Une série de réformes sont attendues dans le milieu universitaire à partir de la prochaine rentrée. La feuille de route du ministère, cadrée par un décret qui a été approuvé lundi 24 juillet en Conseil de gouvernement, définit les déterminants de la nouvelle organisation pédagogique, tout en maintenant l’ingénierie pédagogique actuellement adoptée dans le système LMD, et sans changer la durée des différents cycles, à savoir 3 ans pour la licence, 2 ans pour le master et 3 ans pour le doctorat.
Plus précisément, cette réforme se base sur plusieurs principes fondamentaux. Tout d’abord, une révision des outputs du modèle pédagogique en partant des profils des lauréats qu’on souhaite avoir au niveau de chaque cycle est envisagée, en mettant l’accent sur les compétences essentielles à acquérir à chaque étape de la formation.
Au niveau de la licence, l’objectif est de doter les étudiants de compétences techniques, linguistiques et comportementales indispensables pour une intégration socioprofessionnelle réussie. Au master, l’accent est mis sur une formation spécialisée permettant aux diplômés de contribuer au renforcement de la compétitivité du tissu productif national. Quant au doctorat, le but est de former une nouvelle génération de chercheurs et d’enseignants-chercheurs, aux standards internationaux, capables de répondre aux priorités nationales en matière de recherche.
D’autre part, la réforme envisage de mettre en œuvre tous les mécanismes du modèle pédagogique LMD. Cela implique notamment l’instauration de passerelles entre filières et établissements de nature à permettre la réorientation de l’étudiant à travers le choix d’une autre filière au sein du même établissement ou dans un autre, tout en gardant les crédits validés. L’adoption du système de crédits (ECTS) lors de la validation des modules et des cycles est aussi envisagée.
La formation par alternance, la grande nouveauté de cette réforme
Cette réforme prévoit également la mise en place de normes pour favoriser la mobilité nationale et internationale des étudiants, de sorte que le système d’études et d’évaluation permet aux étudiants de poursuivre une partie de leur cursus dans des universités et des institutions autres que les leurs, avec la validation des acquis. La mise en place de différents modes d’enseignement, avec l’adoption de l’enseignement en présentiel, l’enseignement à distance et l’enseignement par alternance, est aussi parmi les grandes nouveautés proposées par ce décret.
La réforme envisage par ailleurs d’intégrer la possibilité de prendre en compte des activités parallèles dans le contenu de la formation de la filière, et ce, en leur attribuant des crédits à prendre en compte lors des délibérations de validation.
De plus, l’adoption d’annexes au diplôme est prévue, offrant ainsi une vision claire du parcours de formation de chaque étudiant, avec des informations détaillées sur les activités, les stages et/ou les travaux de recherche réalisés lors de la formation, ainsi que les certificats obtenus dans les langues, dans le digital et dans d’autres domaines. Ce qui facilite la poursuite des études supérieures et la mobilité aux niveaux national et international, et met en exergue les compétences et les qualifications nécessaires pour intégrer le marché d’emploi.
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Parmi les autres nouveautés proposées, figure la révision de l’offre de formation des établissements à accès ouvert. Il s’agit notamment de la révision et de l’actualisation du cycle licence et des troncs communs, inchangés depuis près de 20 ans, avec la création d’un tronc commun en informatique. De nouvelles filières du cycle licence verront également le jour afin de diversifier l’offre de formation et de mettre en œuvre les objectifs du PACT ESRI 2030 et des outputs des rencontres consultatives.
Création de centres d’excellence
Une des mesures phares de cette réforme est l’établissement de centres d’excellence. Cela permettra aux étudiants de réorienter leur parcours et améliorer les perspectives de leur insertion dans le marché de l’emploi. Ces centres formeront des diplômés hautement qualifiés dans des domaines stratégiques tels que l’intelligence artificielle, les sciences des données, les études stratégiques et diplomatiques, le droit appliqué, la durabilité et les énergies renouvelables, la sociologie, et bien d’autres.
Le ministère vise, par ailleurs, à lancer un nouveau cycle licence en éducation (CLE) pour former des enseignants de nouvelle génération conformément à une architecture pédagogique rénovée ainsi que des programmes contractuels de formation. En outre, des cycles de formation en anglais renforçant la place de cette langue en tant que langue d’enseignement seront lancés.
Un autre aspect important de cette vision est le renforcement des compétences horizontales, linguistiques et digitales des étudiants et la définition de niveaux de certification appropriés à chaque cycle avec l’obligation de la certification pour l’obtention des diplômes.
A ce titre, des formations seront fournies via les plateformes internationales de formation linguistique pour le renforcement des compétences permettant aux étudiants de maîtriser les langues étrangères, avec l’obligation de la certification du niveau de maîtrise linguistique pour chaque cycle et l’ouverture de modules et de cycles enseignés en anglais.
Des modules de formation digitalisés
Des modules de formation digitalisés seront, par ailleurs, mis en place pour améliorer les digital skills des étudiants, en particulier dans les domaines du digital et de l’intelligence artificielle. De plus, des modules de formation digitalisés dans les compétences transversales, élaborés en partenariat avec des experts et des acteurs spécialisés, seront mis en place.
Ces modules concernent des dimensions sociales importantes liées, entre autres, aux power et soft skills, ainsi que les compétences transversales se rapportant à la citoyenneté et au civisme, à l’histoire du Royaume et à son héritage culturel et artistique.
