Témoignage choc: Khadija, employée de maison, brise le silence sur l’ampleur des violences subies

Khadija, une travailleuse domestique, dénonce le calvaire de sa profession depuis le siège de l'Association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté. (S.Bouchrit/Le360)

Le 06/07/2025 à 08h33

VidéoUne employée de maison, Khadija, révèle les dures épreuves qu’elle subit en travaillant à Casablanca, où elle est soumise à toutes sortes d’abus, de l’humiliation à l’exploitation, en passant par le chantage sexuel.

À Casablanca, derrière les murs des maisons où elles travaillent dans l’ombre, de nombreuses travailleuses domestiques subissent des formes insidieuses de violence. Khadija, 40 ans, en fait partie. Elle a accepté de briser le silence en livrant un témoignage glaçant sur ce qu’elle endure au quotidien: mépris, harcèlement et parfois même chantage sexuel.

«À chaque fois que je commence un nouveau travail, je me retrouve confrontée à des demandes illégales. On me fait comprendre que si je veux garder mon emploi, je dois coucher avec le maître de maison», témoigne-t-elle. «Et ce genre de situation ne m’est pas arrivée qu’une seule fois, mais à plusieurs reprises.»

Khadija raconte comment, à la recherche d’un emploi, elle se voit régulièrement proposer des «rendez-vous» en dehors du cadre professionnel. «Tu veux retravailler chez moi? Alors viens prendre un café...», lui lancent certains hommes, profitant de sa précarité. «Même les concierges ou les cafetiers à qui tu demandes s’il y a du travail te disent: donne ton numéro, mais il faut que tu viennes chez moi d’abord ou qu’on sorte ensemble.»

Contre toute attente, la violence ne vient pas que des hommes. Certaines femmes participent elles aussi à ce système de domination. «Il y a des patronnes qui te traitent comme une moins que rien. Tu fais ton travail, tu t’appliques, mais elles te regardent avec mépris. Parfois, elles te demandent de changer d’uniforme pour ne pas que leur mari te voie dans une tenue trop près du corps, ou elles t’enferment dans une pièce quand leur mari est là. On n’est pas des êtres humains à leurs yeux, juste des mains pour faire le ménage», déplore Khadija.

Et cela va encore plus loin: «Si tu veux de l’argent halal, il faut que tu acceptes qu’on te harcèle. Sinon, tu n’as rien.»

Face à cette situation, certaines structures de la société civile tentent de réagir. L’association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté (ATEC) organise des rencontres de sensibilisation dans plusieurs villes du Maroc et met en place des cellules d’écoute et d’accompagnement psychologique pour les travailleuses domestiques.

Sur le terrain

«Nous croyons que le changement viendra du terrain. C’est pourquoi nous adoptons une approche de proximité avec ces femmes. Nous voulons qu’elles sachent quels sont leurs droits, ce qu’elles peuvent exiger et ce qu’elles peuvent refuser», explique une responsable de l’association.

ATEC milite également pour une réforme du Code du travail des employés de maison (loi 19-12), afin d’y intégrer explicitement le harcèlement sexuel comme une infraction passible de sanctions. En parallèle, l’association poursuit son plaidoyer autour de la loi 103-13 sur la lutte contre les violences faites aux femmes, encore peu connue des principales concernées.

Malgré ces efforts, le système reste profondément déséquilibré. Les mécanismes de protection sont encore trop faibles, les lois parfois inapplicables et les travailleuses elles-mêmes souvent privées d’information. Tant que ce déséquilibre perdurera, les Khadija du Maroc continueront d’avancer dans l’ombre, seules face à un système qui abuse de leur silence.

Par Achraf El Hassani et Said Bouchrit
Le 06/07/2025 à 08h33