Des cours de culture locale pour les Marocains du monde

Fouad Laroui.

ChroniqueIl envoya le message le sourire aux lèvres, s’imaginant déjà alangui dans une chaise longue sous une belle véranda, en train de siroter un cocktail en face de l’Océan tout en devisant agréablement avec Ilham.

Le 30/04/2025 à 11h00

Appelons-le Jamil -ce n’est pas son vrai prénom, bien sûr. Jamil est ce qu’on appelle un MDM (Marocain du monde). Né aux Pays-Bas, il y a grandi et étudié, mais il est très attaché au pays de ses ancêtres. Il y retourne souvent, engagé qu’il est dans des activités culturelles ou de volontariat. Bien diplômé, actif, sympathique, on le reçoit avec plaisir d’Oujda à Tanger et de Tanger à Dakhla -que voilà un beau triangle et nous avons la chance d’y être chez nous.

La semaine dernière, à l’occasion du SIEL, j’ai croisé Jamil à Rabat. Il avait l’air préoccupé.

- Que se passe-t-il? lui ai-je demandé dans la langue de Van Gogh.

- Ce n’est rien, me répondit-il dans la langue de Van Basten (c’est à peu près la même).

- Mais encore?

Il me narra alors une mésaventure qu’il venait de vivre et dont il était encore tout retourné.

Quelques jours avant notre rencontre, il se trouvait à Marrakech. Devant se rendre à Casablanca pour un rendez-vous d’affaires prévu en fin d’après-midi, il s’apprêtait à réserver une chambre d’hôtel dans la capitale économique, lorsqu’il se souvint de Ilham (ce n’est évidemment pas son vrai prénom). Il connaissait Ilham depuis des années, dans un cadre professionnel. Ils se croisaient de temps à autre et bavardaient avec plaisir, rien de plus. Ilham habitait à Casablanca, sur la côte, disons à Dar Bouazza.

Jamil envoya donc un message à Ilham. «Bonjour chère amie, je vais être à Casablanca aujourd’hui jusque tard dans l’après-midi, est-ce que tu pourrais m‘héberger ensuite dans ta chambre d’amis pour la nuit, on aurait enfin le temps de bien bavarder et je rentrerai demain à Marrakech.»

Après une courte réflexion, il ajouta un post-scriptum qui se voulait être une touche humoristique: «Au cas, bien sûr, où tu n’aurais pas un mari ou un ami ombrageux.»

Piiiiing. Il envoya le message le sourire aux lèvres, s’imaginant déjà alangui dans une chaise longue sous une belle véranda, en train de siroter un cocktail (halal) en face de l’Océan tout en devisant agréablement avec Ilham. Hélas…

La gifle! Il reçut en réponse une bordée d’injures. Ilham -qu’il avait confondue avec une Marieke ou une Anna- lui hurlait par écrit (je sais, c’est un exploit) «Pour qui me prends-tu?», «Je ne suis pas celle que tu crois», lui intimait l’ordre de ne plus jamais entrer en contact avec elle, d’effacer son numéro de téléphone, de disparaître jusqu’à la consommation des siècles et clôturait son anathème en traitant le pauvre Jamil de «prédateur».

- Cela prouve qu’elle ne connaît pas le sens de ce mot, puisqu’un prédateur ne demande jamais son avis à sa proie, fis-je remarquer, cuistre indécrottable, à Jamil. En admettant même que tu aies eu l’intention qu’elle t’a prêtée, ce n’était jamais qu’une proposition.

Il secoua la tête:

- Mais enfin, qu’ai-je fait pour mériter cette excommunication? Demander à quelqu’un qu’on connaît si on peut utiliser sa chambre d’amis, est-ce un crime?

- À Dar Bouazza, peut-être. Plus sérieusement, Jamil, tu n’as pas commis de crime, mais tu es Hollandais ‘dans ta tête’ et tu as fait une double erreur: te fier aux apparences (l’apparence de la modernité) et ignorer les différences entre cultures. Asseyons-nous à la terrasse de ce café là-bas et j’essayerai de t’expliquer.

Avis à mes amis du CCME (Conseil de la communauté marocaine à l’étranger): la discussion que j’eus avec lui pourrait faire l’objet d’une publication à l’usage des MRE/MDM. Cela leur éviterait des déconvenues du genre de celle qu’a vécue le pauvre Jamil…

Par Fouad Laroui
Le 30/04/2025 à 11h00