La malbouffe gagne du terrain au Maroc

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueNos habitudes alimentaires sont bouleversées par la malbouffe, qui menace notre santé physique et mentale.

Le 15/11/2024 à 11h01

Le Maroc se distingue par elkhir, anna’ime (abondance), grâce à la générosité de son terroir. Fruits, légumes, céréales et légumineuses, riches, diversifiés et savoureux, ont toujours garanti l’équilibre alimentaire. Si ces aliments ne sont plus tout à fait naturels à cause des engrais, ils restent moins nocifs que les produits ultra-transformés.

La cuisine marocaine, avec ses multiples plats, ses dizaines de variétés de tajine, ses desserts, constitue une alimentation saine. De renommée internationale, classée deuxième dans le monde, elle est pourtant menacée.

La «malbouffe»: nourriture de qualité médiocre ou mauvaise, industrialisée, nuisible pour la santé. Des produits ultra-transformés, bourrés d’additifs chimiques, entre colorants, conservateurs, aromes artificiels, émulsifiants et exhausteurs de goût… Délicieux, car saturés de sucre, de sel et de graisse qui poussent à la consommation. Riches en calories, ils sont en revanche pauvres en nutriments essentiels pour la santé physique et mentale.

Pain industriel, pâtisserie, chips, biscuits, barres de céréales, bonbons, confiserie, boissons gazeuses, jus de fruits, yaourts sucrés et aromatisés, saucisses, nuggets, sauces, produits des snacks et des fast-foods… Ces aliments font prendre du poids et entraînent l’obésité. Au Maroc, près de la moitié de la population est en surpoids et une personne sur cinq est obèse.

L’obésité provoque plusieurs maladies graves. Les enfants et les jeunes sont les plus menacés: ils ne bougent plus à cause de l’addiction aux écrans, grignotent assis et mangent mal. Les parents cèdent facilement aux enfants qui réclament les aliments ultra-transformés. Les déjeuners dans les établissements scolaires et les livraisons à domicile facilitent leur consommation.

Un enfant doit manger équilibré et les parents doivent sévir, ce qui n’est pas le cas. Dans une cérémonie de mariage, j’ai vu un père faire livrer à sa fille adolescente un repas d’un fast-food célèbre. «La pauvre, elle déteste la cuisine marocaine!» J’étais scandalisée, surtout quand on connaît la diversité des aliments dans nos cérémonies.

La vie dans les villes impose de nouvelles habitudes. Le manque de temps, surtout quand la femme travaille à l’extérieur, encourage la consommation facile et rapide au lieu de cuisiner des aliments sains. Parfois, les prix accessibles encouragent les familles qui ne vérifient pas la qualité des aliments. La malbouffe a gagné même le monde rural où la consommation de yaourts, biscuits, boissons et autres devient courante.

Les horaires de travail favorisent la malbouffe. Les employés mangent dans les restaurants de leur entreprise ou dans les snacks. Les plus sages rapportent un repas fait à domicile, mais le lieu de travail possède rarement de local équipé pour leur consommation.

Avec la mondialisation, des chaînes de fast-food se sont installées au Maroc et ont impacté la gastronomie traditionnelle. Le marketing et la publicité agressifs conditionnent nos jeunes, citadins ou ruraux, via la télévision, les réseaux sociaux et les panneaux dans la rue.

«L’État devrait mener des campagnes de sensibilisation, initier une éducation nutritionnelle et surtout réguler la publicité des produits alimentaires nocifs.»

Les consommateurs s’exposent au risque de multiples maladies chroniques: diabète, maladies cardiovasculaires, certains cancers, cholestérol, pression artérielle, accidents vasculaires cérébraux… Au Maroc, le diabète touche 2,7 millions de personnes, dont 25.000 enfants. Plus de 2,2 millions sont pré-diabétiques, dans une phase intermédiaire qui, non traitée, fait basculer vers le diabète.

Enfants et jeunes, en pleine croissance, manquent de nutriments essentiels absents dans les aliments ultra-transformés: vitamines, minéraux et fibres, d’où des troubles digestifs comme la constipation, les ballonnements ou le syndrome du côlon irrité. Le système immunitaire faiblit et le sujet devient vulnérable aux maladies et aux infections.

La malbouffe provoque des dépressions, de l’angoisse, la baisse de la concentration à cause de l’absence des vitamines et des oméga, indispensables pour le bien-être mental. Sans oublier les dégâts du sucre sur les dents.

