Partout, absolument partout, des emballages, des bouteilles en plastique, des couches, des restes de repas… Chaque été, marcher sur la plage devient un calvaire, ou plutôt un parcours du combattant jalonné d’obstacles qui témoignent de ce qu’ont mangé les plagistes tout au long de la journée. Et Dieu sait qu’on aime manger! Un petit plongeon dans l’eau pour se rafraîchir en ces temps de canicule? Il faut vraiment crever de chaud pour oser faire trempette, eu égard à tout ce qui y flotte. Mais bon, on se dit que dans l’eau, ça ne sera pas pire que sur le sable, jusqu’à ce que, entre deux brasses coulées, on tombe nez à nez sur une serviette hygiénique. Les plages de Mohammedia, naguère la ville des fleurs, croulent sous la saleté à l’heure où le coucher de soleil offre son plus beau spectacle.
Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez nous? On trouve un élément de réponse à cette question rhétorique en jetant un œil du côté des parkings qui jouxtent les plages. À l’emplacement de chaque voiture stationnée la journée durant, on retrouve le soir des bouteilles en plastique. Ainsi, on veille à bien se laver pour éliminer de notre peau le moindre grain de sable susceptible de salir l’habitacle de nos voitures. La propreté de notre véhicule prime sur la propreté de la ville, alors, pas question de s’encombrer avec ces bouteilles désormais vides et sans utilité. On les jette au sol sans sourciller et on invite nos rejetons à faire de même, envoyant par la même occasion valser les cours de tarbiya watanya et tarbiya islamiya dont on les a biberonnés toute l’année à l’école. On pourrait tout aussi bien les conserver, ces bouteilles, pour les jeter dans une poubelle sur notre chemin, mais non. On n’a pas envie de faire un tel «effort». Après tout, il y a des gens payés pour tout ramasser, non?
Face à cet élan d’incivisme que rien ne semble pouvoir contenir, les poubelles disposées (parfois) sur les plages débordent à vue d’œil. Elles pourraient être vidées plusieurs fois par jour, mais elles ne le sont pas. Aux premières heures du jour, quand la ville dort encore, les équipes de nettoyage sont à pied d’œuvre. Mais là encore, avec quels moyens? Il y a quelques jours, on assistait à un spectacle ubuesque: muni d’un seul sac plastique, un préposé au nettoyage des plages ramassait à mains nues ce que cet unique récipient pouvait contenir, pour ensuite aller le vider à côté de la poubelle la plus proche, laquelle avait littéralement disparu sous un tas d’ordures de plus d’un mètre de hauteur.
Faut-il n’en avoir rien à cirer des autres pour salir sans complexe ni honte un espace public qu’on partage avec tout le monde? Faut-il que les autorités de la ville n’aient absolument aucune vision stratégique pour augmenter le nombre de poubelles et renforcer les effectifs de collecte des ordures à des moments de haute fréquentation des plages?
Mais au fait, où est la police de l’environnement? On nous l’avait promise, pour la deuxième fois, quand le Maroc est entré en période de stress hydrique, afin de faire la chasse aux gaspilleurs d’eau et, aurait-on osé espérer, à ce type d’incivilités qui souillent nos rues. Mais, de cette police verte, on ne voit pas la couleur. Pourtant, le temps est venu d’appliquer ce qu’on pratique d’ailleurs: une loi intransigeante qui punit d’une amende les fauteurs de trouble. Nous savons bien que cela fonctionne. La preuve: ceux qui salissent au Maroc se gardent bien d’exporter leur comportement égoïste dès lors qu’ils séjournent dans des pays occidentaux où, à peine le pied posé, ils se transforment en citoyens civilisés, voire exemplaires.
L’amour du pays et le patriotisme, c’est bien, mais cela ne se limite pas à brandir un drapeau et à chanter l’hymne national.