Profession: mendiant!

Mouna Hachim.

ChroniqueLes légendes urbaines se sont emparées des revenus quotidiens de certains pseudo-nécessiteux, pendant que les vrais pauvres se refusent avec dignité à tendre la main…

Le 13/04/2024 à 12h01

Ils occupent tous les espaces publics, ronds-points, marchés, portes de mosquées, de banques ou de pâtisseries… et investissent même les réseaux sociaux, pour les plus modernes d’entre eux, avec des techniques et des répertoires sans cesse réinventés!

Ils professent de manière stationnaire ou ambulante, saisonnière ou permanente, en solo ou en «gangs» organisés, jouent sur la fibre attendrissante ou tentent la pression psychologique, voire l’agressivité.

Toute l’année se transforme en «awacher» avec, comme pic de la haute saison, le mois de ramadan, dévoué fondamentalement au jeûne et aux œuvres de charité.

D’après des statistiques présentées comme officielles et circulant dans les médias d’ici et d’ailleurs depuis l’année 2018, ils seraient quelque 195.000 mendiants faisant détenir par le Maroc un palmarès peu glorieux, en tête du podium des pays arabes, suivi par l’Égypte avec 41.000 mendiants.

On imagine sans peine les répercussions d’un tel fléau sur la sérénité de la circulation dans la voie publique pour le citoyen lambda, culpabilisé injustement et harcelé de toutes parts du matin au soir, en plus de l’impact sur l’image d’un pays à forte vocation touristique, particulièrement à l’approche de la Coupe du Monde.

Personne ne peut nier la dureté des conditions de vie, les situations de handicap et le poids de la pauvreté, mais celle-ci n’explique pas à elle seule un phénomène en essor fulgurant revêtant toutes les apparences d’une profession lucrative organisée.

C’est d’autant plus grave qu’on assiste, au vu et au su de tout le monde, à l’exploitation des enfants et même de nourrissons appartenant à on ne sait qui et endormis par on ne sait quels moyens, interrogeant sur la nature des autres trafics qui se cachent derrière (traite d’êtres humains, abus de confiance, drogue, prostitution…) et interpellant quant au rôle des pouvoirs publics et des institutions de protection sociale.

S’il est impératif d’investir davantage dans la prévention de la précarité et dans la prise en charge sociale à travers les centres dédiés, il est également urgent de sévir en usant de l’arsenal juridique existant.

L’article 326 du Code pénal marocain est clair: «Est puni de l’emprisonnement d’un à six mois quiconque, ayant des moyens de subsistance ou étant en mesure de se les procurer par le travail ou toute autre manière licite, se livre habituellement à la mendicité en quelque lieu que ce soit».

Même du point de vue du droit islamique, la mendicité est loin d’être bien considérée si la personne est en mesure de subvenir à ses besoins; tandis que l’aumône facultative (la sadaqa) est érigée en grande vertu purificatrice de l’âme, et la zakat instaurée comme un droit sur les biens et troisième pilier de l’islam.

Un Hadith rapporté par Mouslim et par Boukhari affirme dans ce qui est devenu une sentence populaire: «La main qui donne vaut mieux que celle qui reçoit».

Sur le plan culturel, l’image du mendiant, dans la véritable acception du terme, est associée à notre sort à tous de quémandeurs devant le Grand Pourvoyeur.

Des ordres mystiques avaient même adopté la mendicité comme moyen d’existence et comme chemin idéal pour accéder au sublime. Tel est le cas de la confrérie des Heddawa dont le fondateur, Sidi Heddi, avait renoncé à tous les biens de ce monde et à l’aisance familiale pour goûter aux joies mystiques du dépouillement.

Voici, à ce titre, l’essentiel de l’enseignement Heddaoui, tel que recommandé par le cheikh à ses disciples: «Mangez ce que vous avez dans la poche! Dieu vous apportera ce qu’il a dans l’inconnu. Ne thésaurisez pas ni ne vous affligez; vous ne conserverez plus d’un dirham sur vous!»

Mais les temps ont bien changé depuis les spiritualités des mendiants-errants et leurs renonciations aux désirs de possession! Comme tout ce qui brille n’est pas or, tout ce qui mendigote n’est pas misère.

Les légendes urbaines se sont emparées des revenus quotidiens de certains pseudo-nécessiteux et de leurs gains substantiels, considérés comme supérieurs parfois à ceux d’authentiques travailleurs, alors que les vrais pauvres se refusent avec dignité à tendre la main.

