Le Royaume du Maroc amorce un virage stratégique dans sa politique d’importation de bétail, avec une attention particulière accordée à la reconstitution du cheptel national.
C’est ce que révèle un récent rapport de la Commission européenne, repris par le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition du mardi 10 juin.
Le document met en lumière une hausse spectaculaire des importations marocaines de moutons en provenance de l’Union européenne depuis le début de l’année 2025.
Le Royaume du Maroc a absorbé à lui seul 80% des exportations ovines européennes durant les deux premiers mois de l’année.
Entre janvier et février, ce sont ainsi près de 113.000 têtes de moutons européens qui ont été importées au Royaume.
Un point notable: ces animaux ne sont pas destinés à l’abattage, mais bien à l’engraissement et à la reproduction, note le quotidien.
«Ce choix stratégique s’inscrit dans une volonté claire des autorités de renforcer durablement le cheptel national, après plusieurs années marquées par des sécheresses successives et une pression croissante sur les ressources fourragères», écrit-on.
En parallèle, les importations de bétail à des fins d’abattage ont connu une baisse significative.
Elles ont reculé de 14%, tandis que les volumes des cargaisons destinées au marché marocain ont chuté de 70%.
L’Espagne reste le principal fournisseur du Royaume en ovins au sein de l’Union européenne, suivie par la Roumanie et le Portugal.
Hors UE, l’Australie joue un rôle croissant dans ce secteur.
Cette stratégie d’importation s’inscrit dans un programme plus large de reconstitution du cheptel, impulsé par les hautes orientations royales.
Le ministre de l’Agriculture, Ahmed El Bouari, a récemment détaillé les contours d’un vaste plan de soutien en faveur des éleveurs.
L’objectif est double: soulager les petits éleveurs lourdement endettés et encourager la conservation et la reproduction du cheptel.
Le programme prévoit l’annulation de dettes pour environ 50.000 éleveurs, pour un coût total estimé à 700 millions de dirhams pris en charge par l’État marocain.
Concrètement, 50% du capital et des intérêts seront annulés pour les dettes inférieures à 100.000 dirhams, une mesure qui bénéficiera à environ 75% des éleveurs.
Pour les dettes comprises entre 100.000 et 200.000 dirhams, 25% du montant sera effacé, touchant près de 11% des éleveurs.
En parallèle, un rééchelonnement des dettes plus importantes est prévu, avec exonération des intérêts de retard pour les prêts dépassant les 200.000 dirhams.
Le plan inclut également des subventions pour les aliments du bétail, une ressource devenue précieuse face à la volatilité climatique et aux tensions sur les marchés agricoles.
Pour garantir l’efficacité de ce plan, le ministère de l’Agriculture a lancé une campagne de traçabilité avec le marquage systématique des femelles ovines et caprines.
Cette démarche vise à faciliter l’application de l’interdiction de l’abattage des femelles reproductrices, mesure jugée cruciale pour reconstituer le cheptel national.
L’objectif est de porter le nombre de femelles ovines et caprines à plus de 8 millions d’ici mai 2026.
En complément, l’État marocain prévoit d’octroyer une aide directe de 400 dirhams par tête de femelle identifiée et conservée, afin de compenser les charges supplémentaires supportées par les éleveurs, et de les inciter à maintenir leurs bêtes.