Ce qu’il faut savoir sur l’interdiction des palmiers à Casablanca avec Salima Belemkaddem, ingénieure paysagiste et militante écologiste

Des ficus retusa plantés sur un terre-plein central du boulevard Zerktouni à Casablanca. (K.Essalak/Le360)

Le 02/11/2024 à 11h36

VidéoLes autorités casablancaises ne planteront plus de palmiers Washingtonia sur les grands boulevards de la ville. Une première qui pourrait faire des émules dans le reste du Maroc. Rencontre avec Salima Belemkaddem, ingénieure paysagiste, présidente de l’association «Mouvement Maroc Environnement 2050».

À Casablanca, la végétalisation des espaces publics est au cœur des préoccupations écologiques. Dans un contexte où le ratio d’arbres par habitant et la superficie des espaces verts sont très en deçà des normes internationales, Salima Belemkaddem, ingénieure paysagiste et présidente du mouvement «Maroc Environnement 2050», a récemment partagé ses échanges avec Mohamed Mhidia, wali de Casablanca, pour revoir le modèle de végétalisation de la ville.

Ce dernier se serait engagé auprès du «Mouvement Maroc Environnement 2050», selon les dires de sa présidente, à stopper la plantation de palmiers Washigntonia à Casablanca. Sur le boulevard Zerktouni, en chantier, cette décision symbolise le début d’une nouvelle orientation: une verdure pensée pour le bien-être des citoyens et de l’environnement.

Les statistiques sont sans appel: en 2015, la métropole comptait déjà 30.000 palmiers et environ 90.000 arbres. «Aujourd’hui, même en étant généreuse, on pourrait estimer le nombre d’arbres à 200.000, un chiffre qui reste alarmant si l’on considère qu’il faudrait deux arbres par 20 habitant pour atteindre un niveau écologique minimum», déplore Belemkaddem. Avec un ratio de 30 à 40 habitants par arbre, la situation reste très éloignée des standards internationaux et prouve un réel fossé entre Casablanca et d’autres grandes capitales écologiques. Outre ce manque d’arbres, la superficie des espaces verts à Casablanca peine à atteindre 2m2 par habitant, bien loin des 10 à 15 m2 recommandés.

Au cours de son échange avec le wali, celui-ci a validé des propositions du mouvement, y compris le maintien du terre-plein central qui devait être supprimé et le renoncement à la plantation de platanes, une espèce peu adaptée à l’air salin de la ville. «Le platane n’aurait pas survécu ici, alors on a proposé des alternatives, mais malheureusement, nous avons dû composer avec le budget. C’est le ficus retusa qui a donc été retenu, déjà décidé par les autorités de la ville», partage-t-elle. Une autre idée également abandonnée sur ce projet a été la création d’une voie cyclable, jugée impraticable sur ce tronçon.

Casablanca a, pendant longtemps, favorisé les palmiers washingtonia pour structurer ses boulevards étroits. Salima Belemkaddem reste critique vis-à-vis de cette démarche qu’elle qualifie d’«écologiquement irresponsable». Selon elle, ces palmiers, avec leur feuillage minimaliste et leur tronc élancé, ne remplissent que partiellement les fonctions écologiques qu’un arbre pourrait apporter, comme l’ombre, l’absorption de CO₂, la fixation des poussières et la prévention des inondations. Bien qu’elle ait initialement demandé leur suppression en raison de leur impact sur la plantation d’autres arbres, les contraintes budgétaires et la complexité de l’extraction de leurs souches ont conduit à leur maintien.

Sur des axes comme le boulevard Moulay Youssef, l’ingénieure reconnaît que ces palmiers peuvent structurer l’espace, mais leur manque de bénéfices écologiques reste problématique. «Étant paysagiste j’aime toutes les plantes, mais standardiser le palmier au détriment d’arbres plus bénéfiques, pour moi, c’est un crime écologique», s’indigne la militante. En réponse à ces préoccupations, le wali de Casablanca lui aurait fait la promesse de ne plus planter de nouveaux palmiers, surtout sur les zones à forte circulation piétonne, notamment dans le cadre des travaux d’aménagement du boulevard Zerktouni.

Pour la présidente du «Mouvement Maroc Environnement 2050», la diversité des espèces est cruciale. Casablanca dispose d’une large palette d’options: arbres caduques, persistants, florifères ou non. Elle s’inquiète cependant du manque de professionnalisme dans les pratiques horticoles locales. «Il faut une meilleure formation des pépiniéristes pour garantir des arbres de qualité, bien formés et adaptés aux conditions locales de chaque ville», déclare-t-elle, évoquant le besoin de repenser les pratiques de taille qui dénaturent les arbres, réduits parfois à de simples poteaux sans charme ni efficacité écologique.

À long terme, Salima Belemkaddem et son mouvement espèrent voir une ville où chaque boulevard, chaque rue de Casablanca, sera bordé d’arbres procurant ombre, fraîcheur et bienfaits écologiques. «Il ne suffit pas d’installer quelques jardins ici et là, il faut créer une canopée urbaine qui nous protège, filtre l’air et améliore notre qualité de vie», conclut-elle, rappelant que dans un environnement urbain de plus en plus étouffant, l’arbre reste irremplaçable.

Par Ryme Bousfiha et Khalil Essalak
Le 02/11/2024 à 11h36