On se souvient tous de l’histoire de cette mendiante de la région d’Agadir et d’Aït Ourir qui avait défrayé la chronique en 2021 avec son riche patrimoine qui ferait pâlir d’envie ses généreux donateurs, en plus de son 4X4 portant le sigle d’une Allemande de grand luxe qui lui servait de moyen de locomotion.

De plus en plus conscients des effets pervers d’une charité mal dirigée, les mentalités paraissent mûres pour un changement alors que le phénomène semblait impossible à éradiquer.

Pour preuve: les résultats d’une consultation citoyenne lancée, via sa plateforme digitale, par le Conseil économique, social et environnemental, rendus publics le 20 mars dans le cadre de l’élaboration d’un avis sur «la pratique de la mendicité au Maroc», montrant que 70% des participants à la consultation soutiennent la prévention de ce phénomène.

Autre fait révélateur: le succès retentissant de la série «Jouj Wjouh», diffusée sur 2M durant le mois de Ramadan et explorant les faces cachées de la «profession», avec pour conséquence surprenante la sortie révoltée de plusieurs mendiants sur les réseaux sociaux, pestant et tempêtant contre l’actrice principale, accusée de les avoir privés de l’habituelle et nécessaire compassion.

On ne va pas se plaindre, pour notre part, que les médias publics assument leur rôle, en attendant d’autres productions et des illustrations sur le terrain valorisant le travail et bannissant toute forme de parasitisme.

C’est le dramaturge et romancier Georges Courteline qui avait écrit à ce propos, dans son «Messieurs les ronds-de-cuir» : «L’homme qui, sciemment, froidement, accepte la rétribution de fonctions qu’il n’a pas remplies est un mendiant de la plus basse espèce».

Par Mouna Hachim
Le 13/04/2024 à 12h01

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Les vrais faux mendiants c est les députés et fonctionnaires !!!

Le mendiant est un vrai professionnel de l'escroquerie: il manipule les individus en feignant la pauvreté, il vole l'état en ésquivant les impôts. C'est aussi un polluant visuel avec ses habits sales,son air de handicapé; un polluant sonore en matraquant l'ouïe avec ses paroles de victime de la société.

Bravo pour cet article d'agréable lecture qui fait le tour de ce fleau qu'est la mendicité, avec pertinence et art ! Un travail d'orfèvre. Encore bravo Mouna. !🌹🌹

De tous ceux qui tendent la main il y a peut-être 1% qui sont des faux mendiants. Le autres sont des vrais nécessiteux, qui pour survivre n’ont d’autres choix que de tendre la main. Les raisons qui les poussent à la mendicité sont énormes et s’étendent des handicapes aux maladies chroniques. Presque tous sans couverture médicale et sans assistances financières, leurs seul moyen de subsistance est mendicité. Interdire la mendicité, sans solutions pour éradiquer la pauvreté, n’est qu’une opération esthétique pour plaire aux touristes.

C'est à l'Etat de faire des campagnes mediatiques ( télévisions, reseaux sociaux, radio et presse ) et surtout via les imams et les morchidates pour inciter les citoyens à ne plus donner du tout dans la rue. En revanche, il faut encourager à la vraie solidarité pour donner la fitra et la zakat à des ONG qui font un travail de reinsertion et d'education pour aider à l'autonomie des vrais pauvres. On connait tous l'adage " donne moi un poisson, je mangerai un jour. Apprend moi à pêcher, je mangerai tous les jours. En tout cas, le citoyen doit savoir que donner la pièce dans la rue n'est pas un acte de charité intelligent ni efficace. Solidarité oui. Charité non. Il faut tarir ce fleau humiliant pour tous à la source. La mendicité humilie le Maroc et ternit notre image.

Vous avez tout à fait raison, c'est réellement devenu un métier avec des entreprises ou gangs structurées qui comme vous le dites si bien ont des travailleurs mieux rémunérés que ceux à qui ils demandent l'aumône. Une action des autorités fera beaucoup de bien aux citoyens persécutés par ces mendiants et surtout à l'image du Maroc. Très bonne analyse.

Pour des raisons sociales on a toléré l'apparition puis le développement et la prolifération de trois phénomènes qui sont devenus aux fil des ans des monstres qui rongent notre société sans répit: les mendiants, les marchands ambulants et les gardiens de voitures.

Bonsoir H.BERNOUSSI. Dans votre sélection, on peut ajouter les corrompus qui sont des mendiants de la plus basse espèce. Cordialement.