Consommés régulièrement, ces aliments provoquent de la fatigue et diminuent les performances physiques et mentales: le sucre contenu créé des pics d’énergie qui chutent brusquement, entraînant un épuisement.

La malbouffe est responsable de dérèglements hormonaux: elle perturbe le système hormonal, telles les hormones thyroïdiennes et les hormones sexuelles. La fertilité peut en pâtir. Enfin, la malbouffe est responsable du vieillissement prématuré de la peau. Un régime sans légumes et fruits frais prive la personne d’antioxydants qui protège la peau des radicaux libres, accélérateurs du vieillissement.

En résumé, la consommation régulière de malbouffe est dangereuse pour la santé physique et mentale.

Nous avons la chance, nous Marocains, d’observer les dérives alimentaires des pays développés qui nous devancent dans plusieurs domaines. Ces pays, qui ont inventé et développé les aliments ultra-transformés, tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme pour en stopper les dangers et revenir à une alimentation saine. De grandes campagnes de sensibilisation sont organisées pour réapprendre aux populations à manger des fruits, des légumes, des céréales…

Nous devons en tirer des leçons et éviter les mêmes dérives, en mangeant des aliments frais peu ou pas transformés, en essayant de cuisiner plus souvent pour savoir ce que l’on mange et en revalorisant notre art culinaire et nos habitudes alimentaires traditionnelles.

L’État devrait mener des campagnes de sensibilisation, initier une éducation nutritionnelle et surtout réguler la publicité des produits alimentaires nocifs. Il doit aussi taxer les produits gras et sucrés, à l’instar de ce qui est fait dans d’autres pays. Le tout pour protéger la population, et également parce que la malbouffe a un prix élevé, celui des frais des soins médicaux.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 15/11/2024 à 11h01

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

Merci vivement pour vos commentaires, toujours riches. Vous avez tout dit. Nous creusons nos tombes avec nos dents, Malheureusement. Les parents devaient être plus strictes avec leurs enfants, avec les menus des cantines également. Ces dernières années, les cas d'intoxication alimentaire se multiplie, causant également des décès. Ils y a très peu de contrôle et les associations des consommateurs ne sont ni suffisantes en nombre, ni efficaces. Bonne appétit en dégustant des mets de notre cuisine si équilibrée.. Très belle semaine

-Dis moi ce que tu manges je te dirais qui tu es...

Avec la malbouffe c'est à dire la peste, on a droit en plus au cholera puisque s'y ajoutent les montagnes de déchets générées par les emballages en plastique notamment. Observez les déchets pour un simple repas de fast food et vous êtes pris de vertige et de nausée face à cette pollution. Pire, dans nos cafés, on vous impose maintenant d'office une mini bouteille plastique à chaque commande de café. Multipliez les bouteilles par les millions de cafés servis chaque jours au Maroc et vous avec là une partie de l'immense folie et absurdité collective dans laquelle nous nous noyons. Et notre santé avec. Nos rues et nos campagnes sont jonchées de plastiques. Ayant pris la route nationale récemment entre Rabat et Tanger, j'ai vu sur 300 km des déchets plastiques des deux cotés de la route.

Il me semble que le problème au Maroc devient bien pire que dans les pays européens avec une alimentation saturée en sucres (pain blanc, viennoiseries,, jus de fruits industriels, sodas à tous les repas, gateaux et sucreries à toute heure, frites et fritures ..) sans parler des burgers, tacos et autres catastrophes alimentaires. C'est une catastrophe sanitaire à laquelle on assiste avec ses conséquences diabète, syndrome métabolique , complications cardiovasculaires etc . Il est temps de tirer la sonnette d'alarme et de mettre en place une agence qui prendra à bras le corps ce problème de santé publique.

Eh bien oui avec le nombre de femme qui quitte leur foyer pour travailler, le problème ne fait que s’aggraver. On critique les USA tout en emboîtant le pas derrière eux. Nous sommes coincés entre l’enclume et le marteau et les prix et la qualité des repas consommés vont de paire. Au lieu de s’affaisser devant les postes des téléviseurs’ il faut s’y mettre à cuisiner des repas les dimanches et les congeler pour s’en servir les jours de la semaine. Bien entendu, le problème ne se pose pas pour ceux qui se permettent des bonnes. Quant à l’obésité, ce problème n’est pas dû qu’à la mauvaise bouffe, mais il est, aussi, dû au aux mutations professionnelles et au manque de mobilité.

