutien. Je termine donc en lançant à toutes les parties concernées: à quand ce pôle équestre à Marrakech? Les plans sont prêts. Il ne manque que la volonté politique, qu’elle soit municipale ou nationale.
Les chevaux attendent depuis longtemps. Qu’attendons-nous?