Tout à fait ! On peut même élargir la liste aux : bidonvilles et constructions anarchiques.

ajoutons à cette catégorie des professionnels de l'"extorsion" habillé en attendrissement des âmes, nos chers gilets jaunes qui envahissent nos rues. un véritable fléau qui finira tôt ou tard par dégénérer tellement les citoyens n'en peuvent plus de ces rentiers qui ne veulent fournir aucun effort pour gagner leur vie.

Tous les marocains ou presque, s'accordent que la mendicité au Maroc est une véritable profession lucrative, mais tous ou presque donnent une pièce ou plus de temps à autre aux mendiants rencontrés. Est ce par oubli, ou bien ils cèdent au stratagèmes toujours plus convaincants.

Il y a quelques minutes, je me suis arrêtée pour quelques secondes pour acheter du pain dans une supérette de mon quartier, alors je fus abordée par une adolescente très bien habillée (jean serré, baskets et casquette..), tenant dans ses bras un nourrisson. Comme j’ai décidé depuis très longtemps de ne pas encourager ces pratiques de mendicité, j’ai passé mon chemin, tandis que cette quasi adolescente m'a poursuivi de ses imprécations. En général. je préfère donner un bon pourboire aux gens qui travaillent (serveurs, aides boulangers, pompiste, ..) Et ce à titre d’encouragement.

j'étais gamin je me rendais au Maroc, je remarquais dans les rues de Casa années 60 un petit groupe e 3 personnes tout au plus et qui "quémandaient en cœur accompagnés du son de genbri , ils ne se faisaient pas collants comme nos jours a vous mettre en situation de coupable. En 1984 Brd M. V un mendiant me sollicitait avec avec insistance, en manque de monnaie me sentant coupable, j'ai opté pour l'alternative de lui offrir ma montre en le lui signifiant, il m’arrêta net en disant : Jib el flouss adik el magana kayenne fessoug bel qanatir". Le comble, c'est qu'ils prolifèrent même en Europe, surtout au féminin avec des écriteaux en carton mentionnant en arabe "dieu est grand". Ce n'est pas une profession mais une corporation disparate telle une toile d'araignée inventive

Emprisonner des pauvres est le pire des crimes . Non . Même Pais a ses SDF . De grâce arrêtons de condamner aux géhennes tout ce qui ne ressemble pas à l'élite économique ou intellectuelle Ce qu'il faudrait c'est que les Communea et les régions prennent leurs responsabilités Avec vous deja entendu parler d'un Président de Région ? Que font les Présidents des Communes sur le plan social et sur le plan du développement local . Zéro

Salam Mouna Hachim, Les mendiants seraient si misérables qu'ils en arrivent à une prise de conscience collective pour manifester un mécontentement sur les réseaux sociaux ? C'est révoltant ! À quand le corporatisme ou un syndicat revendiquant les intérêts de la profession de mendiants ? Vous avez le courage de dénoncer des pratiques abusives,et injustes, invitant les Marocains à ne pas culpabiliser injustement devant ce que j'appellerais des... méfaits ! Chokrane !🌹

Merci Mouna pour cette chronique édifiante. Malheureusement, le chiffre de 195,000 mendiants ne reflète pas toute la vérité lorsqu’on y ajoute toutes les autres formes de mendicité déguisée. Dans ce chapitre, j’inclus les gardiens de voitures qui se comptent pas dizaines de milliers à travers tout le pays. Que font-ils exactement pour mériter l’argent qu’ils gagnent? Absolument rien. Même dans le cas où votre voiture subit un dommage, ils trouveront une excuse pour se dérober de leur responsabilité. Souvent, ils n’ont rien vu parce que quelqu’un leur avait demandé de faire une course pour lui. Cela m’est arrivé a plusieurs reprises en personne. Aux gardiens de voitures, il faut aussi ajouter les cireurs de chaussures qui se transforment facilement en mendiants en temps de crise.

En France je me rappelle avoir entendu à la gare de Strasbourg un appel aux citoyens " la mendicité est interdite, ne l'encouragez pas ! " ... Chez-nous il est triste de constater que la mendicité est devenue une activité normale pratiquée sans gêne et souvent considérée comme une activité commerciale pratiquée par des jeunes des vieux et des enfants !??? ... La Mendicité avec des ENFANTS doit être INTERDITE IMMÉDIATEMENT ! Pour le reste une Police Spéciale doit faire des Enquêtes et Sévir !!! Merci

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