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En outre, des plateformes digitales seront créées pour le renforcement des compétences des étudiants, offrant un appui pédagogique de qualité et maximisant leurs chances de réussite académique. Celles-ci offriront des cours digitalisés dans le domaine de spécialité, des supports pédagogiques, ainsi que des questions, des tests, des travaux appliqués et des exercices corrigés.
Des espaces de coding «Code 212» seront aussi mis en place au niveau des universités offrant l’opportunité aux étudiants d’acquérir une double compétence certifiée. Ces centres sont basés sur une pédagogie active articulée autour de projets (Learning by Doing & Peer Learning), permettant ainsi d’acquérir des bases solides dans les métiers d’avenir dont le Maroc a besoin dans le domaine de l’économie numérique (digital, big data, robotique, objets connectés, intelligence artificielle…).
Quid du doctorat?
Afin de former une nouvelle génération de doctorants et de revitaliser le corps enseignant, la tutelle prévoit plusieurs changements majeurs. Il s’agit de la révision des normes scientifiques et pédagogiques du cycle doctoral dans le but de former une nouvelle génération de doctorants aux standards internationaux, ainsi que de constituer une pépinière des compétences capables de renouveler le corps des enseignants-chercheurs qui connaîtra de nombreux départs à la retraite dans les prochaines années.
Concrètement, cette réforme prévoit la révision des normes organisant le cycle du doctorat et les centres de formation de doctorat au sein des universités, en définissant des normes scientifiques supplémentaires, l’amélioration des critères de sélection pour l’accès au cycle, et la révision des cycles de formation doctorales et l’intégration de formations dans le domaine de l’innovation pédagogiques pour la préparation aux métiers de l’enseignement, tout en impliquant des doctorants dans des activités d’encadrement pédagogique et scientifique.
Des conditions de publication plus rigoureuses
Il est aussi question de définir les conditions de publication des travaux de recherche des doctorants, ainsi que les conditions de soutenance des thèses en insistant sur la qualité des dossiers scientifiques des membres du jury des soutenances, stipuler la certification obligatoire en langues étrangères et la formation en power skills, y compris les digital skills, et d’adopter la mobilité étudiante dans le cadre du co-encadrement des travaux de recherche avec des universités internationales ou avec des entreprises.
Les mesures prévues par cette réforme incluent la régulation des actions d’habilitation universitaire relatives aux enseignants-chercheurs et la création d’un nouveau diplôme universitaire (diplôme d’habilitation universitaire) délivré par les universités. Ce qui passera par la promotion de la sélectivité dans l’accès et l’avancement dans le métier d’enseignant-chercheur et la promotion des compétences des enseignants-chercheurs dans les domaines d’encadrement pédagogique et de production scientifique.
Entrée en vigueur progressive
Le système LMD sera maintenu. Il y aura, toutefois, quelques changements quant à la restriction de la dénomination du diplôme national «Licence» à toutes les filières accrédités du cycle licence (c’est-à-dire remplacer les appellations «la licence fondamentale» et «la licence professionnelle» par «Licence»), sauf en ce qui concerne la filière d’enseignement qui garde son appellation de «Licence en éducation» en raison de la spécificité de ses normes pédagogiques.
L’appellation du diplôme national «Master» sera aussi généralisée à toutes les filières accréditées du cycle master (c’est-à-dire remplacer l’appellation «Master spécialisé» par l’appellation «Master»).
Le calendrier de mise en œuvre des nouvelles dispositions pédagogiques est prévu sur trois années universitaire, avec une introduction progressive du nouveau système de licence, de master et de doctorat pour les nouveaux étudiants et ceux déjà inscrits.
Pour l’année universitaire 2023-2024, les premiers changements seront mis en place avec l’introduction du nouveau système de licence pour les étudiants nouvellement inscrits ainsi que pour ceux déjà en licence et n’ayant pas encore validé les premier et deuxième semestres. Le nouveau système de doctorat sera également instauré pour cette même période.
L’année universitaire 2024-2025 marquera une nouvelle étape dans la réforme, avec l’introduction du nouveau système de master pour les nouveaux étudiants. De plus, les étudiants en licence qui n’ont pas validé les troisième et quatrième semestres basculeront vers le nouveau système de licence, tout en bénéficiant de crédits pour les acquis déjà obtenus dans leur cursus.
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Enfin, pour l’année universitaire 2025-2026, les étudiants de licence n’ayant pas validé les cinquième et sixième semestres feront également la transition vers le nouveau système de licence, où leurs acquis seront à nouveau pris en compte sous forme de crédits.
Les nouveaux cahiers des normes pédagogiques pour bientôt
Les nouveaux cahiers des normes pédagogiques seront fixés par arrêté de l’autorité gouvernementale responsable de l’enseignement supérieur et publiées prochainement. Ces cahiers comprennent les déterminants supplémentaires de la nouvelle organisation pédagogique, dont notamment les conditions d’accès aux cycles, l’organisation des filières et la répartition des modules entre disciplinaires et tronc commun national, les modules de langues étrangères et les modules des power skills.
Les détails quant à l’obligation de création des passerelles, les modalités de comptabilisation des crédits (ECTS), les critères de validation des modules, des semestres et des cycles, la mobilité des étudiants, la comptabilisation des activités para-universitaires seront aussi fixés. Idem pour le niveau de maîtrise des langues étrangères et leur certification pour l’obtention du diplôme national relatif à chaque cycle, ainsi que toute autre norme pédagogique et scientifique .
Cette approche graduelle permettra une transition en douceur vers le nouveau cadre pédagogique, donnant aux étudiants la possibilité de tirer profit de leurs acquis antérieurs tout en bénéficiant des nouvelles opportunités offertes par la réforme.