Tout à fait d'accord !

Bjr professeure!Que dire face à cette calamité de la malbouffe mondiale?Je dirai que c'est tout à fait normal.Car le manque de temps et la course après le fric obligent les gens à bouffer n'importe quoi.Ce qui est curieux c'est que les Occidents ont découvert les bienfaits de la cuisine marocaine alors que nos compatriotes n'ont découvert que la malbouffe occidentale.Il y a,bien sûr,une excellente cuisine occidentale saine et nutritive,mais la plupart s'orientent vers la mauvaise nourriture vantée par les publicités directes mais surtout le subliminales..Par exemple:ds un film,un jeune veut manger,inutile de préparer de quoi manger sainement,un fast est proche ou un simple appel et voici la bouffe tte prête.Ce comportement fictif se répéte des millions de fois mais réellement.Merci.B Wkd.

bonsoir les amies oui je constate un changement radical dans le mode de vie de mes frêres et sœurs marocains.Je précise que je vie en france et je vais souvent au Maroc pour la famille et me resourcer.Je suis choqué qu'au café le serveur me mette 4 sucres avec ma tasse de café, je vois des gens ne plus cuisiner à domicile car ils n'ont plus le temps et la femme travaille.Je vois des fast-food partout.Nous perdons notre belle cuisine marocaine alors pitié ne laissons pas tomber ce que nous envie le monde entier.Je vais en vacance au Maroc mais pour moi c'est hdess loubia tagine salade marocaine mais pas de tacos ou autres bombe calorique qui ne sert à rien.Investissez dans votre capital santé pour le futur et pour mieux vieillir en mettant toute les chance de votre coté mes amies.

Entièrement d'accord avec vous Madame ! C'est vraiment dommage pour notre pays ! Notre cuisine marocaine est délicieuse et variée. Ces fast-food que les parents commandent à leurs enfants au lieu de leur préparer de bons plats viande, poulet ou poisson aux légumes. Nos légumes sont bons et tbarkeAllah que de choix nous avons pour préparer des plats délicieux.

Sous couvert de modernité, nous singeons les pires vices alimentaires qui causent d'immenses ravages sanitaires. Ajoutons-y notre goût maladif pour tout ce qui est outrageusement sucré et nous avons là un des plus gros scandale de santé public dans l'indifference scandaleuse de nos autorités. Le Maroc ferait mieux de sensibiliser le public sur les gestes nutritionnels simples qui preservent la santé à fortiori dans un Maroc sous doté en medecins et hopitaux dignes de ce nom.

Comme pour plagier Hippocrate -je crois !-,la santé est dans l'assiette. Un grand chokrane pour cette sensibilisation destinée au plus grand nombre invitant à prendre soin de soi malgré le consumérisme ambiant,en malbouffe,ne pouvant jamais concurrencer la bonne cuisine de Mama en pouvoir vitaminiques dépassant toutes les succursales stériles aux goûts insipides et profits financiers désirés au détriment de la santé physique, mentale et autres? En somme,je vous souhaite d'avoir beaucoup d'argent..,et surtout la santé pour le dépensé !!!.. Sinon ?Mettre un morceau de viande entre deux morceaux de pain ne devrait pas être innovant pour un esprit Marocain invitant sa gastronomie à régaler les papilles gustatives du plus grand nombre.. Bref, comment cautionner la mal bouffe sans nostalgie?...

Un très bon article Madame. Un autre texte que j'ai lu dans un cabinet médicale dit que 10% de la population marocaine souffre du diabète. Ce chiffre est favorisé par les mariages endogènes. La solution existe et est très facile. En effet, il suffit de copier le régime des personnes qui dansent dans "Ahwach". Les septuagénaires sautent comme des enfants... Le médicament naturel de toute maladie est d'abord la nourriture. Hélas, le marché de l'agroalimentaire marocain est tenu par un égyptien (ref : le 360). Ce dernier écoulent par exemple la patate égyptienne. Le prix de marchandises européennes est le double de celui pratiqué en Europe (ref: Touristes). C'est absurde n'est pas? Enfin, quelque responsables ne voient pas loin et cherchent le gain à tout prix!

0/800