Le Parquet général près la Cour d’appel de Casablanca a reçu les résultats définitifs de l’enquête menée par la Brigade nationale de la police judiciaire au sujet d’importants dysfonctionnements dans la gestion des marchés publics liés au programme d’urgence pour l’ducation nationale.
Ces faits remontent à l’époque du mandat d’Ahmed Akhchichen, ancien ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, indique le quotidien Al Akhbar dans son édition de ce mardi 17 juin.
Les investigations ont révélé une série de manquements graves dans la préparation et l’attribution des marchés publics et bons de commande.
Parmi les irrégularités recensées, figurent l’absence de procédures rigoureuses pour identifier les besoins réels en matériel pédagogique, la violation de plusieurs dispositions encadrant les marchés publics, notamment la non-publication des appels d’offres et des résultats, ainsi que l’atteinte aux principes de transparence et de libre concurrence.
L’enquête fait également état de collusions manifestes avec deux entreprises privilégiées à travers la mise en place de faux appels d’offres, la manipulation des spécifications techniques pour leur correspondre exclusivement, et la fragmentation des commandes afin d’échapper à la réglementation des marchés publics.
Dans certains cas, les prix des équipements ont été artificiellement gonflés d’un marché à l’autre, relate le quotidien.
Selon les éléments recueillis par Al Akhbar, ces deux sociétés auraient remporté plus de 80% des marchés relatifs à l’acquisition de matériel didactique, que ce soit individuellement ou en consortium.
Six académies régionales auraient à elles seules conclu 173 marchés et bons de commande, représentant près de 80% des dépenses engagées.
Face à l’ampleur de ces irrégularités, les autorités judiciaires ont réparti les dossiers selon la compétence territoriale des académies régionales concernées. Ainsi, les tribunaux spécialisés dans les crimes financiers de Rabat, Fès, Casablanca et Marrakech ont été saisis.
Les juridictions de Fès et Marrakech ont déjà statué sur les dossiers qui leur ont été confiés. L’enquête est terminée à Casablanca, tandis qu’elle se poursuit encore à Rabat, rapporte Al Akhbar.
Ce dossier a été initialement transmis au ministère public durant le mandat de Mohamed Abdennabaoui, ancien président du parquet, à la suite de la diffusion d’enregistrements audio compromettants d’une ex-directrice d’académie régionale.
Ces enregistrements ont servi de déclencheur à l’ouverture de multiples enquêtes à travers tout le Royaume.
Les constats de l’enquête judiciaire font écho aux conclusions d’un rapport d’évaluation de la Cour des comptes.
Ce rapport faisait état de défaillances systémiques dans l’exécution budgétaire et le suivi des projets, pointant une mauvaise utilisation de plus de 43 milliards de dirhams alloués.
Le Conseil avait souligné l’approximation des données financières du programme, notamment les écarts entre les engagements (35 milliards de dirhams) et les paiements effectivement réalisés (25,15 milliards), soit un taux d’exécution global bien en deçà de la moyenne des autres budgets sectoriels.
Il a également été constaté que les capacités de gestion des académies étaient largement insuffisantes, tant sur le plan administratif que comptable, et que l’absence d’un système de suivi rigoureux avait empêché toute évaluation globale de l’impact du programme.
Parmi les dix projets pédagogiques inclus dans le programme d’urgence, auxquels environ 12 milliards de dirhams avaient été alloués, plusieurs n’ont pas été menés à leur terme.
Les objectifs en matière de réforme des programmes scolaires, de soutien linguistique, de mise en place d’un système d’orientation performant et d’amélioration des approches pédagogiques n’ont pas été atteints.
Certains projets ont même été abandonnés en cours d’exécution, faute d’une vision intégrée et cohérente de cette réforme, écrit-on.