Dans un épisode récemment diffusé, la célèbre émission documentaire «Zone interdite», sur la chaîne TV française M6, s’attaquait à la question de la surexposition des enfants français aux écrans. Et dans son enquête, l’émission révélait des données effarantes sur l’impact d’un usage immodéré des smartphones, tablettes et autres ordinateurs sur les enfants français. Qu’en est-il pour les enfants marocains? Dans cet entretien pour Le360, Ghita Alami, psychologue clinicienne et présidente de l’Association marocaine de psychologie, nous livre des éléments de réponse.
Une enquête diffusée sur M6 rapporte des chiffres effarants sur les heures passées par les enfants français devant les écrans. Qu’en est-il au Maroc?
À ma connaissance, au Maroc, nous ne disposons pas de chiffres sur l’exposition des enfants aux écrans. Cela étant, tout au long de ma carrière, j’ai rencontré plusieurs jeunes qui me décrivent à l’unanimité un minimum de 2 heures d’exposition pendant les jours de la semaine. Et de 6 à 10 heures durant le week-end.
En tant que psychologue clinicienne, avez-vous eu à travailler avec des enfants à qui il a suffi d’ôter les écrans (smartphone, tablette, ordinateur, télévision…) pour que leur développement se déclenche, ou se poursuive de manière normale?
J’ai rencontré plusieurs enfants âgés de moins de 6 ans qui présentaient divers retards. Des retards de langage, de motricité et de coordination. Et leur surexposition aux écrans y était pour quelque chose. Suite à une réorganisation de la dynamique familiale, et à l’interdiction d’accès aux écrans, les enfants ont repris une courbe d’évolution normale. C’est souvent assez spectaculaire, après seulement quelques mois, de percevoir à quel point ils ont pu progresser.
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Quels sont les symptômes d’une surexposition aux écrans chez les enfants, auxquels vous avez été confrontée?
Les symptômes diffèrent selon l’âge de l’enfant. Chez les tout petits, on peut percevoir des symptômes d’enfermement, de régression et de non-développement du langage, mais aussi de l’interaction. Certains enfants parlent de manière «télépathique», comme s’ils étaient dans un personnage de dessin animé. D’autres reproduisent sans les comprendre des sons qui n’ont pas de sens. À partir de 5 ans, on observe aussi un faible intérêt pour l’échange, la communication avec les pairs. À l’arrivée au CP, les enfants ont beaucoup de mal à se concentrer et à écrire, leur motricité étant peu développée et leur cerveau étant très habitué au zapping sur des écrans. Et cela peut durer des années, jusqu’à la fin du lycée.
Parfois, ces symptômes ressemblent à ceux de l’autisme. Comment peut-on faire la différence entre les deux durant un diagnostic médical?
L’autisme est un trouble du développement d’origine neurologique. Les enfants manifestent dès leur plus jeune âge des symptômes spécifiques, principalement un déficit très important des interactions sociales ou de la réciprocité émotionnelle. On observe aussi des mouvements répétitifs et stéréotypés, comme par exemple jouer pendant des heures avec le même objet, et répéter les mêmes allers-retours, et une intolérance aux changements d’habitudes. L’enfant peut par exemple faire une crise sévère et crier très fort si on change le chemin qu’il a l’habitude de prendre vers l’école.
Et enfin on retrouve, des intérêts très restreints et une hypersensibilité, voire une intolérance aux stimuli sensoriels comme le bruit. En cas de suspicion, il importe de consulter un neuropédiatre ou un pédopsychiatre. Plus tôt s’effectue la prise en charge, mieux l’enfant se développera.